QVT et fluidité (partie 1 sur 2)

Novéquilibres : QVT et fluidité - Partie 1/2
La fluidité dans le travail est un facteur de Qualité de Vie au Travail (QVT) et de performance. Mais de quoi s’agit-il exactement ? Peut-on la comprendre de manière diverse ? Voici la première partie de l’article que je consacre à la fluidité.

“… parce que, quand on a le goût de la chose, quand on a le goût de la chose bien faite, le beau geste, parfois, on ne trouve pas l’interlocuteur en face ! Je dirais … le miroir qui aide à avancer …”

C’est le petit jeu de l’été sur laqvt.fr : de quel film est extraite cette tirade et quel est l’acteur qui l’interprète ? Il n’y a rien gagner, mais aussi rien à dépenser pour pouvoir jouer, voilà un bon compromis !

La fluidité dans le travail, ça existe ?

Si vous tapez les deux mots “fluidité” et “travail” sur votre moteur de recherche préféré (voire malicieusement imposé comme préféré, au détour de l’installation d’une application sur votre ordinateur), c’est la fluidité du marché du travail qui s’impose.

Je m’apprêtais à enchaîner l’écriture de mon article sur ma vision de la fluidité et finalement, je me suis donné une pause de quelques jours car il m’est apparu intéressant de lancer un appel à contributions autour de la question suivante “pour vous, ça évoque quoi la fluidité au travail ?”

La fluidité dans le travail en quelques feedbacks

La fluidité dans la communication, tel est le premier fil qu’il m’est amené à tirer grâce à Claire Roig : “C’est quand la communication passe, qu’il y a dialogue et échanges » Nicolas Calvo évoque aussi la communication et ajoute “Les relations heureuses ».
Pour Brigitte Barateau, la fluidité au travail, c’est “Quand une belle énergie circule entre les gens »

Céline Bou Sejean, membre du comité éditorial de laqvt.fr apporte également sa contribution, et d’abord de manière métaphorique “Un banc de poissons et un vol d’étourneaux. L’air et l’eau sont des supports consistants, parcourus de courants. Les poissons ou les oiseaux y évoluent selon une logique interne à l’essaim »
Appliqué au travail chez l’être humain, c’est “Un espace de travail qui procure à la fois appui et liberté, traversé certes par des courants changeants, mais dans lesquels un collectif solidaire peut évoluer de façon réactive et harmonieuse par l’attention presque physique que chacun porte à ceux qui l’entourent » Avec la capacité d’intégrer et de quitter le collectif dans la bienveillance.
En quelques mots et pour résumer, Céline propose la formulation “La fluidité au travail, c’est conjuguer le pluriel avec des singuliers reliés entre eux »
Céline a contribué une deuxième fois, avec une autre déclinaison de l’idée de fluidité : pour la continuité des tâches. Quand un membre du collectif est empêché dans son travail, le relais est pris par quelqu’un d’autre et peut lui être éventuellement redonné ensuite quand il est à nouveau opérationnel. “Un courant peut être dévié, ralenti, mais il faut faire en sorte, collectivement, qu’il ne crée pas de débordement »

Une autre compréhension de la fluidité au travail est abordée par Marie-Pierre Feuvrier et Monique Pierson : le flux (“flow” en anglais, ou expérience optimale), concept introduit par un des fondateurs de la psychologie positive : Mihály Csíkszentmihályi. Pour Marie-Pierre Feuvrier, “Le concept de flow représente bien cette fluidité au travail qui allie bonheur et performance » C’est un sujet phare d’une de ses conférences dont le titre est “Le bonheur est dans le flow”. Cela la renvoie également à ce qu’elle a vécu personnellement dans son travail d’accompagnement de personnes.

Le flux, pour se sentir bien et pleinement dans son activité de travail

Monique Pierson a traité du sujet du flux dans son livre Et si on décidait d’être heureux, même au travail ? (1). Plus précisément, nous a-t-elle indiqué dans sa contribution, au chapitre 4, et au chapitre 8 (point 8.4) de « L’art du management; en finir avec les idées reçues! ».
Pour elle, le flux, à l’instar du bonheur, part de soi, et donc suppose de travailler sur soi. A conjuguer bien sûr avec la création de conditions environnementales favorables. On retrouve l’idée récurrente que nous promouvons sur laqvt.fr : la juste articulation entre la responsabilité individuelle et les responsabilités collectives.
Monique Pierson a aussi en tête la fluidité du marché du travail dont je parlais en début d’article.

La fluidité dans le travail, histoire de maîtrise et de beau geste

Dans la notion de flux que je développerai probablement dans un article à venir, il y a une composante relative à l’idée de maîtrise : “Sensation de contrôle et de puissance sur l’activité ou la situation » (2). Ce sentiment dans son travail d’avoir les bonnes compétences, de pouvoir produire le résultat attendu et également de faire preuve de dextérité.

Voici les quelques mots d’explication sur la dextérité que j’ai trouvé concernant le piano et qui m’ont semblé très pertinents :

“La dextérité est la capacité à faire bouger les doigts sur le clavier avec toujours plus de précision, et à haute vitesse quand le besoin s’en impose” (3)

“Je gère !” disent certains.

La fluidité au travail, c’est de se sentir comme un poisson dans l’eau, dans son élément, de pouvoir réagir facilement aux impondérables. C’est de pouvoir hausser son niveau de jeu quand c’est nécessaire, de connaître ses limites, le cas échéant de flirter avec elles pendant un moment limité. Limité, car la fluidité s’entend selon moi dans une logique d’homéostasie, de juste équilibre.

La fluidité peut aussi être évoquée en contre point avec trois types de situation où il est difficile de se sentir fluide :

  • la situation d’apprentissage où l’on tâtonne, où l’on applique, où l’on reproduit – souvent péniblement – des gestes, des processus qu’on nous apprend ou qu’on découvre par soi-même. On est comme l’enfant qui commence à marcher, comme le conducteur très débutant qui sue littéralement au volant d’une voiture d’auto-école, le cas échéant vertement apostrophé par le moniteur. Sachant que ce n’est pas du jour au lendemain que s’acquiert la fluidité au volant;
  • la situation où on a les compétences, sauf qu’on débarque dans un environnement où il faut s’intégrer. On ne connait pas les us & coutumes (où on range quoi ? où se trouvent les fichiers ?, dans quelle mesure on applique réellement les procédures dans l’organisation ?), où l’on peine à co construire un espace de confiance et de bienveillance avec les personnes avec qui on interagit dans son travail …
  • la situation digne des temps modernes (4), où le faisable les doigts dans le nez, reste faisable les doigts occupés à la tâche, du fait d’une augmentation de la cadence jusqu’à devenir infaisable parce que la cadence devient non supportable (je vous renvoie à la partie du film où le contremaître joue du levier de la cadence, sous l’injonction du directeur de l’usine, avec en aboutissement la scène qui reste dans les mémoires où le héros se retrouve dans les engrenages).

La fluidité, on la vit soi-même quand c’est possible avec délectation ou sans même y prendre conscience. C’est quelques fois autrui qui nous révèle notre fluidité en nous donnant un signe de reconnaissance. Par exemple :

  • “Quelle dextérité !”,
  • “Comment arrives-tu à faire ça aussi vite ?”,
  • “Impressionnant !”,
  • “Chapeau !”,
  • “Bluffant !”,
  • “Je ne m’arrêterais pas de te regarder travailler !”,
  • “Quand on te voit faire, ça parait simple; mais on sait bien que ce n’est pas le cas !”

La fluidité vu de l’extérieur, c’est aussi le complexe rendu simplissime. De quoi nourrir des émotions positives chez l’acteur ou l’actrice et pour autrui qui sait prendre le temps de l’observer, de l’apprécier et éventuellement d’exprimer de la reconnaissance.

Il y a des métiers où la fluidité est offerte (ou vendue) en spectacle : l’artisanat, les arts et spectacles, le sport professionnel, les métiers de bouche, … Chacune et chacun ayant sa propre capacité intellectuelle, technique et émotionnelle à ressentir la fluidité dans ce qu’elle ou il voit ou entend. La fluidité étant l’essence même de la pratique du travail dans ces métiers.

Voici par exemple une vidéo où l’on voit Delphine, maître verrier depuis près de 15 ans, au CERFAV de Pantin, dans la fluidité. Vidéo réalisée par Pascal Léonard. Vous noterez la question posée à la fin et la réponse, montrant la double vertu de la reconnaissance en la matière : donner de la reconnaissance et engager l’acteur, si nécessaire, dans la prise de conscience et l’appréciation de sa fluidité.

Voici un autre exemple de fluidité montrant que chacune et chacun peut la trouver avec les moyens qu’elle/il a en main à partir du moment où c’est atteignable et qu’on se donne le temps et les moyens pour l’atteindre.


Annette Gabbedey réalise des bijoux… par Gentside

Alors, vive la fluidité ! C’est beau à vivre, c’est beau à voir. Et je vous souhaite, lectrices et lecteurs de cet article, de la vivre en action et en observation le plus souvent possible.

Dans une 2ème partie de cet article, j’argumenterai en quoi le monde actuel me semble peu propice à la fluidité dans le travail dans certains métiers et certaines organisations, puis je poursuivrai de manière plus optimiste et constructive par quelques pistes pour (re)créer des conditions favorables à la fluidité.

 

(1) : Edition Afnor
(2) : Extrait de l’article wikipedia sur le flux
(3) : Lien
(4) : Film de Charles Chaplin de 1936

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Olivier Hoeffel

Responsable éditorial de laqvt.fr Auteur des blogs lesverbesdubonheur.fr et autourdelabienveillance.fr

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