1 actif occupé sur 4 est concerné par une transition professionnelle
L’Observatoire des Trajectoires Professionnelles, associant deux laboratoires (le LISPE du Groupe IGS et le LAB’HO du Groupe Adecco), réalise des études portant sur les transitions professionnelles sur le marché du travail. La 2e édition a été présentée le 7 mars dernier. Elle recense sensiblement le même constat : un peu moins de 7 millions d’individus ont connu une transition professionnelle au cours des 12 derniers mois. Si le terme qualité de vie au travail (QVT) n’a pas été prononcé, des éléments qui la composent ont été mis à jour, notamment en centrant l’étude sur les impacts de la transition professionnelle sur les perceptions des individus dans leurs sphères professionnelle et privée.
Périmètre et méthodologie de l’étude
Au sens strict, la transition professionnelle indique un passage d’un état à un autre dans un domaine relatif à une profession, un métier : soit on a un métier (considérant sa formation et/ou son expérience), soit on n’en a pas (sans formation, sans emploi, sans activité rémunérée).
La définition retenue par l’Observatoire des Trajectoires Professionnelles(*) est la suivante :
“La transition est une discontinuité entre un état précédent et un état présent. Elle est une étape de vie, une réinvention de soi face à un aléa d’ordre professionnel ou privé”.
Cette définition semble évoquer l’opportunité fournie par un événement plutôt imprévisible voire défavorable, pour prendre en main son développement. Néanmoins, le terme aléa me semble très restrictif : en effet, on peut se demander si toutes les transitions ont pour origine la nécessité de faire face à l’adversité (je ne considérerais pas le congé parental comme tel, ni le fait de trouver un emploi suite à une formation, ni forcément le fait de changer de métier sans formation, qui peut traduire la poursuite d’un accomplissement sans pour autant impliquer un mal être dans le métier précédent(**)). Le terme événement aurait peut-être suffi dans le cadre de cette définition générale.
L’étude comporte une phase d’entretiens qualitatifs avec des personnes ayant connu une transition professionnelle, et une phase quantitative sur un échantillon représentatif de la population active occupée (les demandeurs d’emploi qui ne sont pas concernés par l’étude, à moins d’être en formation) de 1001 personnes. La période considérée : les 12 derniers mois au moment des réponses.
Elle est centrée sur les impacts de la transition professionnelle sur les perceptions des individus dans leurs sphères professionnelle et privée (une dimension importante de la qualité de vie au travail).
La typologie de 6 profils d’individus en transition professionnelle est reprise :
- Le Mobile a enchaîné les contrats courts et flexibles
- Le Re-Actif sort d’une période de chômage, d’un congé parental ou d’un arrêt maladie
- Le Pré-retraité actif entame sa transition vers la retraite à partir de 55 ans
- Le Formé a accédé à l’emploi à la suite de sa formation (initiale ou continue)
- Le Réorienté a changé de métier sans suivre de formation
- Le Polymorphe cumule plusieurs de ces situations de transition professionnelle
Résultats de l’étude
Sans grande surprise, la transition professionnelle représente un moment de tension pour l’individu, qu’il la choisisse ou qu’il la subisse.
- Elle concerne majoritairement les femmes (55%).
- Les jeunes y sont davantage exposés.
- Les 2 extrémités du niveau de diplôme également (niveau collège, ou bien de bac+3 à bac+8)
Lors de la présentation, il a été souligné que globalement les Français trouvent des solutions, que les transitions sont choisies ou subies. Je préciserais volontiers que la responsabilité des individus est imbriquée avec la responsabilité collective (organisationnelle, paritaire, gouvernementale) également en matière de transition professionnelle.
Il résulte de ces transitions professionnelles vécues des perceptions positives :
- une meilleure attractivité sur le marché de l’emploi
- la prise en main de sa carrière
- le sentiment d’apprendre
… et des perceptions négatives :
- un sentiment de surqualification
- de l’ennui au travail
- une insécurité professionnelle
- un épuisement professionnel
- un surinvestissement au travail
- Le conflit entre la vie familiale et la vie professionnelle
A noter que le niveau de satisfaction de leur vie professionnelle est le même que celui de ceux qui n’ont pas connu de transition.
26,2 millions concernés contre 26 l’an dernier.
La répartition par type de transitions cette année se présente comme suit :
56% des Polymorphes sont des femmes
Si 55% des personnes ayant connu une transition professionnelle dans les 12 derniers mois sont des femmes, elles ne représentent que 45% des Réorientés (sans suivre de formation), 35% des Formés et 42% des Pré-retraités actifs.
En revanche elles représentent 57% des Mobiles et 64% des Re-Actifs.
Enfin, 55% des Polymorphes ont entre 18 et 34 ans
- 65% des Réorientés ont entre 27 et 34 ans.
- 60% des Re-Actifs ont entre 18 et 39 ans.
- 44% des Mobiles ont entre 18 et 34 ans.
- Les Formés ont moins de 45 ans.
Enchaîner les contrats courts et flexibles n’est pas bien vécu : les Mobiles pensent occuper un emploi sous-calibré et ont un fort sentiment d’insécurité professionnelle. Ce sont plutôt des femmes, plutôt jeunes et de catégorie socio-professionnelles (CSP) peu élevées. Ils sont 2,27 millions.
Redevenir actif à la suite d’une période de chômage, d’un congé parental ou d’un arrêt maladie draine également une perception négative : les Re-Actifs vivent un conflit de conciliation de leur sphère privée avec leur sphère professionnelle. Ce sont également plutôt des femmes, plutôt jeunes, de CSP peu élevées, et qui se trouvent plutôt en milieu rural et à Paris. Ils sont 1,32 millions.
Entamer sa transition vers la retraite à partir de 55 ans est par contre bien vécu : les Pré-retraités actifs ont peu de problèmes d’épuisement ni d’ennui ni de sentiment d’insécurité. Ils n’ont pas de conflit entre leurs sphères professionnelle et familiale. Ce sont majoritairement des hommes (58%), des habitant.e.s de milieu rural ou de grands ensembles urbains. Ils sont 360 000.
Accéder à l’emploi suite à une formation révèle une double perception : en perception positive, les Formés évoquent le sentiment de prendre en main leur carrière ou d’être attractif sur le marché de l’emploi. Mais à l’inverse ils soulignent l’épuisement professionnel et l’ennui au travail, ainsi que l’empiétement du professionnel sur la vie privée. Ce sont majoritairement des hommes (65%), des personnes de niveau Bac+3 à bac+8, et des parisiens ou habitants de grands ensembles urbains. Ils sont 340 000.
Changer de métier sans suivre de formation est également doublement perçu : les Réorientés évoquent d’un côté l’épuisement professionnel et la surqualification, de l’autre côté le respect du contrat psychologique et la satisfaction de vie. Ce sont majoritairement des hommes, des jeunes, des personnes de niveau Bac+3 à bac+8. Ils sont 180 000.
Enfin, cumuler plusieurs situations de transition professionnelle n’est globalement pas bien vécu : si les 2,3 millions de Polymorphes ont un sentiment d’attractivité sur le marché de l’emploi, ils pensent occuper un emploi sous-calibré, ressentent une rupture du contrat psychologique, et un fort sentiment d’insécurité professionnelle. Ce sont majoritairement des femmes, des jeunes, des diplômés bac+3 à bac+8.
Satisfaction de vie professionnelle
Sur un échantillon également représentatif de 1230 actifs occupés ayant connu une transition sur l’année, des éléments de satisfaction ou d’insatisfaction au travail déclarés ont été interrogés par tranches d’âge.
Des éléments notoires :
- Toutes tranches d’âges confondues, ils sont de 70 à 78% à déclarer avoir le sentiment d’apprendre au travail
- Les 35-50 ans déclarent se sentir maîtres de leur carrière à 67%, les 3 autres tranches d’âge à 78%
- seules les 2 tranches intermédiaires sont préoccupées par leur employabilité : les 27-34 ans sont satisfaits à 57% sur ce point, les 35-50 ans à 63%.
- faire partie des mobiles ne réjouit pas les jeunes : les 18-26 ans sont satisfaits à 19%, 27% pas particulièrement. Les 27-34 ans sont satisfaits à 31%, et pas particulièrement pour 20%.
- Les plus de 50 ans déclarent être satisfaits de faire partie des pré-retraités actifs à 32%, pas particulièrement à 18%
Cheminement professionnel et QVT
Une transition professionnelle concerne un mouvement d’une situation à une autre, qu’il soit choisi ou subi, qu’il soit profitable ou non à la QVT. Les effets de la transition sont ambivalents, ils peuvent améliorer certaines dimensions de la QVT mais en détériorer d’autres (par exemple davantage de reconnaissance mais moins d’intérêt du travail).
Le cheminement professionnel à l’intérieur de son parcours de vie est une des dimensions de la QVT.
Effectuer un travail (ou trouver un emploi dans lequel le travail attendu est effectué) dans de bonnes conditions, qui correspond à ses appétences, à ses compétences, et permet de les accroître traduit une évolution professionnelle positive.
La reconnaissance est une autre dimension qui ne se réduit pas à la rémunération perçue mais en fait partie : la correspondance entre la valeur du travail perçue et la rémunération perçue peut faire défaut. En outre, le fait de pouvoir subvenir à ses besoins élémentaires par le biais de la rémunération notamment n’est pas anodin.
Comme le soulignent les 2 derniers points de la conclusion de cette étude, l’existence d’un projet individuel, et l’accompagnement des trajectoires professionnelles des actifs promettent des perceptions positives des parcours professionnels. Que ceux-ci comportent des transitions ou non, chaque individu se sentira épanoui de par sa capacité à être l’auteur de son parcours, de par le développement ressenti, la sécurité ressentie par une employabilité accrue, et l’adéquation avec ses valeurs.
Une infographie a été réalisée par l’Observatoire des Trajectoires Professionnelles, consultez-la.
(*) à ne pas confondre avec l’Observatoire des TRANSITIONS Professionnelles (OTP), financé par le Fond Paritaire de Sécurisation des Parcours Professionnels (FPSPP), qui concerne uniquement les transitions de bénéficiaires du Congé Individuel de Formation (CIF).
(**) lisez ou relisez à ce sujet l’article Reconversion et QVT