Semaine de la QVT 2022 : En quête de sens au travail

SQVT 2022 - Quête de sens au travail

La semaine de la QVT (Qualité de Vie au Travail) aura lieu dans une semaine entre le lundi 20 juin 2022 et le vendredi 24 juin 2022. Le thème de cette année : En quête de sens au travail.

Dans cet article, je présente en quelques mots la semaine de la QVT puis je propos quelques fils à tirer pour explorer le thème du sens au travail, avec notamment un rappel de contenus déjà publiés sur ce thème sur laqvt.fr depuis 2011, et également sur les sites internet lesverbesdubonheur.fr dans le dossier Société de la Bienveillance. et autourdelabienveillance.fr que j’ai créé en avril 2022 pour la promotion d’une Société et de Territoires de la Bienveillance.

La semaine de la QVT : Qui, que, quoi, où …

La semaine de la QVT est organisée par le réseau Anact-Aract depuis 19 ans (quelques années avant que les partenaires sociaux se soient entendus sur le concept qui a abouti à l’Accord National Interprofessionnel vers une politique d’amélioration de la Qualité de Vie au Travail (QVT) et de l’Egalité Professionnelle du 19 juin 2013).

Un site internet est dédié à cette semaine : semaineqvt.anact.fr

Des événements se déroulent en présentiel en région, ou sous forme de webinaire. Des podcasts sont aussi proposés.

A noter un deuxième concept introduit en 2020 accolé à la QVT : la QVCT – Qualité de Vie et des Conditions de Travail), qui donné lieu à l’accord national interprofessionnel du 9 décembre 2020, puis à la loi du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail. La QVCT a fait récemment son entrée dans le Code du travail, le 31 mars 2022 pour être précis (cf la page dédiée QVT-QVCT).

Ci-dessous une carte mentale résumant les fils que je vais maintenant tirer dans la suite du présent article :

(la version de la carte mentale au format pdf)

Le sens au travail, ça n’a pas de sens ?

Le thème du sens au travail renvoie au sens que l’on peut donner individuellement et collectivement au travail et à la vie au travail, dans toute sa diversité et toute son ambition. Il se heurte à une vision ancienne et étriquée du travail selon laquelle c’est une obligation non discutable, non négociable, inflexible, moralisatrice, …. Une vision qui entretient l’intolérance, la médisance, le jugement radical, l’exclusion, les tensions, voire la violence.

Et il faut se féliciter que de plus en plus de personnes dans les dernières générations placent très haut le critère du sens pour leur recherche d’un métier et le choix d’un emploi. Il ne faut pas y voir une lubie, un gadget ou un prétexte pour moins (ou pas) travailler. Un vrai enjeu de bienveillance, de tolérance et d’intelligence pour éviter des tensions et des conflits bien inutiles.

Le sens, oui, mais dans quel sens ?

Estelle Morin, professeur titulaire à HEC Montréal s’intéresse depuis plusieurs années au sujet du sens dans la sphère professionnelle. Selon elle, le sens qu’une personne donne à son travail peut avoir des effets positifs ou négatifs sur sa santé mentale et sur son engagement envers l’organisation

Elle distingue 3 dimensions pour le sens au travail :

  • la signification du travail pour l’individu, ce qu’il représente pour lui, la place occupée dans la vie; on peut parler de représentation du travail. Chaque individu ayant la sienne. Pour certains, c’est central, pour d’autres, le travail est alimentaire ;
  • la direction, les buts poursuivis ;
  • l’effet de cohérence entre l’individu et le travail qu’il accomplit, au regard des deux autres dimensions ;

et 6 caractéristiques présentées dans le schéma suivant :

sens au travail

L’enjeu de cohérence me semble central car bien souvent les RPS et un niveau insuffisant de QVT proviennent en réalité de cette dimension du sens, Il est capital de saisir dans cette conception du sens que la cohérence fait partie intégrante du sens. Et donc sans cohérence, le sens est impacté négativement.

Je vous invite à consulter l’article 20 mars 2018, journée du bonheur : Sens, Attention et Reconnaissance qui entre dans plus de détails et met en lien le sens au travail avec les autres sphères.

Une définition de la QVT qui prend tout son sens et qui peut donner du sens

Gilles Dupuis et Jean-Pierre Martel, chercheurs québécois en psychologie ont élaboré une définition de la QVT que j’ai l’habitude de qualifier de lumineuse depuis que je l’ai découverte en 2010 :

La qualité de vie au travail, à un temps donné, correspond au niveau atteint par l’individu dans la poursuite dynamique de ses buts hiérarchisés à l’intérieur des domaines de son travail où la réduction de l’écart séparant l’individu de ses objectifs se traduit par un impact positif sur la qualité de vie générale de l’individu, sur la performance organisationnelle et, par conséquent, sur le fonctionnement global de la société.

De cette définition, ressort l’idée de bienfait des progrès : toute dynamique de progrès contribue à la réduction de l’écart séparant l’individu de ses objectifs, et donc en particulier à la qualité de vie générale de l’individu. Il est considéré aussi que chaque individu définit implicitement et explicitement des attentes hiérarchisées par rapport à son travail et que plus l’écart entre la réalité et ses attentes est grand, moins bon sera le niveau de QVT.

Dans l’article Quel sens donner à la QVT ? faisant partie de la liste de nos articles de référence sur la QVT, je présente plus en avant cette vision de la QVT qui a tout l’intérêt de mettre en introspection et en partage le sens du travail.

Une juste place au sens : l’engagement juste

Le sens fait-il un bon niveau de QVT par essence ? Je me suis particulièrement intéressé à la QVT dans le secteur de l’Economie Sociale et Solidaire (ESS) ces dernières années. Si la réponse à cette question était positive, nous aurions un secteur de l’économie particulièrement au beau fixe en matière de QVT. Or, en réalité, bien que la question du sens soit au cœur de l’engagement des salariés et bénévoles de ce secteur, son niveau de QVT est à peine supérieur à la moyenne. Maintenant, si on retient la définition donnée par Estelle Morin du sens au travail, incluant la cohérence dans le sens, alors la réponse serait largement moins négative.

Alors pourquoi le sens investi individuellement ne fait-il pas un bon niveau de QVT ? Parce qu’il devrait aussi être investi collectivement et que le collectif devrait prendre soin au moins autant des salariés et bénévoles que des bénéficiaires des prestations et services de ce secteur. Et c’est là que le bât blesse comme je l’ai expliqué dans les articles Cultivons-nous notre QVT dans l’ESS ! et Soyons pressés de bien donner ! qui pose la question d’un juste engagement avec un triple niveau de responsabilité individuel/interpersonnel/collectif dans une idée d’Attention Réciproque, le tout, vu de manière indissociable :

  • je prends soin de mon engagement,
  • je prends soin de ton engagement,
  • nous prenons soin de nos engagements.

Le sens par le filtre du triangle Complexité, Incertitude et Enjeu

Le MOOC sur la complexité “L’avenir de la décision : connaître et agir en complexité” dirigé par Edgar Morin contient une mine de ressources sur le sujet de la complexité, et notamment un module présenté par Laurent Alfandari intitulé “Complexité et incertitudes dans la prise de décisions, trois petits problèmes de décisions“.

Il y développe l’idée que la difficulté dans la prise de décision repose sur 3 dimensions :

  • la complexité de la situation, à ne pas confondre avec la notion de “difficulté”. Une situation est complexe quand elle s’analyse à travers de multiples dimensions qui peuvent interagir les unes sur les autres ;
  • l’incertitude quant aux conséquences de la prise de décision ;
  • l’enjeu ou les enjeux que représentent la prise de décision et les impacts possibles.

Dans l’époque tourmentée actuelle et les différents types de menaces et incertitudes planétaires, avec des situations qui peuvent être complexes et des enjeux vitaux, il est important de pouvoir discerner parmi ces 3 dimensions ce qui fait tension, ce qui peut bousculer ou remettre en cause le sens au travail.

Les grands enjeux actuels écologiques, sociaux, démocratiques et sanitaires

L’emballement climatique, la crise de la Covid, la guerre lancée par Poutine contre l’Ukraine apportent chacun son lot de conséquences plus ou moins visibles dans notre quotidien et la perspective de jours qui ne seront peut-être plus jamais comme avant, y compris dans la vie au travail. Même si on essaye de vouloir à tout prix faire et revenir comme avant, il est fort peu probable que nos modes de vie et nos vies professionnelles ne soient pas impactés à court terme.

Pendant plusieurs générations, le bon sens du moment qui n’en était pas un, nous a autorisé collectivement à épuiser les ressources de planète et à créer et gober toutes les nouvelles technologies sans en imaginer ni les conséquences (santé physique et mentale, impacts environnementaux) ni leur bon usage. Une société sous le joug d’une partie de notre cerveau, le striatum (cf article L’insoupçonnable et l’insoutenable).

Puisqu’il s’agit de sens, le sens de l’histoire, espérons-le, est de calmer le géant striatum et d’utiliser intelligemment notre cortex préfrontal, individuellement et collectivement pour penser une société plus responsable et plus bienveillante (j’y reviendrai plus loin avec l’idée de Société de la Bienveillance). Une société où les emplois, les métiers, le travail seront résolument centrés sur le sens et sur le bon sens. Une société où la démocratie prendra tout son sens, de manière contributive, et où le monde du travail sera beaucoup plus démocratique et basé sur la confiance. En notant cette incongruité tenace : comment notre société “démocratique” peut-elle l’être aussi peu dans le monde du travail ?

Ces grands enjeux mettent en perspective le sens au travail dans une vision plus large : le sens de la vie comme je l’ai évoqué dans l’article Citoyen, lève-toi pour la QVT !. Elle permet de considérer la QVT au-delà des murs étroits du travail, avec des responsabilités en tant que citoyen en dehors de la sphère professionnelle pour éviter des comportements quelques fois schizophrènes (par ex : en tant que travailleur, je veux de bonnes conditions de travail, et le même moi, en tant qu’épargnant, je place dans des entreprises connues pour leurs mauvaises conditions de travail) :

La QVT par le citoyen laqvt.fr Qualité de Vie au Travail QVT

Différencier Sens et Utilité

Pour y avoir moi-même été confronté, il y a nécessité de ne pas assimiler sens et utilité. L’utilité ne fait pas forcément le sens et le sens ne garantit pas pour autant l’utilité.

Une utilité sans sens – j’ai la conviction que les méthodes de management de ces dernières années ont favorisé cette tendance -, impacte souvent négativement la QVT : on perd l’essence de ce que l’on fait. Par ailleurs, la notion d’utilité peut vite perdre de sa substance au même titre que pour la notion d’urgence : tout est utile voire indispensable et urgent. Cela se manifeste souvent par une fuite en avant aveugle qui écrase tout sur son passage sans aucune réflexivité.

Travailler avec revenus ou sans revenus, à travers des actions qui font sens ne produit pas toujours l’utilité et les résultats que l’on a espérés. Les actions peuvent être stériles, contrariées, non reconnues, invisibles, … et il y a risque pour la santé mentale et physique. D’où l’importance de deux dynamiques dont je vais parler plus loin : la reconnaissance et la bienveillance (y compris envers soi-même).

Pour aller plus loin sur le sujet, voir l’article Vos activités sont-elles SUPAIR ?

La cohérence du “Pourquoi”, du “Comment” et du “Quoi” de la raison d’être

La raison d’être de l’organisation à laquelle on appartient a capacité à faire vivre le sens, sous conditions qu’elle ne soit pas de la poudre aux yeux.

Le deuxième risque est celui de la dissonance entre 3 aspects de la raison d’être : le “pourquoi”, le “comment” et le “quoi”, et notamment un “comment” qui percute le “pourquoi”. On le constate notamment dans le secteur de l’ESS et celui de la santé avec la tendance à vouloir importer des méthodes de management et outils de contrôle de gestion qui détricotent les collectifs, la solidarité et les métiers. Ces derniers se voyant réduire à peau de chagrin leur substantifique moëlle au profit d’une gestion comptable aveugle des finances et du temps.

La raison d’être mérite d’être co-construite à partir des raisons d’être individuelles – en particulier en phase de construction du collectif – mettant tout un chacun en position d’interroger le sens de son travail (introspection) et de favoriser le partage avec suffisamment de transparence avec les autres membres du collectif. La raison d’être est vivante, aussi bien individuellement et collectivement, et donc il faut savoir prendre de la hauteur périodiquement en quoi elle bouge et comment l’adapter.

La reconnaissance, ça a du sens !

Parmi les bienfaits de la reconnaissance, il y a que ça a du sens, que cela donne du sens, que ça le conforte et le nourrit.

Le premier niveau de reconnaissance est celui de se reconnaître soi-même dans ce qu’on fait dans son travail et ce qu’on est dans sa vie au travail. Pas seulement dans le faire, la performance, le quantitatif, mais aussi dans le qualitatif, dans le “comment”, dans une éthique conforme à ses valeurs, envers les humains et autres qu’humains.

Le deuxième niveau est de recevoir des signes manifestes, explicites de reconnaissance de ses pairs, de son collectif, des parties prenantes externes (clients, usagers, fournisseurs, partenaires, …). Cela passe aussi par la valorisation dans le grand public du métier que l’on exerce. Une valorisation qui doit être cohérente avec les conditions de vie au travail et le niveau de rémunération, sinon il ne s’agit que d’affichage. Le pur affichage percute le sens et impacte négativement la QVT.

J’attire l’attention sur le fait que l’on évoque presque exclusivement la reconnaissance  à travers celle à recevoir, celle qui nous est/serait due. Déjà, celle-là, il est quelques fois intéressant d’améliorer l’attention à celle qui existe, à sa réception, son appréciation. Il y a aussi celle dont on ne parle pas presque jamais : celle que l’on peut toutes et tous donner au quotidien, activant pour soi-même des pensées et des émotions positives, ainsi que des actes altruistes et de coopération.

Je renvoie au dossier Reconnaissance au travail de laqvt.fr et aussi à 15 gestes de reconnaissance au quotidien applicables dans toutes les sphères de vie, et notamment dans la sphère professionnelle.

Aller dans le sens du gagnant-gagnant et d’une Société et de Territoires de la Bienveillance

Ma conviction est que face aux grands enjeux évoqués précédemment, il y a un énorme risque de nous laisser conduire inexorablement vers une société autoritaire présentée comme seule apte au pied du mur à y faire face tant bien que mal, et notamment en faisant l’impasse sur l’enjeu démocratique. La façon dont les Etats du monde ont affronté plus ou moins autoritairement (plutôt plus que moins) la crise de la covid en est une forme d’avertissement avec frais.

Les deux grands enjeux en la matière sont les suivants selon moi :

  • une lucidité sur l’état de la planète, de la santé des humains et autres qu’humains, les impacts de l’utilisation des nouvelles technologies de la communication, des produits alimentaires, des matériaux, … qui nous conduit selon un certain bon sens vers l’idée de sobriété assumée, consciente, responsabilisante et énergisante.
  • orienter notre société vers une bienveillance sur 4 dimensions indissociables et réplicables et faire nôtre l’idée de coopération ouverte dans un esprit gagnant-gagnant. Avec également l’idée de créer des cercles vertueux à partir de la bienveillance : plus je porte attention à toi, plus j’ai envie de te faciliter la vie et de t’aider, plus je te découvre, plus tu m’es précieux, plus je m’aperçois que tu m’apportes, plus j’éprouve de l’appréciation et de la reconnaissance, plus je te prends en considération dans mon attention. cf ma formulation des contours d’une Société et de Territoires de la Bienveillance.

Il y a un enjeu particulier de bienveillance qui relève à la fois d’humanité et de bon sens : prendre soin de ceux qui prennent soin d’autrui. Je pense notamment aux métiers de la santé, de l’éducation, de l’accompagnement, de l’aide à domicile, de l’agriculture responsable, aux aidants, …a

Je suis convaincu que les êtres humains amélioreront de manière significative leur QVT et leur qualité de vie en général en adoptant des comportements de coopération ouverte dans un esprit gagnant-gagnant. Ce qui nécessite d’abandonner – de faire le deuil pour certains – une vision maximaliste et d’excellence de la vie. En la matière, Voltaire nous guide avec son “Le mieux est l’ennemi du bien“, idée très voisine d’un principe beaucoup plus ancien qui était inscrit sur le fronton du Temple de Delphes : “Rien de trop” à côté de l’indissociable “Connais-toi toi-même“. Deux principes de bon sens qui pourraient largement contribuer au sens et au sens commun, en complétant le 2ème principe de la façon suivante : “Connais-toi toi-même et tes écosystèmes d’appartenance, du plus petit ou plus vaste“.

Olivier Hoeffel

Responsable éditorial de laqvt.fr Auteur des blogs lesverbesdubonheur.fr et autourdelabienveillance.fr

2 réflexions sur “Semaine de la QVT 2022 : En quête de sens au travail

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