Quel sens donner à la QVT ?

Novéquilibres : Quel sens donner à la QVT ?
Dans un monde qui bouge et où il faut aller au plus pressé, dites-moi, sans ambages, votre Qualité de Vie au Travail (QVT), est-elle bonne ou pas ? Ce n’est pas compliqué comme question ! Si vous me répondez par OUI ou par NON, ça nous simplifiera la tâche et je vous produirai d’ici quelques temps un beau camembert statistique avec 3 parts, une pour OUI, une pour NON et une pour celles et ceux qui n’auraient pas pu répondre de manière certaine à cette question tout de même extrêmement basique. J’aurais pu vous demander de noter entre 0 et 10, mais là, reconnaissons que ça devient trop compliqué !

Bon, alors, elle est bonne ou pas votre QVT ?

Avant de répondre à cette question, peut-être doit-on considérer que la QVT repose sur deux dimensions :

  • une dimension objective : les conditions de travail, les conditions de vie au travail avec une influence des conditions de vie dans nos autres sphères de vie
  • une dimension subjective : notre façon de traverser, d’accueillir, de penser, d’évaluer, d’analyser, de se projeter … les aspects objectifs. C’est donc notre perception.
Conditions objectives et perception

Donc, si on nous demande ce qu’on pense de notre QVT, la réponse sera le fruit du côté objectif filtré par le côté subjectif.
Ce qui signifie aussi, que travailler sur la QVT relève à la fois d’actions sur les conditions objectives et également, si nécessaire, sur la façon de les percevoir.

De quoi dépend notre perception ? Sans rentrer dans le questionnement sur la part d’inné et la part d’acquis, c’est bien la combinaison de nos gênes, de l’éducation que l’on a reçue dans sa famille, à l’école, des événements auxquels on a été confronté, de notre trajectoire professionnelle, des croyances qu’on s’est forgé et consolidé … qui influence voire dicte (dans le sens “produit automatiquement”) nos pensées, nos émotions, nos choix, nos comportements face aux situations objectives. Chacun de nous a donc bien sa propre perception de chaque événement du quotidien du travail nourrissant ainsi sa perception de sa QVT. Notre perception pouvant être teintée aussi par nos interactions avec autrui et par des phénomènes de groupe.

Alors subjectivement et objectivement, votre QVT, elle est bonne ou pas ?

Gilles Dupuis et Jean-Pierre Martel (1) ont donné en 2004 une définition de la QVT que je qualifie de “lumineuse” :

« La qualité de vie au travail, à un temps donné, correspond au niveau atteint par l’individu dans la poursuite dynamique de ses buts hiérarchisés à l’intérieur des domaines de son travail où la réduction de l’écart séparant l’individu de ses objectifs se traduit par un impact positif sur la qualité de vie générale de l’individu, sur la performance organisationnelle et, par conséquent, sur le fonctionnement global de la société. »

Vous croyez que ça va nous arranger votre définition pour savoir si elle est bonne ou pas votre QVT ?

De cette définition, on peut retenir dans un premier temps que notre QVT va dépendre de nos aspirations, de nos attentes. Des aspirations multiples sur des domaines très diverses : l’intérêt du travail, l’ambiance, l’environnement de travail, la charge de travail, la reconnaissance, les conditions de trajet domicile-travail, l’autonomie, les perspectives d’évolution … (en réalité, beaucoup de points de suspension)
On a donc bien des aspirations et des attentes sur quantité de domaines de la vie au travail en lien avec nos autres sphères de vie.

Mais quelles sont-elles ces aspirations et attentes et sont-elles toujours explicites ? A l’instar de la qualité d’un produit ou d’un service (2), certaines sont explicites et d’autres sont implicites. Un peu comme l’effet iceberg : les explicites qui émergent et les implicites qui sont immergées.

S’intéresser à la QVT, c’est déjà nous donner l’opportunité de prendre conscience de ce qui est implicite. Bien souvent, ce qui est implicite, ce sont les domaines qui nous satisfont. Du fait de l’adaptation hédonique, nous avons tendance à ne plus les avoir en conscience, notre esprit étant mobilisé par ce que nous attendons et qui n’est pas encore réalisé.
Et pourtant, ça fait du bien de ressentir de la gratitude pour tout ce qui nous satisfait dans notre vie au travail.

De la définition ressort également que nos aspirations et attentes sont hiérarchisées : chacun de nous va donner ses propres priorités à un certain nombre de domaines : si pour certains, ce qui va primer, c’est l’intérêt du travail, pour d’autres ce sera l’ambiance avec les collègues, pour d’autres encore le contact avec les clients, …

Une combinaison d’aspirations et attentes hiérarchisées

Ces premiers éléments mettent bien en évidence que deux personnes face hypothétiquement à la même situation de travail ne vont pas avoir le même niveau de QVT, puisqu’elles n’attendent pas la même chose de leur vie au travail. Nous avons vu précédemment que par ailleurs, elles ne perçoivent pas les situations de la même façon.

 

Vous nous embrouillez, là ! Votre QVT, elle est bonne ou pas ?

Notre perception de la QVT va dépendre beaucoup de la confrontation entre nos aspirations et la réalité du moment. Gilles Dupuis et Jean-Pierre Martel ont mis en centralité de leur définition et de l’outil ISQVT qu’ils ont développé un écart : l’écart entre les aspirations et la réalité.

Une logique d’écart à réduire entre aspirations et réalité

Notre niveau de QVT va dépendre inversement de cet écart sur les différents domaines : plus l’écart est petit entre nos aspirations et la situation du moment, meilleur sera le niveau de QVT. Quelques fois, on s’aperçoit même qu’on se trouve au-delà, voire très au-delà de ses aspirations (l’équivalent d’un écart dans l’autre sens). Une belle opportunité de s’en satisfaire !

A l’inverse, plus la réalité sera éloignée de nos aspirations et plus on se sentira impuissant, moins bien nous nous sentirons au travail avec l’apparition de risques psychosociaux (RPS).
L’amélioration de la QVT passe donc fondamentalement par la réduction de ces écarts.

Plusieurs axes d’actions sont à explorer de manière coordonnée, en considérant les trois questions suivantes :

  • sur les aspirations : sont-elles réalistes ?
  • sur la réalité : la perception de la réalité est-elle bonne et non déformée ? Peut-on améliorer la situation ?

 

En parlant d’exploration, bonne ou pas votre QVT ?

Dupuis et Martel situent la QVT dans la poursuite dynamique de buts hiérarchisés. C’est un autre aspect fondamental de la définition  : la dynamique, avec trois grands états : la situation s’améliore, se dégrade ou alors stagne.
On peut être plus précis en examinant la vitesse à laquelle la situation peut s’améliorer ou se dégrader, ceci dans chacun des domaines du travail que l’on est amené à explorer.

La QVT dépend de la dynamique

La dynamique est à considérer sur les deux plans abordés en début d’article : les conditions objectives et la perception.

Si l’on veut s’intéresser à une dégradation de la QVT, il faut non seulement pointer les conditions objectives qui se dégradent mais aussi celles qui stagnent.
En effet, prenons le cas d’une situation mauvaise ou moyenne qui objectivement stagne. Pour autant, cela ne veut pas dire qu’un sentiment de frustration et/ou de colère n’est pas en train de se développer dégradant donc la QVT.

L’évolution joue bien évidemment du fait de l’environnement et de la situation fluctuante. Mais ce n’est pas tout : il faut aussi prendre en compte que nos aspirations évoluent sur un horizon moyen-long terme .

Si je comprends bien, vous ne voulez pas me dire si elle bonne ou pas votre QVT ?

La QVT est indéniablement un objet complexe : si on interroge une personne sur sa QVT un lundi matin juste après qu’elle a pris son café en discutant agréablement avec ses collègues sur leurs activités du weekend (sentiment prégnant de convivialité), puis quelques heures après à la sortie d’une réunion où son chef s’est approprié les résultats de son travail devant elle sans la nommer (un sentiment marqué d’injustice et de manque de reconnaissance), les réponses ne seront pas les mêmes; d’autant plus si elle est interrogée de manière binaire comme je l’ai fait tout au long de cet article.
La première réponse sera probablement OUI et la deuxième NON.

La QVT, un objet dont il faut comprendre et accepter la complexité

Il est donc important de comprendre qu’il est normal que nous puissions ressentir de manière confuse et contrastée notre QVT et notre bonheur au travail. Cela explique aussi que des enquêtes et sondages nous affirment des choses quelques fois contradictoires selon qu’on parle de stress au travail, de QVT, de bonheur au travail et selon la façon dont ont été formulées les questions.

Ce sujet est d’autant plus complexe que chacun entend la QVT à sa façon, et particulièrement en terme de liste des domaines qui la composent (renvoyant aux aspirations et attentes évoquées précédemment). Les partenaires sociaux ont donné une liste non exhaustive de domaines en annexe de l’ANI du 19 juin 2013 vers une politique d’amélioration de la QVT et de l’Egalité Professionnelle. Elle est en effet non exhaustive, et chacun en l’examinant a capacité à ajouter son grain de sel.

Finir par l’émotion de gratitude

Pour terminer cet article, j’exprime ma gratitude à Gilles Dupuis et Jean-Pierre Martel pour leurs travaux sur la QVT qui ont constitué pour moi en 2010 le socle de la vision panoramique sur la QVT que nous avons continué ensuite à construire avec mes coéquipières et coéquipiers de Novéquilibres.

 

Voici ci-dessous une synthèse illustrée de cet article :

quel-sens-donner-a-la-qvt

Télécharger la version pdf de cette synthèse

 

 

(1) Jean-Pierre Martel est chercheur au LEPSYQ et professeur au Collège Gérald-Godin; Gilles Dupuis est professeur de psychologie à l’UQAM et Président-directeur général du Centre de liaison sur l’intervention et la prévention psychosociales (CLIPP)
(2) « Ensemble des propriétés et caractéristiques d’un produit ou d’un service qui lui confèrent l’aptitude à satisfaire des besoins exprimés ou implicites.” (ISO 9000 1987)

Olivier Hoeffel

Responsable éditorial de laqvt.fr Auteur des blogs lesverbesdubonheur.fr et autourdelabienveillance.fr

5 réflexions sur “Quel sens donner à la QVT ?

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