Des émotions au travail …
Dans la société actuelle certains croulent sous la charge de travail, et d’autres s’écroulent sans la charge de travail car ils n’en ont pas. L’individu est alors bouleversé par les émotions primaires comme la peur, la colère, ou la tristesse. Pas de place ou peu de place pour elles, et s’épancher, s’énerver, crier, pleurer et pire encore : avoir peur, car c’est à éviter au travail. L’émotion n’a pas sa place dans le raisonnable.
La peur
Elle est la plus archaïque des émotions, provenant du cerveau reptilien pour ressentir le danger dans un but de se mettre en sécurité; elle pousse vers l’autre pour se protéger. Hélas, au travail si quelqu’un a peur d’un manager, il se voit mal se réfugier dans les bras de son collègue, ce serait mal vu, impensable et donc infaisable et il reste avec sa peur à longer les murs. Si par malheur il tombe sur son manager ou plutôt s’il lui tombe dessus (car c’est comme cela qu’il perçoit les choses, un peu parano), il est alors agité, remué, ébranlé, peut-être même bouleversé et en tout cas il ne contrôle plus rien. De jour en jour cela s’empire… et il est vrai que certains sont même tétanisés ou sidérés, donc des proies faciles pour les prédateurs (son manager en est un…).
La peur est activée à l’insu de son plein gré par l’amygdale qui signale le danger pour se préparer à fuir ou combattre.
La colère
Quand les besoins ne sont pas satisfaits, une poussée de colère surgit. Quand un salarié a bien dit à son chef de ne pas empiler une tonne de dossiers sur son bureau avant qu’il arrive le matin, vu qu’il doit les retirer pour pouvoir atteindre son ordinateur enfoui derrière pour l’allumer avant de commencer sa journée, et qu’il ne voit même plus que son bureau est un bureau tellement il est englouti par les papiers… son rythme cardiaque s’accélère, sa respiration est saccadée, ses narines se dilatent et il vire au rouge écarlate en serrant les mâchoires. Le chef en question n’a pas intérêt à se pointer devant son nez : sa Qualité de Vie au Travail (QVT) en prendrait un coup.
La colère est alors un mouvement de défense quand il y a intrusion dans son territoire. Certains ne savent pas dire NON, se laisse entamer, empiéter dans leur espace et l’émotion les entraîne à piquer une colère.
La tristesse
Elle est l’émotion la moins tolérée au travail, car elle est assimilée à un manque de volonté, et le pire c’est quand elle dure. Lors de l’entretien annuel un commercial n’a pas atteint ses objectifs; il est triste donc moins efficace, alors son travail est remis en cause. Déjà il éprouve du manque et en plus il risque de manquer de travail; il est triste et on le rend de plus en plus triste et il s’enfonce dans la tristesse. Il est perçu comme faible et cela va à l’encontre de la performance et du rendement, les deux maîtres mots de l’entreprise. Il se retient de pleurer pour ne pas en rajouter, surtout qu’un homme ne pleure pas…
La tristesse peut être exprimée dans l’attente de consolation, mais quand elle est intériorisée car interdite au travail, elle entraîne un repli sur soi.
La joie
Même une émotion positive peut être suspecte dans certaines entreprises. Les joyeux arrivent avec un sourire jusqu’au deux oreilles et ils rentrent dans leurs bureaux la mine réjouie, qu’est ce que cela cache ? Ils n’ont pas l’air très sérieux et ils sont repérés et à surveiller du coin de l’œil. Par contre, s’ils arrivent avec la mine préoccupée, verrouillés et tendus, ils sont perçus comme investis et motivés. Il est vrai que l’on parle plus de souffrance au travail, que de plaisir, il faut en baver pour y arriver.
La joie au travail est communicative et permet de créer une bonne ambiance entre tous. Se réjouir est important pour entreprendre quelque chose.
S’ajoute aux émotions primaires les émotions secondaires comme la honte, le mépris, la jalousie, l’orgueil qui sont aussi à prendre en considération et vont bon train dans le monde du travail. La compassion en est une aussi à cultiver sans modération pour chasser les mauvaises du champ humain.
L’être humain est émotion et les nier au travail est une aberration. L’émotion percute certes, mais elle sert à nous indiquer que quelque chose se passe au niveau corporel grâce aux sensations. Il est essentiel de ne pas les fuir mais au contraire les accueillir, les identifier pour mieux les gérer et savoir anticiper par une présence à soi indispensable dans leur régulation avec un nouveau regard.
S’ancrer, poser les bases et souffler pour atténuer le trop plein d’émotion et ne garder que le bon du message.
« Si vous voulez être libre de vos émotions il faut avoir la connaissance réelle immédiate de vos émotions. »
Arnaud Desjardins
Montage utilisant la photo sous licence creative commons – auteur : Minh Hoang