Bourse aux petits bonheurs au travail
Dans cette nouvelle chronique, je vous propose de partager les bons moments que vous avez vécus au travail. Une façon de prendre conscience de ce qui apporte de l’eau au moulin de notre qualité de vie au travail, et de stimuler une énergie favorable pour son amélioration continue. Aujourd’hui, c’est Claire qui commence.
Pourquoi des bonheurs ? pourquoi petits ? pourquoi au travail ?
Le bonheur, c’est être heureux au moment où quelque chose de bien vous arrive.
disait le philosophe Alexandre Jollien à un ami.
Avant de creuser le concept de bonheur, j’en avais une vision un peu paroxystique, de l’ordre du superlatif, de l’illumination, donc de l’inatteignable. Alors au travail… parler de bonheur me semblait bien naïf ou trompeur. Mais la philosophie du bonheur(1) telle que l’a évoquée le psychiatre Christophe André m’a amenée à davantage de nuance quant à cette notion qui devenait plus crédible et collective. Novéquilibres la développe depuis quelques mois sous l’impulsion d’Olivier Hoeffel(2).
Le bonheur n’est pas un état permanent de béatitude. Mais il existe bien des situations, au travail comme ailleurs, qui nous procurent des émotions positives, et contribuent – plus ou moins modestement – à notre bonheur.
Dans le but de jeter un coup de projecteur sur des éléments positifs réellement perçus, j’ai lancé une collecte de petits bonheurs vécus au travail. Ma demande était de me faire part, en vue de les partager sur laqvt.fr, d’un petit bonheur sous la forme d’une situation de travail, ancienne ou récente, où la personne aurait ressenti une émotion positive. J’ai reçu une dizaine de réponses en trois jours, assez enthousiastes : “Voilà une très belle idée !”, “Cela me plaît beaucoup bien sûr, j’ai déjà plein de souvenirs qui remontent…”,« c’est déjà un petit bonheur de recevoir ce genre de mail !”…
Certaines contributions sont très contextualisées, d’autres plus globales. Elles décrivent des bonheurs d’intensités variables et sont qualifiés de fugaces, petits, grands, super gros, vrais, etc. Parfois ce sont des petits bonheurs en cascade, d’autres semblent venir en contrepoint d’un contexte difficile voire délétère, comme si le bonheur raconté représentait un rééquilibrage salutaire.
Je remercie chaleureusement ici les participants et leurs réponses enthousiastes. Leurs petits bonheurs m’en ont procuré autant en retour. Je commence le partage avec Claire qui m’en a envoyé deux, très spontanément.
Les petits bonheurs de Claire
C’est un bonheur fugace que j’ai vécu. J’en avais assez de rester chez moi (à prospecter par exemple). Quand l’heure de partir animer mon atelier est arrivée, j’ai ressenti une joie réelle.
Claire m’a précisé qu’elle ressentait immanquablement ce pic d’enthousiasme avant chacun de ses ateliers d’écriture. Il est autant physique que psychique. Certaines activités de l’entrepreneur.e sont incontournables mais pas nécessairement amusantes. En outre, il.elle peut se sentir très isolé.e. Retrouver sa clientèle fidèle depuis deux ans le.la remet en action et lui donne un sentiment d’utilité.
Cette émotion met à jour l’importance du lien social présent dans le travail, ici au coeur de l’activité professionnelle.
J’ai vécu une autre expérience. J’étais auxiliaire de vie scolaire (AVS), une fonction assez ingrate qui n’était pas reconnue à l’époque comme un métier. C’était en 2008. Un grand flou subsistait quant à l’interlocuteur à contacter en cas de souci. J’ai fait comme j’ai pu, avec ma modeste expérience de vie. L’une des rares institutrices à m’avoir fait une lettre de recommandation avait écrit sur la lettre combien je l’avais secondée dans sa tâche auprès d’un enfant porteur d’un handicap. C’est le verbe “seconder” qui m’a bouleversée, car elle reconnaissait les compétences que j’avais durement acquises sur le tas, sans formation et avec beaucoup de doutes.
Ici, Claire m’a expliqué que la reconnaissance de cette institutrice l’avait “placée haut”. Elle a été soulagée et rassurée, car cela a révélé pour elle le bien-fondé de son implication, ainsi que la valeur du travail qu’elle avait réussi à effectuer malgré ses interrogations, bénéficiant d’une autonomie qu’elle avait vécu davantage comme une absence de soutien, le rôle des différents acteurs étant peu déterminé.
Claire semble avoir procuré une meilleure qualité de vie au travail pour cette institutrice, et probablement aussi pour cet enfant. La sienne en revanche a été mise à rude épreuve du fait d’une organisation institutionnelle balbutiante, heureusement mieux prise en charge par l’institutrice a posteriori, du fait de son geste de reconnaissance.
(1) Lire le chapitre éponyme dans l’article Bien vivre en pleine conscience.
(2) Lire les articles Bonheur et plaisir et le Retour sur la conférence Travailler peut rendre heureux et être heureux ça se travaille
photo sous licence creative commons – auteur : alessandro silipo