Considération des salariés aidants
Lors de la 4e journée nationale des aidants le 6 octobre dernier, différents ateliers participatifs, conférences, tables rondes, témoignages ont eu lieu au café de la République à Paris sur tous les thèmes relatifs à l’aide aux aidants, du quotidien au sociétal en passant par la conciliation avec la vie professionnelle. J’ai assisté à quelques interventions, dont celles du sociologue Serge Guérin, de la secrétaire d’Etat aux personnes âgées Michèle Delaunay(*), ainsi que des représentants d’entreprises, dont Bayard et Danone, particulièrement impliquées dans la prise en charge de leurs salariés également aidants, agissant ainsi sur la qualité de vie au travail de tous.
Voici quelques préoccupations et idées pointées par les ateliers sur les solutions en entreprise :
- la reconnaissance : libérer la parole et de mobiliser toutes les parties prenantes;
- le maquis des ressources : un référent interne ou externe qui puisse aider le salarié aidant à se repérer
- le besoin de flexibilité du temps de travail (pour du répit, des démarches, des urgences) : utiliser le temps du 13e mois en demi-journées, journées ou semaines, éventuellement avec abondement de la part de l’employeur; les bourses de RTT, donner son temps; un réseau d’aide au sein de l’entreprise lorsqu’elle est multi-site (un salarié de Marseille aide un parent marseillais d’un salarié parisien)
- la formation à l’aide d’un proche
Puis George Samerot président du groupe Bayard et Emmanuelle Tingaud, DRH du siège de Danone ont présenté leur vision de l’aide que leur organisation pouvait apporter aux salariés concernés, à travers la présentation de Responsage, une plateforme d’appui aux aidants dont leurs organisations respectives sont partenaires.
Rencontre avec Emmanuelle Tingaud
Merci à elle de nous avoir accueillies, Dominique Poisson et moi, pour répondre à nos questions. La plateforme Responsage, comme son nom l’indique, donne un certain nombre de réponses aux salariés aidant des parents âgés. J’ai donc traité dans cet article plus particulièrement une dépendance liée à l’âge, mais les aidants sont bien des proches de personnes dépendantes quel que soit leur âge.
Comment la problématique des aidants est-elle apparue au siège de Danone ?
Nous avons d’une part de plus en plus de remontées de la part des médecins du travail sur les difficultés rencontrées par nos salariés en charge de parents âgés. D’autre part, au travers du questionnaire anonyme proposé annuellement dans le cadre de notre Observatoire du stress, nous détectons les situations de stress au travail ainsi que les facteurs déclenchants particuliers. Lors de la dernière enquête, 6% des répondants déclarent être aidant et nous observons que cette situation est un facteur explicatif du stress au travail. C’est un chiffre qui augmente régulièrement depuis 4 ou 5 ans, et qui nous a amené à nous pencher sérieusement sur le sujet.
Est-ce que vous rapprochez ce sujet à celui de la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle, et subsidiairement à la question de l’égalité homme femme ?
Il est vrai que les aidants sont plutôt des femmes, mais la proportion d’hommes augmente également. C’est une problématique différente de la conciliation entre la vie personnelle et la vie professionnelle pour deux principales raisons. D’une part, la difficulté de prise en charge de parents âgés n’est pas un sujet socialement reconnu, contrairement à celui de la parentalité. D’autre part, il y a dans ces situations un effet de soudaineté, de brutalité particulièrement difficile à exprimer. Il n’y a pas de solution simple et unique, il y a beaucoup de choses à faire mais la première est probablement de libérer la parole.
Au-delà du sujet de société, c’est un sujet important en matière de performance dans l’entreprise tout en restant dans la sphère privée. L’idée n’est pas de savoir tout ce que vit le salarié, mais de libérer son esprit au maximum pour qu’il puisse être en mesure de rester efficace.
Comment parvenez-vous à traiter ces aspects ?
La mise en place d’une plateforme dédiée extérieure à l’entreprise a révélé l’importance du sujet et sa reconnaissance par l’entreprise. Elle a levé un peu le tabou pour certains salariés que j’entends échanger sur ce sujet. Certains relaient les possibilités qu’offre Responsage. Concrètement, c’est une interface confidentielle, fournissant à l’appelant, sous 24 à 72 heures, une réponse très qualifiée, une sorte d’aiguillage vers les bons interlocuteurs selon les problématiques énoncées. Elle s’appuie sur une base de données très complète. C’est une source d’informations fiables qui s’enrichit également du retour des bénéficiaires afin de s’adapter au mieux à leurs besoins. Cela peut aller du conseil sur les postures à adopter pour préserver son propre état physique en situation d’aide, jusqu’au nombre de lits restants dans une maison de retraite.
Sur les 6 premiers mois, nous avons un très bon retour des salariés sur l’accueil, le temps de réponse ainsi que sur la qualité des réponses : 100% de satisfaits et très satisfaits. Selon les mois, les pourcentages oscillent entre 25-75 et 50-50 de satisfaits et très satisfaits.
Cet outil est-il ouvert à tous les salariés chez Danone ?
Les salariés du siège sont pilotes. L’idée est bien sûr de l’étendre aux autres entités du groupe, selon la décision de leur DRH respectif. Au siège, l’initiative (antérieure à ma prise de poste), a été saluée par le top management. Je suis heureuse d’avoir contribué à sa concrétisation, même s’il faut rester humble car l’aide aux parents âgés reste lourde.
Les salariés aidants ont souvent un cruel besoin de temps, les congés spécifiques(**) sont-ils utilisés chez Danone ?
Ils peuvent l’être effectivement, mais nous avons aussi de nombreuses possibilités plus “neutres” comme les RTT, la possibilité de transformer son 13e mois ou son bonus en temps ; tous les salariés ont également droit à un jour de télétravail par semaine. Il y a déjà une certaine flexibilité dans la façon de s’organiser indépendamment de cette problématique.
Quelques éléments de réflexion
Quelques points me semblent saillants :
- Etre aidant est facteur de stress, la prise en compte des salariés aidants est une action en faveur de leur qualité de vie au travail
- L’augmentation du nombre d’aidants masculins
- Le souci d’un équilibre ardu à viser entre la reconnaissance et le respect de la vie privée des salariés.
- L’investissement de l’employeur dans une problématique privée d’un salarié est une action à la fois solidaire et utile à la performance de l’entreprise.
- Des solutions sont proposées en entreprises… en tout cas dans les grands groupes.
Le vieillissement de la population et l’augmentation de la dépendance qui en découle sont un fait de société que les pouvoirs publics et l’entreprise, face à sa responsabilité sociétale, doivent prendre en compte. Je rapporterai dans un prochain article des exemples d’actions solidaires pour prendre en compte collectivement les actions en faveur d’une meilleure conciliation vie familiale et vie professionnelle.
(*) Michèle Delaunay a beaucoup oeuvré et devait présenter une loi d’adaptation de la société au vieillissement le 9 avril au Conseil des ministres et le 17 juin à l’Assemblée nationale. Elle est remplacée par Laurence Rossignol dans le nouveau gouvernement.
(**) Le seul congé relatif à des parents âgés dépendants (et non en fin de vie pour lequel il existe un congé spécifique) est le congé de soutien familial.
Ping : Cultiver l'Altruisme, la Bienveillance et la Compassion au travail - laqvt.fr