Parlons de gratuité au travail
La gratuité a été évoquée par Pierre Hilbrandt Responsable mission diversité du Groupe Caisse des Dépôts et Consignation, lors de la présentation publique du rapport de la mission 2011 de la FNEP. Cette présentation publique a eu lieu le 2 octobre 2012 dans l’amphithéâtre de l’ENA. Il présentait un des 6 leviers mis en avant dans ce rapport : la bienveillance.
Dans le cadre de la dynamique de propagation et de contagion que j’ai lancée au nom de laqvt.fr à l’occasion de cette présentation publique, j’ai personnellement choisi de porter le sujet de la gratuité et du don, en lien avec la gratitude et la reconnaissance.
Dans ce premier article, je vais évoquer l’enjeu que je vois dans la gratuité au travail.
Sur quoi se basent officiellement notre relation au travail et la conception du travail dans une organisation : le donnant-donnant.
C’est l’aspect contractuel de notre travail : nous signons un contrat de travail avec notre organisation représentée par son dirigeant ou son DRH.
Par ce contrat, nous nous engageons à travailler un certain nombre d’heures (voire pour certains un nombre certain d’heures) en respectant un règlement intérieur, pour une fonction dont les contours, plus ou moins précis, sont donnés dans une fiche de poste (quand elle existe). Pour beaucoup, s’ajoutent des objectifs, plus ou moins réalistes à atteindre collectivement et/ou individuellement.
En contrepartie, nous aurons le droit d’avoir un emploi (ou en raisonnant à l’inverse, de ne pas être exclus du monde du travail), et une rémunération dont une partie peut dépendre de la réalisation des objectifs. Il y a aussi des droits issus de la législation du travail, complétée éventuellement par une convention collective qui octroient des avantages sociaux. Je mets en avant un droit important en terme de QVT (Qualité de Vie au Travail) : la préservation de la santé physique et psychologique.
Alors, si on s’arrête au donnant-donnant, est-ce que ça marche une organisation ?
Non, car il manque tout le pan de la gratuité. Vous en doutez ?
Que pensez-vous de ma petite liste qui suit, non exhaustive, et loin s’en faut ?
- “Je crois que tu maîtrises bien la photocopieuse ? Tu pourrais m’aider à faire des copies recto/verso ?” : demande de gratuité .
- “Tu peux m’aider à terminer mon dossier ? Je dois le rendre demain !” : demande de gratuité. Regardez dans votre contrat de travail, vous ne trouverez pas trace d’une telle obligation.
- “Il faut que tu m’aides, là je coince ! Je n’ai aucune idée de solution.” : demande de gratuité.
- “Je vais remettre de l’eau dans la cafetière” : gratuité.
- “Ce n’est pas de ma responsabilité, mais je vais le faire.” : gratuité.
- “Et toi, ça va ce matin ?” : gratuité.
- “Attends, passes m’en une partie. C’est trop lourd pour toi !” : gratuité
- “Je n’y comprend rien. Toi qui a l’habitude, tu peux m’expliquer ?” : demande de gratuité
- “Je te laisse utiliser la photocopieuse ce matin. Je sais que tu as un gros dossier à sortir en urgence” : gratuité.
- “Si tu as besoin d’un coup main, n’hésites pas !” : offre de gratuité.
- “Je pars en voiture. Quelqu’un veut en profiter ?” : offre de gratuité.
- “Ton écran ne marche plus ? Je vais regarder. On ne sait jamais !” : offre de gratuité.
- “Qui m’aide pour remettre la salle de réunion dans sa configuration initiale ?” Gratuité et demande de gratuité
- “Tu m’as sauvé la mise !” Gratuité suivi de gratitude
- “Allo ? Non, il s’est absenté du bureau. Je peux prendre un message ? Je le transmets à votre mari dès qu’il revient.” : gratuité.
- “Demain, je m’occuperai de ton client. Ca te soulagera !” : gratuité
- “Jean est malade aujourd’hui. Je vous propose qu’on se répartisse le boulot pour pas qu’il doit débordé à son retour.” : gratuité.
- “J’ai appris que tu as remporté le marché. Bravo ! Tu dois être content. Et puis, tu l’as bien mérité !” : gratuité
- “C’est sympa, Isabelle nous a envoyé une carte postale de ses vacances” : gratuité
La gratuité, ce n’est pas seulement ce que certains pourraient considérer comme la cerise sur le gâteau ; c’est à dire, ce qui ferait que les personnes au travail pourraient se sentir bien au travail.
C’est une partie du gâteau lui-même, car sans gratuité, une organisation ne peut pas assurer une bonne performance et la satisfaction de ses clients ou de ses usagers.
C’est encore plus vrai évidemment dans les institutions qui font appel à des bénévoles.
Je développerai dans un prochain article mon point de vue sur la façon de cultiver la gratuité, et l’inscrire avec la gratitude et la reconnaissance dans une dynamique de cercle vertueux.
Gratuitement vôtre !
photo sous licence creative commons – auteur : Joachim S. Müller