QVT et parties prenantes – Des situations de travail
Le récent accord national interprofessionnel du 19 juin 2013 vers une politique d’amélioration de la QVT (Qualité de Vie au Travail) et de l’Egalité Professionnelle identifie un certain nombre de parties prenantes (même si le terme n’est pas utilisé en tant que tel). Je vous propose de considérer l’importance d’identifier et d’associer les parties prenantes pour améliorer la QVT à travers quelques situations de travail.
C’est quand mon tour ?
Je me suis rendu il y a quelques semaines en sous-préfecture pour un changement de carte d’immatriculation de ma voiture. Comme pour beaucoup d’activités qui mettent en relation avec des usagers susceptibles d’attendre, un distributeur de tickets était positionné à l’entrée des lieux. A noter que ce dispositif permet de limiter les tensions entre usagers et employé.es au guichet à propos de l’ordre dans lequel les usagers sont “servis”. Une façon très efficace de respecter le principe “premier arrivé, premier servi”.
Par ailleurs, des affiches rappellent aux usagers la liste des documents à fournir. Malgré cela, il se trouve toujours des personnes pour avoir oublié tel ou tel document, et j’ai pu constater que cela peut générer de la tension. C’est à cette occasion que l’on voit bien l’intérêt d’informer au mieux en amont.
L’information est aussi donnée par voie d’affichage que tout acte d’agression verbale ou physique donnera lieu à un dépôt de plainte.
Voici donc un ensemble de dispositions réfléchies en identifiant la partie prenante usager, assurant et améliorant ainsi la qualité de vie au travail des employé.es au guichet et aussi le confort des usagers.
Je retiens aussi une autre situation évoquée par Claire Maillard-Acker, cadre de santé aux urgences de l’Hôtel-Dieu dans l’article La QVT dans les urgences. Lors de l’entretien accordé à Sophie Courmont et moi-même, Claire Maillard-Acker nous a expliqué que les patients en attente de prise en charge aux urgences avaient besoin d’être informés et rassurés. Le fait de prendre en compte l’état émotionnel et d’anticiper les inquiétudes de ne pas être pris en charge aussi vite que souhaité désamorcent les conflits. Cette façon de comprendre les attentes des patients et d’agir individuellement ou sur décision collective pour aller au devant de l’impatience des individus en attente aux urgences contribue à la fois à la QVT des personnels aux urgences et à la qualité de vie des usagers.
Identifier la partie prenante constituée par les usagers, la comprendre, interagir et informer sont une chose. On peut aussi envisager de l’associer à cet enjeu gagnant-gagnant : QVT des uns et satisfaction des autres. Et ce, à travers des enquêtes de satisfaction, des interactions avec les associations d’usagers, …
Un résultat gagnant-gagnant nécessite une compréhension réciproque : compréhension par l’organisation des attentes des usagers et compréhension par les usagers des conditions de travail des personnels. Cette réciproque est d’autant plus nécessaire que l’usager a très souvent une vision tout à fait parcellaire du travail des personnels, s’y projette de manière simplificatrice (par exemple : “ce qu’il.elle est lent.e ! Moi, je serais à sa place, ce serait terminé depuis longtemps.”).
Du client roi à une relation de coopération
On connait tous l’expression “le client est roi”. Même si elle est actuellement moins courante qu’elle ne l’a été dans les conversations, elle n’en demeure pas moins très présente dans la réalité, et même imprégnée par les démarches qualité. Maintenant, il y a roi et roi. En particulier le roi despote qui n’hésite pas à humilier ses sujets soit par caprice soit tout simplement pour montrer que c’est lui qui détient le pouvoir.
Or, sur laqvt.fr et au sein de Novéquilibres, nous considérons que les relations entre parties prenantes sont plus efficaces et plus saines si elles sont un minimum équilibrées.
Voici quelques exemples d’où il ressort que l’amélioration de la QVT peut être freinée par le comportement du client :
- J’ai été frappé il y a quelques années par un reportage (il me semble dans l’émission Capital sur M6), dans lequel était évoquée la façon dont les fournisseurs dans la grande distribution pouvaient être traités par certaines centrales d’achat. Une pression tout à la fois sur les prix et en terme de relations interpersonnelles
- dans certains secteurs, les entreprises spécialisées en interim ou en régie subissent des pressions importantes de leurs clients pour conserver des marchés, et cela impactant la QVT des fournisseurs à tous les niveaux (dirigeants, commerciaux, intervenants, intérimaires).
- la pratique du flux tendu accroit inévitablement la tension sur les fournisseurs. Quand l’organisation est engagée dans des activités en flux tendu vers sa clientèle, on comprend bien que les dispositions prises en matière de QVT dans l’organisation doivent tenir compte des exigences éventuellement trop contraignantes des clients, et les réguler. Sinon, il est fort probable que l’efficacité de ces mesures reste limitée.
Il s’agit donc dans ces cas de figure d’essayer de rééquilibrer la relation client-fournisseur dans le sens d’une coopération entre les deux parties. En cohérence avec la RSE (Responsabilité Sociale des Entreprises), un client a tout intérêt à envisager sa relation avec ses fournisseurs avec respect et coopération. La qualité des produits ou services qu’il commande sera assurée aussi par la bon niveau de Qualité de Vie au Travail des personnels de ses fournisseurs.
Réciproquement, un fournisseur a tout intérêt à sensibiliser ses clients sur l’importance qu’il accorde à la QVT de ses collaborateurs et aux avantages que ses clients peuvent en retirer.
De ce point de vue, il ne s’agit pas seulement de considérer les impacts en terme de qualité et de coûts directs pour le client. Il s’agit aussi de prendre en compte l’énergie, le temps et la qualité de la relation interpersonnelle entre les personnes sur le terrain chez le client et leurs correspondants chez le fournisseur, au quotidien.
A plusieurs reprises, j’ai été confronté, en tant que contact opérationnel de fournisseurs, à des entreprises choisies soit pour des raisons politiques ou diplomatiques soit à travers le filtre du moindre coût. Deux raisons qui l’ont emporté sur le choix technique. Le déficit de QVT chez certains d’eux ont sérieusement compliqué ma tâche et mis mes interlocuteurs chez ces fournisseurs dans des dispositions peu propices à la coopération. Conclusion à ne pas négliger : l’amélioration de la QVT chez un fournisseur peut aussi avoir un impact sur la QVT des interlocuteurs chez le client.
Je publie en parallèle l’article Une vision large de la QVT sur miroirsocial.com, dont la première partie évoque la question de partie prenante de manière plus globale.
photo sous licence creative commons – auteur : Jenny Downing
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