Des références pour le temps sur la table
Nous avons lancé une initiative le 16 décembre 2013 sur laqvt.fr, initiative intitulée : Le temps sur la table. Nous vous proposons dans cet article collectif du comité éditorial un ensemble de références sur la question du temps pour alimenter la réflexion et la mise en action. Des éléments de nature diverse : constats, analyses des causes, préconisations d’actions,… sont à explorer dans ces différentes références.
Voici donc une liste de références. Nous donnons pour la plupart quelques idées fortes tirées par un des membres du comité de rédaction de laqvt.fr. Dans le but de conserver une taille raisonnable au présent article, nous précisons tout de même que nous nous sommes limités dans le relais de ces idées, ces sources étant particulièrement riches qualitativement et quantitativement.
Nous consacrerons de prochains articles à certaines des idées développées dans ces références.
Des ouvrages
→ Accélération – Hartmut Rosa
H. Rosa évoque la dimension objective : une accélération du rythme de vie par un plus grand nombre d’épisodes d’action et/ou d’expériences vécues par unité de temps. Mais il y a aussi les paramètres subjectifs à travers la pression temporelle et l’expérience du temps déchaîné.
→ Éloge de la lenteur – Carl Honoré
Le titre peut être trompeur : il ne s’agit pas de passer d’une extrémité à l’autre, par un jeu de balancier que nous pouvons constater sur maints sujets par ailleurs.
Carl Honoré prône plus un rééquilibrage qu’une “machine toute, arrière” dans notre culte (culture ?) de la vitesse et de l’urgence. Il s’intéresse aux mouvements Slow et aborde le sujet du temps dans le travail dans le chapitre intitulé “Travailler moins dur, vivre plus heureux”. On constate à la lecture de ce livre que la question de l’accélération du temps ne date pas d’hier et qu’elle a questionné les intellectuels et Monsieur tout le monde depuis des générations. Il cite un anonyme décrivant la vie londonienne en 1871, citation qui aurait pu sortir de la bouche ou du clavier (la plume est maintenant hors d’usage) d’un de nos contemporains.
“Pour la philosophie de la lenteur, le lieu de travail est un enjeu de lutte majeur » exprime Carl Honoré dans son livre. Il s’agit de “purger une culture d’entreprise de l’idée qu’en travaillant plus longtemps – sur la journée – on travaille forcément mieux ». L’enjeu, c’est aussi de trouver une formule qui permette de donner de la reconnaissance à la fois ceux qui travaillent plus sans pénaliser ceux qui travaillent moins et efficacement.
→ Trop vite ! – Jean-Louis Servan-Schreiber
Pour l’auteur, nous sommes prisonniers du court terme. Que ce soit en politique, dans le milieu de la finance, dans la consommation, dans nos rythmes de vie, la relation aux autres, à l’environnement et évidemment aussi dans le monde du travail. Sur ce domaine du travail, la prédominance de la fonction financière et les exigences du milieu de la finance en terme de visibilité à court terme (rapports d’activité trimestriels) empêche toute vision à moyen et long terme.
Il constate une fuite en avant qui interdit de s’arrêter pour réfléchir, et ralentir. D’autant que la réflexion menée sur le long terme peut aboutir au pessimisme le plus noir.
J.-L. Servan-Schreiber nous encourage à coller le plus possible au réel et à mettre plus de long terme dans la pratique de nos vies. Par la méditation notamment.
→ La dictature de l’urgence – Gilles Finchelstein
Aujourd’hui, nous avons le culte de l’instant autant que celui de la vitesse. Nous ne savons pas attendre.
G. Finchelstein prône “le choix du temps long ». Pour lui, “la priorité est de donner du sens au temps ».
Des dossiers de magazines
→Cerveau et psycho – Numéro de janvier – Février 2014 – Sujet “Tout va trop vite”
L’accélération de soi – Nicole Aubert – Prof émérite en sciences humaines ESCP Europe
3 métaphores sont classiquement utilisées sur notre rapport au temps devenu difficile : l’accélération du temps, la contraction du temps et la compression du temps, chacune évoquant des réalités différentes (explicitées dans l’article). Or le temps ne subit aucune de ces actions, c’est nous individuellement et collectivement qui accélérons. N. Aubert y voit deux grandes raisons : les NTIC et la prédominance du monde de la finance et en particulier des marchés financiers avec une exacerbation de l’instantanéité, de l’immédiateté et de l’urgence. Au delà de la multiplication des tâches assurées dans la journée de travail (et en dehors), elle constate que les relations tendent à devenir plus éphémères (empêchement de relations sociables durables).
N. Aubert met en évidence une fuite en avant où le dépassement de soi devient non plus l’idéal mais la norme. L’accélération du soi conduit à une “dépossession de soi » et à “une corrosion du caractère »
Pouvons-nous redevenir maîtres de notre temps – Christophe André – Psychiatre à l’hôpital Sainte-Anne et auteur de nombreux ouvrages
C. André utilise le terme d’ “accélérite » pour décrire notre rapport au temps. Notre époque fait de la vitesse une valeur en soi et de la réactivité une vertu.
Beaucoup de tâches quotidiennes au travail et en dehors pourraient être ressenties comme agréables … si on avait suffisamment de temps pour les réaliser de manière satisfaisante (cela renvoie à l’idée de qualité du travail et plus généralement à la fierté de ce que l’on fait).
Comme Carl Honoré, il fait plus l’éloge d’un rééquilibrage entre vitesse et lenteur qu’un éloge de la lenteur, en indiquant qu’au niveau émotionnel, notre spectre d’émotions positives est très large et que certaines se nourrissent de la vitesse et d’autres de la lenteur.
La culture de la vitesse allant aussi avec celle de l’excellence, C. André nous engage à un rééquilibrage vers plus de lenteur et de “désexcellence ». (idée sur le culte de l’excellence développée également par Olivier Hoeffel dans son article sur laqvt.fr J’exècre l’excellence)
Quand le cerveau ne sait plus attendre – Jean-Claude Dreher, directeur de recherches au CNRS
L’accélération des rythmes semble nous pousser à devenir impatient et “intolérant à l’attente ». Cela provoque la réduction de nos capacités d’inhibition de l’impulsivité. J.C. Dreher y voit 2 raisons : l’affaiblissement de certaines de nos capacités mnésiques (mémoire de travail) et l’impact du stress.
Réapprendre à attendre – Didier Pleux, psychologue clinicien dirige l’institut français de thérapie cognitive
Le culte de l’immédiateté appelle à la satisfaction immédiate qui, pour certains, les affaiblit par une augmentation de leur intolérance à la frustration. Ce qui peut les conduire à se comporter en enfants rois ou adultes rois. D. Pleux se demande si nous nous dirigeons vers une épidémie en la matière. Cela conduit à des pathologies marquées par un refus du principe de réalité. Pour lui, il faut enseigner l’hédonisme à moyen et long terme, tel le cultivateur qui ne récolte qu’après un processus plus ou moins long ou il aura travaillé la terre, semé, cultivé et … patienté.
Conséquences psychiques des nouvelles technologies – Jean-Charles Nayebi, psychologue clinicien à Paris et Québec
L’auteur évoque 3 impacts négatifs : les NTIC sont chronophrages, elles créent des troubles de la mémoire et de l’attention; enfin, elles sont la cause de troubles de l’anxiété.
Avec les NTIC, “on ne mémorise plus, on sauvegarde ». Même constat pour le calcul mental : on le pratique de moins en moins.
Concernant les problèmes de concentration, le risque est de trouver des solutions qui n’adressent pas le cœur de la problématique : plutôt que de traiter la cause, la société va faire des efforts pour rendre les choses difficiles plus attractives, ce qui a tendance à nous rendre à la fois plus paresseux et plus exigeants en terme d’intensité des stimuli.
→Clés – Numéro d’octobre/novembre 2012 – Sujet “Ralentir : en avons-nous vraiment envie”
Nous extrayons particulièrement de ce dossier les résultats d’une étude du Pr Mihaly Csikszentmihalyi (un des fondateurs de la psychologie positive, courant de la psychologie que nous avons évoqué à plusieurs reprises dans notre dossier sur le bonheur) qui divise les populations des pays riches en deux groupes :
- les “autotéliques” (40% de la population) qui se fixent leurs propres buts dans la vie; la moitié d’entre eux qui choisissent l’accélération du temps; l’autre moitié sont plutôt d’accord avec le mouvement Slow;
- les “suiveurs” subissent l’accélération du temps et s’en plaignent, tout en trouvant une excitation à tout ce qui bouge; ils ne se sentiraient pas concernés par l’idée de ralentissement.
Autrement dit : seulement 20% de la population dans les pays riches serait dans la réflexion, voire l’action de ralentir le rythme.
Des contenus audio et vidéo
→ Les nouveaux chemins de la connaissance : Sénèque (1/4): Lettres à Lucilius – France Culture
La vision du temps qui passe et de la façon dont l’humain appréhende le moment sont vus ici à travers le stoïcisme. Nous vous conseillons en particulier les propos situés au temps 9mn24 et 25mn45 de cette émission, avec la citation suivante de Sénèque “embrasse toutes les heures. De la sorte il arrivera que tu dépendras moins du lendemain quand tu auras mis la main sur l’aujourd’hui. Pendant qu’on diffère de la vie, la vie s’écoule ».
→ Les nouveaux chemins de la connaissance : Sacré Saint Augustin (2/4) : Qu’est-ce que le temps ? – France Culture
Le temps n’est ni un objet, ni une mesure. Le temps désigne – par le langage – 3 manières d’être de notre subjectivité : rapport au présent : attention ; rapport au futur : attente ; rapport au passé : souvenirs.
Nous mettrons à jour périodiquement cet article et nous vous invitons à suggérer d’autres références en laissant des commentaires. Cela constituera une des sources des mises à jour de cet article. Nous vous en remercions par avance.
photo sous licence creative commons – auteurs : Crystal et Robbert van der Steeg