Ligne 13 : la conductrice inconnue
Les portes du wagon s’ouvrent et je me précipite à l’extérieur avec l’intention ferme de m’adresser à la conductrice de la rame.
Nous sommes le jeudi 13 octobre 2011, 8h51, à la station Gare St Lazare en provenance de la station Place de Clichy sur la ligne 13.
Mon intention serait-elle violente ? Mais qu’a-t-elle fait cette conductrice pour attirer mon mouvement d’humeur ?
Revenons quelques petites minutes en arrière un peu après que la rame eut démarré de la station place de Clichy. Donc en plein élan, voilà la rame qui s’arrête assez brutalement. Sans explication aurais-je pu ajouter comme fréquemment on le lit et on le constate. Sauf que ce n’est pas le cas.
Une voix féminine sortie du haut-parleur nous annonce à peu près “Désolée, nous sommes encore obligés de nous arrêter. Une rame est à l’arrêt juste devant nous à la station Liège, mais ce ne devrait pas être long».
Je ne dis pas que je n’ai jamais entendu de message provenant de la motrice au cours de mes trajets sur les lignes de la RATP, mais c’est tout de même pas fréquent en ce genre d’occasion ; et cette annonce sonne comme quelque chose d’inédit pour moi.
J’essaye de visualiser la voix et remontant en arrière dans ma mémoire je vois une jeune femme le corps à moitié hors de sa motrice en stationnement à la station Place de Clichy, le sourire aux lèvres, un peu comme un signe de bienvenue dans son hôtel roulant (pas 5 étoiles, il faut en convenir), image assez fugace compte tenu du temps que l’on vous donne pour entrer dans un wagon un peu avant 9h00 du matin une fois le flot déversé de voyageurs.
Comment, vous dire, est-ce le ton employé, est-ce la forme de complicité qu’elle a peut-être voulu nous transmettre, un peu genre « nous sommes tous sur le même bateau, pardon, la même rame » qui m’ont frappé ?
Ce qui est sûr, c’est le plaisir que j’ai immédiatement ressenti, exprimé fort à propos par une pensée verbalisée « alors ça, ça fait plaisir » qui m’a donné une pêche formidable pour toute la journée. Ne me demandez pas combien de temps la rame a été immobilisée, probablement pas longtemps. Par contre, ce qui est sûr c’est qu’autour de moi je n’ai entendu ni vocifération, ni souffle exaspéré. Une forme de sérénité générale, mais je m’avance un peu certainement.
Que je dise deux mots sur les motifs de mon plaisir. Il est de deux ordres : le premier est de l’ordre de la contagion de la bonne humeur que j’ai ressentie dans l’annonce de la conductrice. Le deuxième est plus professionnel : en tant qu’acteur sur le champ des relations humaines, comment ne pas approuver la démarche de prévenir la mauvaise humeur par la communication. Les compagnies aériennes l’ont bien compris depuis quelques années et sont très attentives à communiquer aux voyageurs dès lors qu’un retard peut se produire. Combien d’énervements ont ainsi pu être évités chez les usagers et combien de conflits en moins avec les personnels qui ne sont plus pris à parti du fait du déficit d’information.
Mais revenons à ma conductrice de la rame sur la ligne 13. Je suis tout à mes pensées que je vous ai rapportées ci-dessus quand la rame se met à ralentir un peu plus loin après s’être arrêtée fort normalement à la station Liège. Revenons à elle, parce qu’elle reprend la parole en s’excusant de nous importuner une nouvelle fois en ajoutant, toujours à peu près : “bon, il y a un petit ralentissement, mais on arrive. Je vous souhaite une très bonne journée».
Alors, pour vous dire, à la première annonce, j’avais été agréablement surpris, mais avec la deuxième annonce, je deviens un fan de notre conductrice en chef, je demande des bis, je propose qu’elle soit propulsée formatrice en chef des prochaines générations de conducteurs et conductrices de trains, qu’elle leur montre son savoir-faire, qu’elle les inspire, qu’elle soit à l’origine d’une contagion de bonne humeur sur toutes les rames et sur toutes les lignes.
Et je me dis qu’une telle personne doit forcément avoir une vision positive de la vie et de son travail et que j’ai une envie folle de lui demander de témoigner sur laqvt.fr
Mais voilà, dans mon élan de prendre les quelques secondes qui pourraient nous être octroyés pour une rencontre où je comptais lui remettre ma carte de visite et lui proposer de me contacter, me voilà arrêté par un détail auquel je n’avais pas pensé : le quai de la station est cloisonné par des portes vitrées et l’accès impossible à la motrice.
C’est ainsi que ma conductrice s’est échappée dans le savoir de mes griffes de responsable éditorial de laqvt.fr, fort dépité sur son quai.
Alors, Madame la conductrice (j’aurai pu envisager « Mademoiselle », mais j’ai compris dans l’actualité récente que ce titre menace de passer aux oubliettes), si vous vous reconnaissez, venez nous parler de votre vision du travail et de la façon dont vous concevez la relation avec les usagers. Venez nous montrer en quoi la qualité de vie au travail de l’une peut impacter la qualité de vie des autres !
Vous êtes responsable d’exploitation sur la ligne 13, ou DRH de la RATP ou collègue de ma conductrice inconnue, relayez-lui mon message. La bonne humeur des usagers de la ligne 13 en dépend !
photo sous licence creative commons – auteur : shivapat
Ping : La reconnaissance au quotidien - Le sourire - laqvt.fr