Loi Rebsamen et Egalité H/F

Novéquilibres : Loi Rebsamen et Egalité H/F
En ces temps où le projet de loi travail fait débat, le dialogue social est malmené. Pourtant il a fait l’objet d’une loi du 17 août 2015 avec un axe de négociation consacré à la Qualité de Vie au Travail (QVT) et l’égalité professionnelle, en cohérence avec l’ANI du 19 juin 2013 vers une politique d’amélioration de la QVT et de l’Egalité Professionnelle. Petit rappel sur la loi Rebsamen.


La loi Rebsamen sur le dialogue social veut « rénover en profondeur le dialogue social, et œuvrer en faveur de l’emploi et de l’activité », dit le ministre. Les motifs de la loi sont la volonté d’améliorer un dialogue social trop formel et démultiplié, et d’impliquer davantage les salariés dans les instances représentatives, le tout dans le cadre d’une politique qui veut favoriser l’emploi.
Cependant, à regrouper les temps du dialogue, il risque d’y perdre de ses nuances et l’organisation des consultations de s’alourdir paradoxalement.

Regroupement des instances

La loi Rebsamen permet à l’employeur de mettre en place la délégation unique du personnel dans les entreprises de moins de 300 salariés (contre 200 auparavant). Cette délégation unique pourra être adoptée par accord dans les entreprises de plus de 300 salariés. Les modalités de consultation des instances peuvent être négociées, par accord collectif, ce qui permettrait de les articuler entre elles.
Le regroupement des instances (qui n’est pas une fusion, chaque instance conservant ses attributions) peut faire craindre un affaiblissement du CHSCT notamment, une instance centrale en matière d’amélioration (ou de non dégradation) de la QVT. D’autre part, ce regroupement peut varier selon les établissements d’une même entreprise, ce qui ne va pas dans le sens d’une simplification.

Extension des bases de données économiques et sociales *(BDES)

La BDES « comporte un nouveau volet à partir du 1er janvier 2016, sur l’égalité professionnelle, dont le contenu reprend celui du rapport de situation comparée », dit le site du ministère de la famille, enfance et droits des femmes (nouvelle dénomination du ministère des droits des femmes). L’information contenue dans base de données économique et sociale (BDES) est accessible aux élu-e-s du CE et du CHSCT en vue des consultations. Cela signifie que plus aucune information n’est transmise aux instances, qui doivent aller chercher l’information dans la BDES.

Des regroupements

Dans un but déclaré de simplification pour plus d’efficacité, des regroupements sont mis en place :

Les consultations du CE

Le CE doit être obligatoirement consulté par son employeur sur différents sujets. Ces consultations sont ramenées de 17 à 3 consultations annuelles obligatoires :

  • orientations stratégiques de l’entreprise,
  • situation économique et financière de l’entreprise,
  • politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi
Les enjeux des consultations

La consultation sur la stratégie est importante pour l’avenir de l’entreprise et de ses salariés, il faut parier que les entreprises jouent le jeu et ne préfèrent pas la discrétion sur ce sujet.
La consultation économique, outre la situation économique et financière de l’entreprise porte sur la politique R&D et l’utilisation du CICE**.
La consultation sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi embrasse large : de l’évolution de l’emploi aux conditions de travail en passant par les qualifications, la formation, la prévention, l’aménagement du temps de travail, la durée du travail. Et l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, dont le ministère avance qu’elle prend du poids à être rattachée à cette vaste consultation, qui renvoie à de larges pans de la négociation obligatoire.

Les négociations

L’obligation de négocier sont passées de 12 à 3 grandes thématiques, depuis le 1er janvier 2016.

  • La négociation sur les salaires, le temps de travail (durée et organisation) et le partage de la valeur (annuelle, thème inclus dans la consultation sur la politique sociale)
  • La négociation sur l’égalité hommes-femmes et la qualité de vie au travail (annuelle, thème inclus dans la consultation sur la politique sociale.)
  • La négociation triennale sur la gestion des emplois et des parcours professionnels.

Négocier l’égalité professionnelle

La négociation sur l’EP et la QVT regroupe les sujets suivants :

  • Protection sociale complémentaire
  • Egalité femmes hommes
  • Handicap
  • Qualité de vie, pénibilité
  • Droit d’expression

La loi sur l’égalité réelle du 14 août 2014 (lien avec article égalité pro femmes hommes) avait confirmé le RSC (Rapport de Situation Comparée) dans son rôle d’outil indispensable de l’EPFH (Egalité Professionnelle Femmes Hommes), pour “mesurer, comprendre, agir”. Le voilà écorné.
Car le rapport sur la situation comparée homme femme, outil primordial de la lutte contre les inégalités professionnelles, est dissous dans la base de données économiques et sociales. Le gouvernement a prévu de pouvoir faire appel à un expert pour analyser ces données avant la négociation.
Il reste néanmoins à encourager vivement les entreprises à établir le rapport de situation comparée sous sa forme originelle, consultable par tout-e salarié-e qui le demande, et le CE à mettre en place une commission égalité femme homme *** (toujours prévue par la loi Rebsamen pour les entreprises de plus de 300 salariés) pour avancer sur le sujet.

L’égalité professionnelle dépend de 2 blocs de négociation.

Si l’égalité professionnelle femmes hommes fait partie de la négociation concernant la QVT et l’EP, où doivent être abordés “les objectifs et mesures permettant d’atteindre l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes”, en termes d’écarts de rémunération, d’accès à l’emploi, de formation professionnelle, de déroulement de carrière et de promotion professionnelle, de conditions de travail et d’emploi, le suivi de la mise en œuvre des mesures visant à supprimer les écarts de rémunération et de déroulement de la carrière entre les femmes et les hommes fait partie de la négociation sur les salaires.

La législation oblige les entreprises d’au moins 50 salariés à engager un accord ou un plan d’action relatif à l’égalité professionnelle (cette disposition est entrée en vigueur à compter du 1er janvier 2012). Faute de quoi, elles sont soumises à des pénalités à charge pour l’employeur. Sans RSC, il sera difficile de mettre en évidence les écarts de situation entre les femmes et les hommes.

Il ne s’agit pas là de jouer les femmes contre les hommes, mais de comprendre que dans une entreprise qui prête attention aux conditions de travail de tous et toutes, qui respecte la présence et les talents de tous et toutes, c’est le bien commun qu’on défend. La QVT comme l’égalité professionnelle femmes hommes sont de leviers d’amélioration des compétences et des conditions de travail de l’ensemble des salarié-e-s, pas deux cerises sur le gâteau.

* L’employeur doit mettre à disposition des représentants du personnel de l’entreprise une base de données économique et sociale (BDES) qui rassemble les informations relatives aux grandes orientations économiques et sociales de l’entreprise.
**CICE : crédit d’impôt pour les dépenses de recherche
***la commission égalité du comité d’entreprise peut s’adjoindre des techniciens ou experts appartenant à l’entreprise qui ne sont pas membres du CE

 

Dominique Poisson

Dominique POISSON est consultante en nutrition, membre du comité éditorial de laqvt.fr, associée de Novéquilibres

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.