Quelques enseignements de la manifestation du 10 juin 2013 organisée par l’ANACT
Dans le cadre de la 10ème semaine de la Qualité de Vie au Travail l’ANACT (Agence Nationale d’Amélioration des Conditions de Travail) organisait une manifestation nationale le 10 juin 2013. Voici quelques enseignements que je retire de cet événement riche qui se tenait à Sciences Po à Paris, événement auquel j’ai assisté avec Céline Bou Séjean, membre du comité éditorial de laqvt.fr et associée de Novéquilibres.
En préambule, je vous signale que cette manifestation était diffusée en direct live sur Internet et que vous pouvez la voir ou la revoir sur http://www.qualitedevieautravail.org/?p=1430
Hervé Lanouzière, DG de l’ANACT
Hervé Lanouzière, le Directeur Général de l’ANACT a opportunément retracé l’historique des RPS (Risques psychosociaux) et de la QVT (Qualité de Vie au Travail) pour conclure que la question de la QVT est venue à maturité.
C’est le premier enseignement que l’on peut tirer : poussés notamment par l’ANACT et les partenaires sociaux, le concept de QVT et l’amélioration de la QVT sont en passe de prendre le relais du concept de RPS et des démarches RPS.
Créer de l’acteur
Contrairement aux démarches RPS qui bien souvent sont de la responsabilité de la DRH et du CHSCT avec une approche orientée sur les risques à la santé, les démarches QVT “créent de l’acteur” selon les propos de Julien Pelletier, chef du projet QVT à l’ANACT.
En effet, la QVT interroge non seulement la question de la santé, mais aussi les questions de performance individuelle et collective et d’épanouissement.
A l’instar du sujet de la santé, pour lequel l’OMS définit que c’est “un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité », je vous propose de considérer la QVT comme un état de complet bien-être au travail et ne consiste pas seulement à l’absence de mal-être ou de souffrance.
Créer de l’acteur, c’est exactement l’avis des salariés interrogés par TNS Sofres pour l’ANACT. Ils sont 61% à considérer que les salariés font partie des deux premiers acteurs sur le sujet. Le salarié se déclare d’ailleurs le premier concerné puisque 33% d’entre eux se voient jouer le premier rôle et contre 31% qui considèrent que le premier rôle est pour le dirigeant (les représentants du personnel et le management étant en retrait pour le rôle premier).
Participer, expérimenter, évaluer, déployer
Créer de l’acteur, nécessite donc d’associer ces nouveaux acteurs à l’amélioration de la QVT.
Associer l’acteur “salarié”, nécessite de trouver des modes discussions, de construction et de décision participatifs tout en conservant une place au partenariat social.
Dans le cadre de l’accord national sur la QVT en cours de négociation, les partenaires sociaux ont considéré que la QVT touche à la fois aux conditions objectives de travail, mais aussi à la capacité de l’individu au travail à s’exprimer sur ces conditions et à agir sur le contenu du travail.
La QVT ne doit pas être vue comme un chantier ponctuel qui se superpose aux autres. La QVT est une dimension stratégique et intégrée dans la vie de l’organisation.
Il s’agit aussi de donner de la place à l’expérimentation et l’évaluation pour ensuite adapter et déployer à un niveau plus large. Expérimenter, c’est aussi se donner le droit de tâtonner et de ne pas viser juste du premier coup. L’expérimentation, c’est aussi tout simplement le sens de la vie. C’est une évidence oubliée du fait de la rationalisation et la recherche exacerbée de l’excellence au niveau du produit, du process et de la rentabilité.
Freins et opportunités
La première table ronde de cette manifestation était consacrée aux impacts de la publication il y a 3 ans du rapport “Bien-être et efficacité au travail” co rédigés par Henri Lachmann, Christian Larose et Muriel Pénicaud. Ce rapport avait été réalisé à la demande du Premier Ministre de l’époque, François Fillon.
Ces impacts ont été évalués à travers une enquête réalisée auprès des DRH de 42 entreprises par Jean-Pierre Brun (professeur, titulaire de la chaire en gestion de la SST, Université Laval) avec le soutien d’Entreprise et Personnel représentée par Sandra Enlard.
Toutes les personnes citées précédemment étaient présentes à la table ronde animée par Clotilde Coron et Marie Talec étudiantes du master RH Sciences Po.
Les résultats de cette enquête montrent que les préconisations en terme de gouvernance n’ont pas été vraiment réalisées (1).
Henri Lachmann l’attribue à une financiarisation trop forte des Conseils d’Administration.
87% des salariés interrogés dans le sondage évoqué TNS Sofres au début de cet article estiment qu’une bonne QVT profite à la fois aux salariés et à l’entreprise.
Les partenaires sociaux, syndicats de salariés et représentants patronaux, sont en train de négocier un accord national sur la QVT dans cet esprit.
C’est la position également, et entre autres, de l’ANACT, des sociétés de prévoyance (telle que Malakoff Médéric associée à la semaine de la Qualité de Vie au Travail), des experts, des professionnels de l’accompagnement sur ce sujet.
La question du jour pourrait être : qui reste-t-il à convaincre ? Finalement pas grand monde, mais un “pas grand monde” qui pèse lourd : les conseils d’administration et les acteurs financiers qui considèrent la question de la QVT comme un risque d’élévation des charges d’exploitation et non pas comme un investissement donnant l’opportunité d’accroître la performance économique durable et le bien-être des individus au travail quel que soit leur fonction. Bref, la QVT vue comme une cerise sur la gâteau qui coûterait chère.
Les témoignages d’organisations qui ont su allier QVT et performance pourraient faire évoluer la donne, conjugué avec le mouvement massif des salariés et de coordination d’acteurs variés mettant le concept de QVT sur orbite.
Les consommateurs ont aussi leur rôle à jouer : celui de favoriser dans leurs actes de consommations les organisations vertueuses de ce point de vue. C’est aussi clairement un enjeu que certaines entreprises ont commencé à anticiper.
Notre site laqvt.fr a fêté son deuxième anniversaire il y a deux semaines et c’est une grande satisfaction pour nous de voir l’ampleur prise par le concept de QVT avec en particulier cette prise de conscience par le plus grand nombre du rapport gagnant-gagnant de l’amélioration de la QVT.
Nous continuerons à apporter notre pierre à l’édifice et invitons au témoignage tous les divers acteurs associés à des actions concrètes d’amélioration de la QVT sur ses différents champs.
Je voudrais terminer sur un point : l’ANACT a bien souligné les attentes très pragmatiques des salariés vis-à-vis de la QVT : il ne s’agit pas de rechercher le bonheur, ni même le plaisir mais tout simplement le bien-être au travail (2).
Je suis partagé par rapport à ces réponses. D’un côté, j’y trouve beaucoup de sagesse et de quoi rassurer certains dirigeants et managers sur les attentes des salariés. On est loin de demandes extravagantes et irréalistes.
D’un autre côté, ceux qui sont de fidèles lecteurs de laqvt.fr savent que nous portons également l’idée que l’amélioration de la QVT contribue bel et bien au bonheur [au travail]. Le bonheur au travail n’est pas pour nous un idéal, mais bel et bien quelque chose qui se construit, se travaille et peut se vivre au quotidien du travail et qui, à l’instar de la QVT, est gagnant-gagnant.
C’est clairement un champ de sensibilisation que nous continuerons à mener sur laqvt.fr, en considérant qu’il y a un bout de chemin à parcourir.
(1) Sensibilisation du CA aux questions des RPS ou QVT : 45% “Oui” (35% “Plutôt oui” et 10% “Tout à fait”). 55% “Non” (dont 36% “Pas du tout”)
(2) Résultat du sondage TNS Sofres : les salariés assimilent la QVT plutôt à l’expression bien-être au travail (42%), qu’au plaisir au travail (15%) et qu’au bonheur au travail (5%)
photo sous licence creative commons – auteur : Novéquilibres