QVT, considération et bienveillance
20minutes.fr a publié hier mercredi 3 juillet 2019 un article de témoignages d’agents d’entretien alors que se profilait une réunion entre la secrétaire d’Etat à l’Egalité femmes-hommes Marlène Schiappa et les fédérations et principales agences du secteur de la propreté. Des témoignages qui manifestent un déficit criant de considération, d’attention et de reconnaissance qui, s’ajoutant aux conditions de vie au travail difficiles, a des effets très négatifs sur la Qualité de Vie au Travail (QVT). L’article va plus loin en mentionnant la présence de TMS représentant 97% des maladies professionnelles du secteur.
Où la socialité primaire devrait primer sur la socialité secondaire
Dans son livre Petit traité de bénévolence, Patrick Tudoret cite le sociologue spécialiste du don, Alain Caillé : “Appelons socialité primaire ce type de rapport social dans lequel la personnalité des personnes importe plus que les fonctions qu’elles assument. Et socialité secondaire, ce type de rapport soumis à la loi de l’impersonnalité dans laquelle les fonctions assumées par les personnes importent plus que leur personnalité. »
Force est de constater que de tels témoignages relatés par 20minutes.fr montrent que non seulement la socialité secondaire a pris largement le dessus sur la socialité primaire, mais que du fait de la sous-valorisation de la fonction, l’individu est privé de reconnaissance pour ce qu’il est ET pour ce qu’il fait ET pour son métier. Autrement dit, la fonction l’emportant sur la personnalité, si la fonction importe vraiment très peu, on imagine assez bien le niveau auquel on peut situer l’intérêt porté à la personnalité des fonctions sous-valorisées.
Aborder la QVT des individus – souvent en majorité des femmes – dont le métier est de rendre propre ce que d’autres salissent doit procéder de plusieurs types d’action conjugués :
- faire primer la socialité primaire à la socialité secondaire, à savoir, apporter de la considération aux personnes pour ce qu’elles sont, au-delà de leur fonction,
- (re)valoriser les métiers déconsidérés ou considérés comme accessoires, secondaires, … A noter que bien souvent, ils sont sous-traités.
Articulation des responsabilités
A l’instar de beaucoup de sujets autour de la QVT, on voit bien à travers ces témoignages la nécessité d’une articulation judicieuse des responsabilités :
- les responsabilités collectives pour assurer de bonnes conditions de vie au travail et de reconnaissance dans ce secteur,
- la responsabilité individuelle de chaque individu dans les organisations pour considérer, interagir, créer de la proximité, donner de l’attention, apporter de la reconnaissance avec les personnes qui travaillent dans l’ombre, voire même dans le noir dans la mesure où elles sont souvent invisibles.
Et il y a du boulot pour traiter à la fois la décence des rémunérations, les conditions d’exercice du métier (notamment physiques), les temps de trajet, les horaires de travail, la valorisation du métier, la reconnaissance des personnes, …
Cela doit participer d’une société et d’organisations inclusives visant une plus grande parité, notamment en matière de valorisation des métiers.
Je vous propose ci-dessous, un dessin animé sur le sujet de l’inclusion dans le cadre d’un autre métier invisible : , celui de gardien de nuit :
Où il est fondamentalement question de bienveillance
Dans le travail de modélisation que j’ai entrepris depuis quelques mois sur la bienveillance, ressort une idée qui me semble majeure et que Patrick Tudoret a formulé de la manière suivante concernant la bénévolence : “L’ennemie la plus insidieuse de la bénévolence n’est ni la haine ni la violence, mais ce fléau de tous les temps que l’on voudrait ne croire que contemporain : l’indifférence ».
Autrement dit, le déficit de bienveillance n’est pas à rechercher seulement du fait de la présence de malveillance, mais aussi (et surtout ?) de l’absence de bienveillance, de l’indifférence. Un certain nombre de facteurs favorisent cette indifférence, notamment le manque de temps souvent évoqué sur laqvt.fr
Je suis convaincu que l’amélioration de la QVT dans nos organisations passe nécessairement par une culture de la bienveillance, individuellement et collectivement, notamment celle qui nous fait considérer l’être humain au-delà de sa fonction et des résultats de son travail et nous lui fait porter notre attention et des actes concrets pour lui faciliter sa vie au travail.