La disparition des CHSCT inquiète les actrices et acteurs de la prévention de la santé au travail

Novéquilibres : La disparition des CHSCT inquiète les actrices et acteurs de la prévention de la santé au travail

La “disparition” des Comités d’Hygiène, de Sécurité et de Conditions de Travail (CHSCT) inquiète un certain nombre d’actrices et d’acteurs de la prévention de la santé au travail. Nous nous en faisons l’écho dans le présent article et prenons également clairement position.

Disparition, dilution … du CHSCT

L’une des mesures de la réforme du Code du travail prévoit la suppression du CHSCT qui sera intégré dans une instance unique de représentants du personnel, baptisée Comité Social et Economique (CSE) regroupant les instances actuelles de Comité d’Entreprise, de Représentants du Personnel et donc de CHSCT. Dans les entreprises de 300 salariés existera une commission « santé, sécurité et conditions de travail » spécifique (également dans les entreprises de taille inférieure à risque – matières dangereuses ou nucléaires – ou si l’inspection du travail l’exige).

 

Les inquiétudes exprimées sur le net

Voici quelques arguments exprimés dans des articles récents sur le net (la liste de ces articles est donnée en fin d’article) :

  • Il y a un risque de dilution de la prise en charge des problématiques de santé, de sécurité et de conditions de travail.
  • Les élus seront moins nombreux, auront moins de temps et seront plus généralistes et moins spécialisés sur la santé au travail ; c’est un risque pour l’efficacité de leurs actions. Surtout si globalement les budgets alloués sont réduits.
  • Cette suppression fait suite à la réforme de la médecine du travail et celle de l’inspection du travail qui ont été elles-aussi abordées avec beaucoup d’inquiétude.
    Une forme de paradoxe entre l’augmentation des problèmes de santé au travail et la volonté de supprimer le CHSCT ; la dégradation de la santé au travail et de la Qualité de Vie au Travail pourrait s’accélérer du fait de la conjonction de ces réformes, alors même que l’Etat a présenté en un Plan Santé au Travail 2016-2020 (PST3) particulièrement ambitieux en matière de prévention et de QVT.
  • Le CHSCT, créé par la loi « Auroux » du 23 décembre 1982, constitue un véritable contre-pouvoir avec une autonomie complète de fonctionnement ; ce contre-pouvoir risque d’être sérieusement affaibli. Pour reprendre le titre d’un des articles : “Depuis toujours, le patronat veut la peau du CHSCT ».
  • Il y a risque d’un retour à l’opposition entre objectifs de performance et impératifs de prévention, l’expérience montrant que le premier gagne presque à tous les coups face au deuxième.
  • Les CHSCT sont souvent des déclencheurs d’alerte. Cela a été le cas par exemple pour les impacts de l’exposition à l’amiante, pour les suicides chez France Télécom.
  • Les analyses économétriques sur des données statistiques sur la santé au travail montrent la corrélation entre présence d’un CHSCT et meilleure santé au travail et moindre niveau de gravité des accidents du travail ; elles montrent aussi qu’elle permet de réduire le phénomène de sous-déclaration des accidents du travail ; cette disparition du CHSCT pourrait faire repartir les sous-déclarations des accidents du travail à la hausse avec un report de la prise en charge des accidentés par la caisse d’assurance maladie.
  • Le CHSCT, pour peu qu’il soit actif, est un acteur mobilisé par la fonction RH pour co porter les projets de prévention de la santé ; avec la disparition du CHSCT, et les moyens probablement inférieurs qui seront donnés, ce codéveloppement de la prévention sera moins efficient.

La position du comité éditorial de laqvt.fr

Rappelons en premier lieu que le Plan Santé au Travail 2016-2020 comporte deux axes stratégiques : la prévention de la santé au travail et la Qualité de Vie au Travail.

Si nous avons salué haut et fort le PST3 au moment de sa publication, nous avons du mal à voir avec la loi El khomri puis maintenant avec les ordonnances, notamment concernant la “disparition” du CHSCT, autre chose qu’une forme de rétropédalage qui suscite de l’inquiétude alors même que les niveaux de Qualité de Vie au Travail (QVT) et de bien-être au travail sont peu satisfaisants, et en dégradation. Nous partageons la perplexité et l’observation du paradoxe décrit dans la précédente partie.

Nous applaudissons des deux mains l’idée d’un dialogue social plus fluide et efficace. Par ailleurs, nous promouvons depuis la création du site laqvt.fr l’idée que la Qualité de Vie au Travail ne doit pas être qu’affaire de CHSCT. Seulement, il n’en demeure pas moins vrai par ailleurs que les contre-pouvoirs des représentants des salariés méritent d’être préservés dans le paysage dès lors que le bien-être des individus s’entend encore dans beaucoup d’organisations comme une contre-partie sociale de la performance (voire tout simplement un coût) et que les coûts de la non-QVT ne sont pas considérés.

L’existence du CHSCT et les moyens qui lui sont donnés à ce jour agissent en contre-pouvoir indispensable dans deux cas de figure qui bien évidemment ne sont pas marginaux :

  • le manque de temps, la fuite en avant de la performance financière et la faible priorité qui peut être donnée à la préservation de la santé dans l’organisation,
  • et, de manière moins fréquente, un management délibérément irrespectueux de l’individu.

Bien entendu, le CHSCT n’a pas qu’un rôle “défensif”. Il a aussi un rôle constructif et bon nombre de CHSCT font montre de coopération en mettant en lien le bien-être des individus et la performance.

Certains CHSCT peuvent être peu actifs, d’autres dans des logiques de guerre de tranchée (entre direction et représentants du personnel, entre syndicats), mais il serait dommageable d’en faire une généralité et il faut espérer que la conception de cette réforme ne repose pas principalement :

  • sur la volonté de répondre à des fonctionnements inefficaces de certains CHSCT, phénomène à la marge
  • sur l’attente de certains dirigeants de limiter le contre-pouvoir des salariés collectivement en matière de santé au travail et de conditions de travail.

Nous sommes convaincus que la culture de la Qualité de Vie au Travail nécessite la coopération des diverses actrices et acteurs individuels et collectifs, chacun ayant les moyens de jouer son rôle. Un CHSCT tel qu’il était conçu jusqu’à ce jour, en mode coopératif et constructif, avec des dirigeants en juste conscience des enjeux pour celles et ceux qui portent le projet d’entreprise, des enjeux en matière de performance durable et de responsabilité sociétale, avec une fonction RH ayant les moyens des ambitions sociales est un atout pour la prévention de la santé au travail et le développement de la Qualité de Vie au Travail.

Voici la liste d’articles sur le net sur laquelle nous avons appuyé la deuxième partie de l’article :

A noter en passant, qu’une recherche sur votre moteur de recherche préféré ne devrait probablement pas vous faire trouver d’articles en faveur de cette disparition.

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Olivier Hoeffel

Responsable éditorial de laqvt.fr Auteur des blogs lesverbesdubonheur.fr et autourdelabienveillance.fr

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