La sieste à la carte


À la maternelle la sieste est considérée comme incontournable, au primaire elle n’existe plus. Dans le monde des adultes, elle est réservée aux paresseux et on la tolère juste auprès des personnes âgées, des malades, des faibles. À l’inverse, pendant les vacances, elle a sa place reconnue, et il est bien vu de farnienter les doigts de pied en éventail dans un hamac ou une chaise longue.

 

La sieste est une grande méconnue. Elle est cataloguée d’inutile, de mangeuse de temps, de nourriture interdite, d’indigne, d’inconcevable dans le monde du travail français. Nous sommes loin des Italiens qui sont à 50% adeptes de la sieste, des Japonais pour qui elle est obligatoire dans de nombreuses entreprises. Nous sommes encore plus loin des Chinois, pour qui elle est un droit inscrit dans la Constitution. De grands hommes ne s’en sont pas privés, Albert Einstein, Bonaparte, Benjamin Franklin, Victor Hugo, Winston Churchill, Léonard de Vinci et le peintre Salvador Dali qui dans une lettre à un ami peintre lui conseille la sieste flash, méthode empruntée aux moines de Tolède pour compenser les levées nocturnes avec la pratique des matines.

Le mot sieste vient du latin “sixta” qui signifie la sixième heure du jour, c’est-à-dire du sommeil en milieu de journée. En d’autres termes, siestouille, roupillon ou roupillette, ronflette, dodo, méridienne, assoupissement, petit somme sont des moments d’abandon dans les bras de Morphée vécus en dehors de la nuit.

L’homme est programmé génétiquement pour faire la sieste et, même sans avoir déjeuné, en tout début d’après-midi, le besoin de dormir se fait sentir. Entre 13h et 15h, une porte d’entrée sommeil s’ouvre, et y entrer permet de récupérer, se l’autoriser est un véritable tremplin d’énergie.

La sieste à la carte propose des siestes multiples et variées, allant de brèves à longues, en posture assise ou allongée. A chacun de pratiquer celle qui convient quand le besoin se fait sentir, adaptée au contexte du moment.

La sieste pic de quelques secondes : le cerveau traite des milliards d’informations en continu le jour, et comme toute machine qui fonctionne à plein, des temps de pause sont utiles. 80% de ces stimulations arrivant par la vue, il suffit de fermer les yeux quelques instants pour recharger les batteries : en voiture au feu rouge, dans les transports en commun, au bureau, pourquoi pas en réunion pour se rafraîchir les idées, quand on attend un ascenseur, quand on fait la queue à la cantine … les coureurs automobiles l’utilisent au stand de ravitaillement.

La sieste flash de moins de 5 mn : en posture assise, elle permet dans une posture de quotidienneté de vivre la bascule dans le sommeil, et permet de dissoudre le stress pour s’adapter à l’environnement. A pratiquer après le déjeuner, dans les transports en commun, en avion, elle prend peu de temps et fait gagner du temps en concentration. Les navigateurs en solitaire s’en servent et, également, bon nombre de sportifs pour la récupération.

La sieste idéale entre 10 et 20 mn : en posture semi-allongée ou couchée, connue sous le nom de « power nap » et qui permet d’éviter l’inertie du sommeil et de perturber le sommeil de nuit, le sommeil profond n’étant pas atteint. Elle est conseillée après le déjeuner, la sécurité routière la recommande à tout moment comme « sieste parking » pour restaurer la vigilance des conducteurs.

La sieste royale de plus d’une heure : c’est la sieste cycle, déconseillée quand il y a insomnie car c’est du sommeil en moins la nuit.

La sieste (qui englobe des siestes) a sa place dans nos rythmes de vie pour conserver l’équilibre, elle met de bonne humeur, rend aimable et permet de compenser la dette de sommeil de ceux qui dorment insuffisamment. Elle est incontournable pour les postes à horaires atypiques, pour les travailleurs de nuit qui sont de plus en plus nombreux.

Les mentalités évoluent enfin, et le ministère de la Santé a lancé un programme d’action sur le sommeil pour réhabiliter la sieste. Les entreprises commencent doucement à équiper des salles de repos avec des fauteuils de relaxation, et constatent un retour sur investissement avec moins d’absentéisme et davantage d’efficacité.

Jusqu’à hier, il était préférable de se cacher pour faire la sieste, aujourd’hui des lieux sont dédiés à ce moment plaisir. Comme au Japon et à New York avec les « yellow spas », un bar à siestes Zen s’est ouvert au 29 passage Choiseul dans le 2e arrondissement de Paris et pour 12 € vous pourrez dormir 15mn dans un lieu cocoon.

Et pour tout ceux qui hésitent encore, la citation de Jacques Dutronc :

« La sieste, c’est comme une anesthésie. Tu te réveilles, tu ne sais plus où tu es … c’est un métier, la sieste. »

À travailler…

photo sous licence creative commons – auteur : DraconianRain

Caroline Rome

Caroline ROME est spécialisée dans le sommeil et la vigilance, les rythmes, membre du comité éditorial de laqvt.fr, associée de Novéquilibres, attachée au Centre du Sommeil de l’Hôtel-Dieu à Paris, membre de l'Institut National du Sommeil et de la Vigilance

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