Prendre une décision en juste conscience

Novéquilibres : Prendre une décision en juste conscience
Après l’ouverture de notre dossier Juste conscience la semaine dernière avec un premier article présentant cette idée, voyons en quoi les décisions méritent d’être prises en juste conscience pour assurer tout à la fois la Qualité de Vie au Travail et l’efficacité.

En contre-exemple

Je vous annonce la nouvelle : Legendre vient de me donner sa démission.
Alors, c’est vrai que ce n’est vraiment pas le bon moment, mais en même temps, j’avais ressenti une forme de démotivation chez lui ces temps-ci. C’est la vie ; et puis personne n’est indispensable !
Vous serez tous d’accord avec moi : on ne peut pas se permettre de mettre en branle un recrutement. On va trouver une solution en interne.
J’ai rapidement fait le tour des effectifs. Je pense que Labrue fera l’affaire. En plus, c’est une femme ; ça sera un signal envoyé aux femmes et au CE. Tout le monde sera content.

Là, une objection survient :

Oui, mais Labrue, d’accord elle est compétente techniquement, mais elle n’a pas vraiment la fibre commerciale !

Réponse et fin du faux débat

N’en croyez rien, je l’ai vue au salon de la semaine dernière, elle avait un bon contact avec les gens. Je voudrais d’ailleurs vous faire prendre conscience qui si on cherche chaque fois la petite bête dans nos décisions, on n’est pas prêt d’avancer.
Bien ! Jérémie, puisqu’on est tous d’accord, je te laisse lui annoncer.
Alors, bien sûr, on est bien d’accord, comme d’habitude, pas d’augmentation de salaire avant qu’elle ait fait ses preuves !

J’avoue avoir forcé le trait sur le côté autocratique de la prise de décision et la mise en oeuvre envisagée. Côté autocratique qui en soi ne va pas dans le sens de la QVT.

On peut aussi imaginer la même scène avec une prise de décision plus collective mais aboutissant au même résultat avec un processus psychologique assez particulier qui conduira à transformer toutes les faiblesses de la personne envisagée pour le poste comme des qualités :

  • elle n’a pas la fibre commerciale … oui, mais … justement par rapport à nos clients, ça peut être un avantage
  • elle n’a pas le niveau suffisant en anglais … oui, mais … son assistante se débrouille bien; et puis le côté maladroit en anglais, ça fait frenchy, c’est pas mal !

Quand on est dans l’urgence, le risque peut être formalisé comme suit :
choisir une solution facilement actionnable, même si elle n’est pas vraiment satisfaisante au profit de solutions satisfaisantes et durables mais plus compliquées à mettre en place.

En quoi le phénomène décrit précédemment, qui comporte une composante manifeste de déni, est-il préjudiciable en matière de QVT ?
Dès lors que l’on balaye d’un coup de main une à une (voire globalement) les objections, que l’on transfère formellement ou non les éléments de la colonne Inconvénients à la colonne Avantages, il est clair que la décision sera ainsi biaisée et ne pourra pas être accompagnée d’actions de soutien comme elle aurait mérité de l’être.

Dans ces conditions, la personne qui prendra le poste ne disposera pas de bonnes conditions pour être efficace et se sentir bien dans son travail. Peut-être se mettra-t-elle en surrégime pour essayer de compenser ses faiblesses ou carences par rapport au poste. Ou peut-être sera-t-elle confrontée à de l’anxiété, avec des dommages collatéraux au niveau professionnel et personnel.

Dans notre exemple, la même décision aurait pu être prise en pesant plus objectivement le pour et le contre, et si confirmée, adossée à la mise en place d’une formation commerciale et d’une formation à l’anglais pour la personne. Une décision en juste conscience aurait pu aussi amener à la recherche d’autres alternatives, y compris provisoires.

Des freins

Voici quelques freins à la juste conscience dans une prise de décision :

  • l’autocratie, comme évoqué dans l’exemple ;
  • le sentiment d’urgence ;
  • la réduction drastique des coûts dans une vision court terme ;
  • le souhait de vouloir faire plaisir à tout prix à une des parties prenantes ;
  • la simplification, …

Actionnons la juste conscience

Pour avoir un impact positif sur la Qualité de Vie au Travail, une prise de décision mérite d’intégrer une réflexion sur les impacts en terme de QVT.

La QVT dans l’ADN de l’organisation

C’est d’ailleurs une façon de considérer l’amélioration de la QVT au-delà d’une démarche en soi : en intégrant la QVT dans les prises de décision, on inscrit la QVT dans l’ADN de l’organisation.

Pour actionner la juste conscience dans une prise de décision, il me semble important de sortir du mode d’urgence. Il faut se donner le temps nécessaire pour faire suffisamment le tour de la question, de mobiliser les bons interlocuteurs pour une décision partagée qui ne s’impose pas aux autres (avec le sentiment qu’elle a été bâclée ou/et qu’elle est irréaliste). Dans l’exemple pris, un interlocuteur naturel à mobiliser pour la décision est la personne directement concernée par le poste.
Le temps que l’on mobilise pour prendre une décision en juste conscience fait gagner du temps par la suite. En effet, une décision prise à la va vite risque de créer des besoins d’itérations ultérieurs pour l’ajuster voire l’inverser.

Certain.e.s pourront voir dans la juste de conscience dans la prise de décision une utopie ou tout simplement une façon de se prendre la tête, bien loin des exigences de réactivité du monde d’aujourd’hui.
En réalité, il ne s’agit pas de promouvoir une idée qui conduirait à l’immobilisme (une façon de répondre à un excès par l’excès inverse). Il s’agit plutôt de mettre en oeuvre progressivement un rééquilibrage pour moins d’urgence et moins de réactivité dans une approche gagnant-gagnant pour les différentes parties prenantes, améliorant ainsi à la fois le bien-être des individus et l’efficacité individuelle et collective.

La juste conscience dans une décision, permet de prendre une décision en toute connaissance de cause et selon le principe de réalité. C’est un facteur de motivation, d’engagement et d’efficacité.

Elle permet de répondre plus facilement à la recherche de l’adéquation entre les ambitions et les moyens.

photo du domaine public

Olivier Hoeffel

Responsable éditorial de laqvt.fr Auteur des blogs lesverbesdubonheur.fr et autourdelabienveillance.fr

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