PST3 : des salariés en bonne santé pour une entreprise en bonne santé
La Qualité de vie au travail (QVT) est au cœur du Plan Santé au Travail 2016-2020 (PST 3), avec ses implications en termes de conditions de travail et d’expression des salariés sur leurs conditions de travail. Le PST3 se veut opérationnel et concerté. Petit retour sur colloque du 23 mai 2016 entre les acteurs institutionnels de la prévention des risques professionnels, au ministère du travail.
« Le troisième plan santé au travail opère un renversement de perspective radical en donnant la priorité à la prévention primaire et en se tournant vers une approche positive du travail, facteur de santé » (Extrait de la présentation du PST3).
Rappel
Intégrant les perspectives de l’ANI de juin 2013, le PST 3 définit des objectifs selon
- deux axes stratégiques :
- prévention (culture de prévention, prévention primaire en particulier pour prévenir l’usure professionnelle, traitement des addictions, risques prioritaires),
- QVT (QVT et conditions de travail, maintien dans l’emploi – notamment des séniors, sources de compétences et d’expérience – et promotion d’un environnement de travail favorable à la santé),
- un axe de soutien à travers le dialogue social, le système d’acteurs, la recherche et veille sur la santé au travail.
La conviction que le dialogue social au cœur de la politique de santé, l’approche positive de la démarche du PST3, sont des points forts soulignés au colloque par les membres du groupe permanent d’orientation* du COCT qui ont présidé à la naissance du plan. Mais les processus de concertation et d’action entre les acteurs institutionnels de la prévention des risques tiennent du mille-feuille parfois indigeste.
Le déploiement du plan confié à des acteurs multiples et souvent en mutation
DGT, DIRECCTE, COCT, ARACT, INRS, ANSP, OPPBTP, CNAMTS, CRAMIF, CARSAT, ARS, COG CLS, CRPRP … tous là le 23 mai
Multiplicité des acteurs, complexité des dispositifs qui leur permettent d’articuler leurs démarches : la simplification est un des objectifs du PST3 avec le recensement des « situations concrètes de complexité administratives » pour mieux adapter les dispositifs. Mais la santé au travail représente réellement des enjeux complexes :
- Elle relève d’une double approche par secteurs (préventeurs comme l’OPBTP) et par territoire (CARSAT, ARACT, ARS..).
- Les services de santé publique et de santé au travail sont cloisonnés. Or, selon le PST3, la promotion d’un environnement de travail favorable à la santé demande d’agir de manière transversale en favorisant la collaboration entre les deux.
- Les acteurs institutionnels planifient selon des temporalités et des échéances rarement synchronisées. Le PST3 2016/2020 et le plan national santé environnement 2015/2019 traitent de problématiques communes comme la lutte contre les CMR (cancérogène, mutagène, reprotoxiques) et les Risques émergents.
Enfin, les institutions, territoires et organismes préventeurs impliqués traversent des phases de réorganisation.
Pour les ARS issues de la loi HPST et datant 2010, les commissions de coordination des politiques publiques permettent l’articulation des actions nationales et régionales. Mais la refonte des régions perturbe ces découpages. Dans ces conditions, pas facile de trouver le bon interlocuteur.
En matière de veille et recherche en santé au travail, que le PST 3 range parmi ses outils indispensables, l’INPES vient de fusionner avec l’INVS et l’EPRUS dans un nouvel organisme, l’agence nationale de santé publique (ANSP) pour créer un centre de référence en santé publique.
La volonté d’articuler santé publique et santé travail est un des objectifs du PST3 car les maladies multifactorielles (comme les maladies cardiovasculaires, les addictions) sont à l’intersection des deux. Mais au-delà, comment va se négocier le rapprochement des institutions ?
Un autre écueil possible serait la multiplication des rapports et indicateurs, dans une philosophie gestionnaire qui convient aux grandes organisations, sans que suivent des actions sur le terrain. Au colloque, des actions de proximité qui commencent à se concrétiser dans les Plans Régionaux Santé Travail (PRST) sont mises en avant.
En PACA, renforcer le lien QVT/prévention à destination des TPE-PME. Témoignage de l’ACT Méditerranée**
L’accessibilité et l’harmonisation d’une offre de service santé au travail, en direction des PME/TPE est prioritaire dans le PST 3.
La structuration et la coordination du réseau d’acteurs de prévention est indispensable pour harmoniser les messages, articuler les dispositifs et les rendre lisibles au service des TPE/PME (90% des entreprises ont moins de 10 salariés). Dans les Clubs de Prévention par métiers, les salariés s’expriment sur la perception qu’ils ont de leur travail (point clé de l’ANI). L’émergence de situations réelles favorise les débats, l’expérimentation puis la coordination permettent de capitaliser sur l’expérimentation et de construire une méthodologie. Ces clubs pourraient être mutualisés en inter régional, par métiers de l’artisanat notamment.
En Limousin, renforcer les liens santé publique et santé au travail
En Limousin, les Contrats Locaux de Santé (CLS) *** entre l’ARS et les collectivités territoriales favorisent des actions de santé au travail, en fonction des besoins des territoires en lien avec le CHU de Limoges et la médecine du travail. Pour prévenir les maladies chroniques, l’entreprise pourrait devenir le lieu de toutes les préventions, de l’information, du dépistage. Médecine du travail, ARS et CARSAT réfléchissent ensemble à comment gérer les salariés touchés, malades et aidants ? Comment mettre en lien médecine travail et médecine de ville dans la confidentialité pour une prise en charge personnalisée et rapide ? La formation des généralistes aux pathologies du travail est évoquée.
Un point de vigilance : il me semble important que la reconnaissance des pathologies professionnelles ne passe pas par la « trappe » de la santé publique en renvoyant l’individu à sa seule responsabilité.
Toujours responsabilités individuelle et collectives
La santé au travail, c’est l’affaire de toutes et de tous, pas un sujet de spécialistes. C’est le leitmotiv d’Hervé Lanouzière, directeur général de l’ANACT, présent au colloque : faire que « tout le monde s’approprie la santé au travail en mode prévention primaire, en pensant une organisation du travail qui ne relève pas du mode correctif ». C’est aussi notre point de vue sur laqvt.fr
La santé au travail est un paramètre stratégique de l’entreprise à intégrer très en amont par le management et la direction, au même titre que les objectifs stratégiques et économiques, et avec des outils appropriés.
Les objectifs du PST3, déployés par les grandes institutions de santé prévention, et notamment l’objectif de développer la culture de prévention, doivent trouver leur relais pour se traduire en actions dans les entreprises.
Relier le monde de la santé publique et au travail avec les entreprises dans des instances adaptées au niveau régional
Les partenaires sociaux, acteurs du PST3, ont voulu faire de la prévention primaire en santé au travail un levier de développement rentable et soutenable pour les entreprises. D’essence paritaire, le Comité Régional de Prévention des Risques Professionnels (CRPRP) ****, déclinaison du COCT auprès du préfet, regroupe les intervenants au plan large sur le socle commun de la QVT. C’est un bon relais de la politique nationale de la prévention pour agir en entreprises. Ce maillon assure le pilotage de l’action commune, garantit la régularité des réunions pour une cause commune.
Appropriation de la culture de prévention dans les entreprises
Car c’est là que réside le défi de la prévention : faire progresser la culture de prévention dans les entreprises, et modifier le regard sur la prévention primaire. Pour cela, de la pédagogie, de la communication : l’idée doit passer que travailler à la QVT ne veut pas dire qu’on ne s’occupe pas des RPS. Alors que le management se voit attribuer un rôle déterminant à jouer, c’est tout le monde qui a sa carte à jouer, avec plus de collectif et de confiance. Les conditions de travail restent négociables.
* Le Conseil d’orientation des conditions de travail (COCT) placé auprès du ministre chargé du travail, exerce une double fonction : une fonction d’orientation de la politique publique de santé au travail et une fonction consultative relative aux textes de toute nature concourant directement à la mise en œuvre de cette politique.
** L’ACT Méditerranée est l’ARACT de la région PACA.
*** Le Contrat Local de Sante (CLS) entre l’ARS et les collectivités territoriales pour mettre en œuvre des actions au plus près des besoins des populations et du territoire, comme :
- développer les politiques et actions de prévention,
- faciliter un accès équitable et pertinent aux soins et aux prises en charge médicosociales
- améliorer la transversalité, la lisibilité, la cohérence du système de santé…
****Les Comités Régionaux de Prévention des Risques Professionnels (CRPRP) élaborent les plans régionaux santé travail
Composition du CRPRP :
- 4 représentants de l’état (DIRECCTE, DRASS, Agriculture, DIREN)
- 8 représentants des salariés (CGT, CFDT, FO, CFTC, CFE CGC)
- 8 représentants d’employeurs (MEDEF, CPME, UPA, FNSEA)
- 4 organismes régionaux d’expertise et de prévention (CARSAT, ARACT, OPPBTP, MSA)
- 10 personnes qualifiées
Photo sous licence creative commons – auteur : Zantastik
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