Responsabilité, compétitivité : Les conditions de la confiance des cadres

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L’Observatoire Des Cadres (ODC) de la CFDT s’intéressait lors du séminaire du 28 mars 2014 aux conditions du succès du pacte de compétitivité, dont il est signataire, au regard de l’activité et de l’emploi. Il proposait lors de cette matinée de débattre sur deux conditions primordiales pour créer les conditions de la confiance des salariés : la qualité du management et la coopération autour de l’innovation dans les filières et les territoires. Autant de composantes liées à la Qualité de Vie au Travail (QVT), dont l’ANI du 19 juin 2013 sera évoqué à plusieurs reprises dans la matinée.

Ambiance

L’auditorium bourdonne, un ou deux éclats de rire épars, quelques attachés-cases et sacs à dos dans les allées l’ambiance est conviviale. Je remarque la parité des intervenants sur l’estrade. La responsabilité, la confiance, la coopération donc la qualité de vie au travail sont au programme de ce séminaire.

Les rapports internes ne coûtent pas mais ils comptent

Soraya Duboc, présidente de l’ODC, introduit la matinée en évoquant l’implication de l’association issue de la CFDT Cadres dans le dossier du Pacte de compétitivité, notamment sur l’attention portée au «hors coût»(1), facteur générateur de performance compétitive dans l’organisation, et dont le management est une pièce maîtresse. Les rapports internes ne coûtent pas, mais ils comptent affirme-t-elle.

Bernard Jarry-Lacombe, délégué général de l’ODC évoque ensuite l’implication de l’association par ses échanges autour du management avec l’ESCP Europe, au travers de la Revue Cadres, et dans les 3 derniers ANI, dont celui vers un politique d’amélioration de la qualité de vie au travail et de l’égalité professionnelle, qui est le seul qui ne soit pas assorti d’une loi(2).

Puis Jean-Paul Bouchet, secrétaire général de la CFDT Cadres lance le sujet qui sera traité par les intervenants(3) Béatrice Adam, Véronique Descacq et Bernard Chambon : La confiance, la coopération, le jeu collectif, quelles sont les conditions d’efficacité non seulement sur la plan des relations interpersonnelles mais aussi sur au niveau professionnel ? Voici quelques idées fortes évoquées lors cette matinée.

La visée de développement économique

Les marges sont nécessaires à l’investissement

Des axes de développement forts sont nécessaires pour percevoir un horizon favorable et développer la confiance. Aujourd’hui, les pays émergents fabriquent des produits de qualité. Les marges sont nécessaires à l’investissement. La haute qualité technologique suppose que les entreprises puissent investir pour innover et rester compétitives.

Sur le terrain, c’est-à-dire sur les territoires comme dans les organisations, ce développement suppose la coopération d’une multiplicité d’acteurs, dont les temps sont différents. Pour une PME le retour sur investissement est essentiel.

Coopérer pour être compétitif

volonté d’échange et de confrontation des points de vue

Trois organisations de salariés et trois organisations patronales se sont réunies autour de la compétitivité et ont abouti au pacte de compétitivité. La démarche complexe et de longue haleine est moins véhiculée par les médias que les points d’achoppement, mais cette volonté d’échange et de confrontation des points de vue a commencé : un travail commun sur 70 indicateurs négociés pour évaluer l’économie entre toutes les organisations syndicales a abouti à un accord. Ce mode de fonctionnement doit se répercuter à la base, dans les territoires et les filières. La confiance se gagne en usant de pédagogie plutôt que de chercher à convaincre, en apportant des témoignages, et en diffusant les bonnes pratiques.

le développement du territoire nécessite du concret

Sur les territoires, les grands groupes, les startups, les PME/TPE innovantes, un réseau académique d’écoles et de laboratoires sont un terreau fertile dont bénéficie par exemple l’Institut de Recherche Technologique Jules Verne. La feuille de route des cadres est donnée par les régions mais surtout par les grands groupes, la recherche pour le développement du territoire nécessite du concret (à rebours de la recherche scientifique publique).

Le manager de proximité est au coeur des mutations

Les cadres intermédiaires ont perdu du pouvoir d’action avec la croissance. Les échelons hiérarchiques se sont multipliés, il faut les remettre à plat. La pression a augmenté avec l’internationalisation des entreprises, la suppression des fonctions support et l’abus des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC), les processus et standards qualité (qui sont justifiés dans certains aspects techniques, pas dans d’autres). Un manager passe plus d’un tiers de son temps à faire du reporting.

Or, dans les organisations, une culture du dialogue est également à promouvoir. Les cadres intermédiaires ont parfois moins de proximité avec la direction que certaines Institutions Représentatives du Personnel qui la côtoient de façon obligatoire et régulière. La Base de Données Unique(4) représente d’ailleurs désormais un véritable outil pédagogique pour comprendre les enjeux organisationnels. De la même façon, le plan de formation est désormais négociable depuis la loi sur la formation professionnelle(5).

L’intelligence collective c’est la compréhension collective des enjeux, et une mise en mouvement. Le manager de proximité est au coeur des mutations. Des lieux de compréhension collective sont invoqués dans les Accords Nationaux Interprofessionnels (ANI), notamment l’article 12 du titre V de l’ANI relatif à la qualité de vie au travail(6). Ces ANI doivent être saisis par tous les acteurs, y compris les managers de proximité. Réarticuler le dialogue professionnel (manager et ses équipes) et le dialogue social (avec les IRP) est essentiel. La liberté d’expression et l’alerte doivent cohabiter dans les organisations, sans effet de posture ni monopole.

Enfin les règles du jeu collectif supposent l’honnêteté, le respect, l’envie d’être ensemble, de travailler ensemble, de mettre en commun du savoir, d’avoir une feuille de route, d’accepter de se tromper. Dans le domaine de l’innovation, le principe de la recherche qui consiste à accepter de se tromper subsiste sur le terrain. D’autant que les solutions non encore applicables peuvent être reprises plus tard. Ce n’est pas toujours la culture dominante mais il faut accepter de remettre en cause sa culture, même si cela nécessite un temps d’incubation, d’intégration. A cet égard, la formation des cadres français en matière de coopération devrait commencer bien avant la formation initiale, à l’école primaire.

 

En conclusion

Les points que j’ai abordés dans cet article sont un tricotage que j’espère fidèle aux interventions individuelles de la matinée. Le seul point qui m’est apparu encore source de divergence a été l’accent mis sur la question de l’arbitrage. Pour Béatrice Adam il est d’ordre financier donc collectif puisque les industriels et l’Etat sont chacun à 50% décisionnaires dans l’IRT. Pour Bernard Chambon, il est de l’ordre de l’autodiscipline pour ne pas casser la dynamique des acteurs, alors que pour Véronique Descacq les acteurs et les organisations nécessitent du droit, de la régulation pour que soit garantie une cohérence globale.
Même s’ils ont des styles différents, les points de vue des intervenants sur les conditions de la compétitivité, le temps, l’erreur, la pédagogie, l’esprit de coopération, et la liberté d’initiative et de créativité des managers se retrouvent. laqvt.fr ne peut que s’en féliciter !

 

(1) La compétitivité hors coût

(2) Mais d’un arrêté d’extension du 15 avril 2014 comme annoncé sur laqvt.fr. Les 2 autres ANI sont l’Accord sur la compétitivité et la sécurisation de l’emploi du 11 janvier 2013, assorti de la loi sur la sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013, et l’Accord sur la formation professionnelle du 14 décembre 2013 (assorti de la loi relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale du 5 mars 2014)

(3) Les intervenants :
– Béatrice Adam : responsable commerciale en charge des projets de l’Institut de Recherche et Technologie (IRT) Jules-Verne, membre du Bureau national CFDT Cadres, DCNS Research.
– Véronique Descacq : Secrétaire générale adjointe CFDT, responsable de la politique économique, de la coordination des politiques de protection sociale, de la politique de santé et de la famille.
– Bernard Chambon : dirigeant pendant 40 ans au sein de grands groupes industriels multinationaux en France et à l’étranger, Vice-président de la commission Nouveaux Dialogues du Medef, ancien président de l’Union des Industries Chimiques.

(4) La BDU prévue par la loi depuis juin 2013 doit être mise en place au plus tard le 31 décembre 2016. Elle donne les chiffres et éléments d’analyse sur la création de valeur et sur les orientations stratégiques de l’entreprise.

(5) Voir notre article sur la loi sur la formation professionnelle

(6) Voir l’article 12 : Améliorer la QVT et l’EP dans le cadre du dialogue social pour contribuer à rendre l’entreprise plus compétitive, Encourager et favoriser l’expression des salariés sur leur travail.

photo sous licence creative commons – auteur : David Biesack

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