Retour sur le colloque « Travail posté et de nuit : quel suivi médical ? »

Novéquilibres : Retour sur le colloque  « Travail posté et de nuit : quel suivi médical ? »Le colloque du 23 mai 2013 qui a eu lieu au Ministère des Affaires Sociales et de la Santé, organisé par l’Institut National du Sommeil et de la Vigilance (INSV) avait pour objectif de donner des recommandations pour la pratique du travail posté et de nuit. Différents intervenants experts en la matière ont donné des outils et des éléments pour la surveillance médicale des travailleurs postés et de nuit, et en faciliter la mise en place dans les entreprises concernées, grâce aux échanges et aux partages d’expériences.

Le contexte

Le professeur Damien Léger chef d’unité du Centre de sommeil de l’Hôtel-Dieu Paris a posé le cadre. De plus en plus de personnes sont concernées par ces horaires atypiques avec en France 19% des salariés selon une enquête qui date de 2008, dont 20% des hommes et 8% des femmes (1) :

  • Le travail posté est un travail par poste aux horaires successifs et alternants comme les 3X8 ou les 5X8.
  • Le travail de nuit concerne le travail entre 21h et 6h pendant au moins 3h et au moins 2 fois par semaine, ou au moins 270 heures pendant 12 mois consécutifs.

Les recommandations de bonne pratique « Surveillance médico-professionnelle des travailleurs postés et/ou de nuit » ont reçu le label de la HAS en Mai 2012. Ce label signifie que les recommandations ont été élaborées selon les procédures et règles méthodologiques préconisées par la Haute Autorité de Santé (HAS).

Les objectifs des recommandations sont :

  • Identifier les risques médicaux spécifiques liés au travail posté et/ou de nuit.
  • Proposer des mesures de prévention adaptées à ces risques.
  • Proposer des supports pour la surveillance médicale de ces travailleurs.

Les recommandations

Après confirmation du risque médical lié au travail de nuit et au travail posté, des éléments simples de surveillance médicale seront mis à disposition, faciles à mettre en place et accessibles par données informatiques.

Il est nécessaire d’informer les travailleurs de ces risques, et recommandé de favoriser l’accès aux soins des travailleurs posté et de nuit par le réseau « médecine du travail – médecine de soins ». La législation du travail impose une surveillance médicale tous les 6 mois aux travailleurs affectés de nuit, et il est préconisé d’appliquer au mieux cette loi et l’étendre au travail posté.

Etats des lieux

Le docteur Arnaud Metlaine de l’Hôtel-Dieu a exposé les conséquences du travail de nuit sur le sommeil :

  • Diminution du temps de sommeil de 1h à 2h sur 24h.
  • Privation chronique de sommeil.
  • Augmentation du risque de somnolence pendant la période d’éveil, avec un risque augmenté d’accidents de la circulation.
  • Les travailleurs posté et/ou de nuit sont plus portés à la dépression et à l’anxiété.

Le docteur Virginie Bayon de l’Hôtel-Dieu a développé les risques chez la femme et les risques cardio-métaboliques :

  • Chez la femme le travail posté et/ou de nuit peut être associé à une augmentation modérée du risque d’avortements spontanés, d’accouchement prématuré et de retard de croissance intra-utérin. Un facteur du risque de cancer du sein.
  • Il augmente le risque de maladies cardiovasculaires, l’hypertension artérielle et des perturbations du bilan lipidique.

Quel suivi médical ?

Un modèle de brochure d’information proposé dans les recommandations à remettre aux travailleurs a été commenté, et il a été évoqué l’importance de dépister les troubles liés au travail posté et de nuit :

  • Différents indicateurs ont été cités, comme les accidents du travail, de trajets, des troubles métaboliques, sommeil perturbé.
  • Des outils ont été présentés : le questionnaire de prévention des accidents, de Horne et Ostberg pour voir la typologie circadienne (caractère soir ou matin), l’échelle de somnolence d’Epworth, test de Ford pour l’insomnie en réponse au stress, l’agenda du sommeil etc…

Le docteur Elisabeth Prévot-Balensi et le docteur Olympe Véron de l’Hôtel-Dieu ont informé de l’existence du réseau « sommeil » pour permettre d’aider les médecins en santé au travail :

  • La prise en charge générale de l’insomnie, le relais avec le médecin traitant.
  • La prise en charge spécialisée, avec les consultations de pathologies professionnelles.

Les médecins ont présenté également les outils de dépistage avec l’actimétrie, la polysomnographie (enregistrement complet du sommeil), la polygraphie ventilatoire pour détecter les syndromes d’apnées du sommeil, le test de latence d’endormissement, de maintien d’éveil…

Claude Gronfier chronobiologiste à l’INSERM a parlé de l’importance de stimuler la vigilance durant le poste de travail et d’optimiser le sommeil durant le jour. La combinaison de lumière en début de poste, de port de lunettes de soleil après le poste et avant le sommeil. Dormir à l’obscurité et siester (2) à la lumière naturelle sont recommandés et même à imposer dans des postes à haut niveau de vigilance requis (hopitaux, militaires, centrales nucléaires…).

D’autres intervenants ont parlé de cas pratiques et ont approfondi certaines parties du programme.

Ce colloque ouvre vers une meilleure QVT (Qualité de Vie au Travail) des travailleurs posté et/ou de nuit, et la majorité des participants étaient des médecins du travail très concernés en la matière. Le seul bémol est pour la mise en place du suivi, puisque il n’y a plus assez de médecins du travail avec des zones géographiques complètement désertées…

C’est pourquoi, pour leur remonter le moral, les participants ont été récompensés de leur assiduité à cette journée par une sieste flash que j’ai animée.Tout le monde est reparti en forme, ressourcé et vigilant et avec les neurones rafraîchis !

 

(1) Voir l’article : L’humain au rythme du hibou
(2) Voir l’article : La sieste à la carte

photo sous licence creative commons – auteur : Spone

Caroline Rome

Caroline ROME est spécialisée dans le sommeil et la vigilance, les rythmes, membre du comité éditorial de laqvt.fr, associée de Novéquilibres, attachée au Centre du Sommeil de l’Hôtel-Dieu à Paris, membre de l'Institut National du Sommeil et de la Vigilance

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