Devoir de déconnexion

Novéquilibres : devoir de déconnexion

– Chéri, je prends la prochaine navette pour Mars avec les enfants !
– ah, d’accord ! A tout à l’heure !

Monsieur est tellement pris par sa lecture d’email sur son smartphone, qu’il a répondu mécaniquement à l’apostrophe de sa femme qui le teste une fois de plus sur le niveau d’attention qu’il porte à ses propos.

D’ailleurs, si ça continue, la prochaine fois, elle lui demandera de porter ses valises parce qu’elle retourne chez sa mère avec les enfants et qu’il est tout à fait possible que Monsieur réponde à l’invitation de charger les valises dans le coffre de la voiture sans comprendre la portée de ce qui sera en train de se jouer. On ne sait jamais.

Le rapport publié récemment par le CAS intitulé “L’impact des TIC sur les conditions de travail” pointe à plusieurs reprises que l’entourage familial risque de rester pendant un moment encore le régulateur ultime des usages professionnels des TIC dans la vie privée si on n’y prend pas garde avec tous les risques de tension familiale que cela peut induire.

Face à cela envisageons deux pistes d’actions complémentaires :

  • le “droit à la déconnexion” à construire collectivement dans les organisations pour réguler l’usage de l’internet et en particulier de l’internet mobile puisque de plus en plus de salariés sont équipés en internet mobile. Ce droit à la déconnexion est popularisé depuis quelques années par Jean-Emmanuel Ray, Professeur de droit à la Sorbonne (Paris)
  • ce que j’appellerais le “devoir de déconnexion” qui renvoie à la responsabilité individuelle de préserver sa santé et l’équilibre de ses sphères de vie; aussi parce que l’usage inapproprié des TIC n’est pas seulement le résultat d’une injonction de la hiérarchie, loin s’en faut

Nous reviendrons dans un prochain article sur le “droit à la déconnexion”. Je développe ici mon idée de “devoir de déconnexion”.

Le devoir de déconnexion

Le devoir à la déconnexion vise à mettre des limites à un certain nombre de dérives qui se multiplient et s’amplifient de manière inquiétante :

  • la porosité de plus en forte des sphères de vie les unes par rapport aux autres, et en particulier l’intrusion abusive de la sphère professionnelle sur la sphère privée. Les cadres sont particulièrement touchés mais la généralisation de l’internet mobile pourrait impacter d’autres catégories socioprofessionnelles,
  • le déficit d’attention que l’on porte aux autres du fait du pouvoir magnétique du smartphone; ce ne sont pas seulement les relations au sein de l’entourage familial, mais l’ensemble des relations : professionnelles, amicales, sociales qui sont touchées.
  • les risques à la santé du fait de l’usage inconsidéré du smartphone : TMS (tendinite du pouce, douleurs aux cervicales), maux de tête, stress, …
  • les comportements addictifs, dont certains peuvent être assimilés à de TOC.

La déconnexion, un concept à revisiter d’urgence depuis la diffusion massive de l’internet mobile via les équipements de téléphone mobile connectés à internet – smartphone –

Le smartphone a un pouvoir magnétique tout à fait extraordinaire encore plus fort que celui de la télévision. En effet, s’il n’est pas facile pour certains de décoller de la télévision une fois qu’ils se sont installés devant, le smartphone a une caractéristique de magnétisation spécifique : le smartphone nous appelle à rester en contact avec lui. Par exemple, par l’intermédiaire des alertes sonores, visuelles et vibratoires qui nous interpellent sans cesse par défaut. Par défaut, signifie que bien souvent les applications sur les smartphones sont pré-configurés avec les alertes.

J’ai moi-même été pris au piège pendant quelques semaines quand j’ai acquis mon smartphone. Je me suis surpris au bout d’un moment à répondre systématiquement aux injonctions de mon appareil. Ces Injonctions devenaient prioritaires et m’interrompaient dans l’occupation du moment; Un automatisme installé insidieusement.
Une prise de conscience m’a permis d’adopter une stratégie libératrice qui m’a demandé très peu d’efforts : par défaut, je déconnecte le réseau de données et c’est moi qui décide quand j’ai envie/besoin de lire mes e-mails. Et donc je reconnecte le réseau de données le temps de faire ce que je m’autorise à faire (très important) puis je me déconnecte.
En l’occurrence, j’ai activé ce devoir à la déconnexion par une simple prise de conscience et j’y ai répondu par une stratégie simple, demandant un peu d’autodiscipline et qui m’a remis dans une position saine : c’est moi qui choisis ! Je ne subis plus les injonctions de mon smartphone.
Et croyez-moi, j’en ai bien mesuré les impacts sur ma qualité de vie.

Mais activer ce devoir n’est pas pour tous seulement question de prise de conscience : quand des automatismes puissants, voire une addiction, se sont installées autour de l’usage des TIC, il faut aussi savoir se faire aider si on se trouve impuissant à mettre en œuvre une stratégie efficace en la matière.

Alors, n’attendez pas de vous faire taper sur les doigts en pleine course sur votre smartphone par votre conjoint ou vos enfants. Mettez-le par vous-même sagement au repos. Son repos sera aussi le vôtre et celui de votre famille.

Vous voulez témoigner sur votre difficulté à décrocher ou sur la façon dont vous avez réussi à décrocher ? N’hésitez pas à apporter un commentaire à cet article ou nous envoyer votre témoignage sur bonjour@laqvt.fr

Retrouvez notre dossier sur “la déconnect attitude”.

photo sous licence creative commons – auteur : _maddin_

Olivier Hoeffel

Responsable éditorial de laqvt.fr Auteur des blogs lesverbesdubonheur.fr et autourdelabienveillance.fr

Une réflexion sur “Devoir de déconnexion

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