La planète dort mal !
La terre est de plus en plus lumineuse, de plus en plus bruyante et de plus en plus chaude. Éclairage, pollution sonore et réchauffement climatique ont un impact sur le sommeil des terriens. C’est pourquoi, la 13ème Journée du sommeil organisée par l’Institut National du Sommeil et de la Vigilance (INSV) le 22 mars dernier avait pour thème « sommeil et environnement ».
Lumière
Une photo satellite de la terre prise il y a 50 ans la montre sous une ambiance tamisée. La même prise aujourd’hui et on découvre une boule scintillante qui brille de tous ses feux digne d’un sapin de Noël. L’horloge biologique se règle sur un rythme de 24 heures surtout grâce à la lumière : en passant par les voies visuelles, elle entraîne une suppression de la mélatonine (hormone du sommeil) par la glande pinéale; et avec l’obscurité, la mélatonine est sécrétée donnant le signal du sommeil à l’organisme. Les éclairages le soir et la nuit perturbent les rythmes veille/sommeil (1).
- Le 1er juillet 2013 une nouvelle réglementation entrera en vigueur sur l’éclairage nocturne des bâtiments professionnels et des vitrines de magasin. Les objectifs sont : d’économiser en consommation d’électricité, de préserver les écosystèmes naturels (migration, cycles de reproduction, communication entre espèces…), et les fonctions naturelles comme le sommeil. Selon l’INSV la lumière artificielle de nuit dérègle l’horloge biologique. Une analyse des effets de cette mesure sera disponible en janvier 2014, et selon leur enquête, 24% des personnes interrogées se disent dérangées par l’éclairage public dans leur chambre : la lumière nocturne (éclairage urbain), éclairage domestique trop puissant, lumières des écrans (télévision, ordinateur, tablette…).
- Une étude du Rensselaer Polytechnic Institute (New York) met en évidence que la lumière bleue des tablettes mobiles affecte la mélatonine. Une exposition de 2 heures à ces dispositifs électroniques auto-éclairés suffirait à entraîner une réduction de plus de 20% des niveaux de mélatonine provoquant un retard de phase (le sommeil retardé), et des troubles du sommeil en particulier chez les adolescents.
Bruit
Le citadin qui arrive à la campagne,recherchant le silence, fait nuit blanche à cause du grillon qui chante, alors qu’en ville c’est comme si des millions de grillons chantaient en permanence. Même si ce bruit de fond ne gêne pas, il a un impact au quotidien. Le Dr Joëlle Adrien, présidente du comité scientifique de l’INSV explique :
“Le bruit entraîne une fragmentation du sommeil qui diminue sa qualité et son effet récupérateur “
- 43 % des Français disent être gênés par le bruit. 49 % estiment que la situation du bruit en ville s’est détériorée ces 10 dernières années. 38 % pensent que le bruit est un problème d’environnement très ou extrêmement préoccupant. 39 % le jugent responsable du stress. Les comportements accentuent le problème avec le son de la télévision et du téléphone portable (2) dans la chambre même la nuit…
- 80 % du bruit provient des transports : camions, voitures, motos, scooters, trains, RER, métro, tram, bus, avions qui sont de plus en plus nombreux compte tenu de la population qui augmente.
- Le bruit est responsable de : 11 % des accidents du travail, 15 % des journées de travail perdues, 20 % des internements psychiatriques. Pour ce dernier pourcentage jouent le bruit du voisinage avec le changement de société qui vit 24 heures sur 24, les personnes qui ont des horaires atypiques et sont actifs quand les autres dorment ou essaient de dormir.
Température
Le réchauffement planétaire est indiscutable avec pour conséquences des évènements climatiques extrêmes, comme plus de canicules et de grand froid.
- Plus chaud : Les excès de température naturelle ou à cause d’un chauffage trop élevé fragmentent les nuits et les rendent moins réparatrices. Le bruit fait qu’il est quelquefois impossible d’ouvrir les fenêtres pour rafraîchir la pièce, alors que la chambre à coucher doit être à 18/20° pour un bon sommeil.
- Plus froid : Une température plus fraîche favorise le sommeil et le soir nous abaissons la température interne de presque 1°. Christian Bourbon, médecin spécialiste du sommeil à Toulouse a mené une expérience originale sur l’explorateur Stéphane Lévin : 5 mois en Arctique, seul et dans l’obscurité pendant plus de la moitié de son séjour, sous des températures atteignant les moins 40°. Les résultats ont mis en évidence que l’être humain conserve en mémoire dans ses gènes « des instincts archaïques animaux » comme l’hibernation.
- Mais il y a une autre conséquence du changement de température à la surface du globe que l’on oublie trop souvent : l’expansion de certaines maladies. Parmi elles : la trypanosomiase africaine, plus couramment appelée maladie du sommeil et qui hélas n’est pas la solution pour les insomniaques.
Trop de lumière, trop de bruit, trop chaud ou trop froid, l’évolution de l’environnement n’aide pas au sommeil. Pour conserver une qualité de vie qui inclut la QVT avec des rythmes veille/sommeil cohérent, la vigilance de chacun est importante au quotidien pour ne pas aggraver le fait que la planète dort mal parce qu’elle va mal…
« Chacun est responsable de la planète et doit la protéger à son échelle. »
Yann Arthus Bertrand
(1) Voir l’article : « L’humain au rythme du hibou »
(2) Voir l’article : « La déconnect attitude : ne pas déranger, je suis occupé ! »
illustration : Marianne de Nayer