Very very … urgent

La course au temps, la tyranie du temps. Voilà donc des sujets qui méritent bien que l’on s’arrête un instant pour notre qualité de vie au travail. Alors, je vais m’en donner le temps. Il vous restera à vous à consacrer du temps à la lecture de ces quelques lignes et peut être aussi pour la réflexion, l’échange et la mise en action.

Je me souviens il y a quelques années m’être rendu à Singapour dans un restaurant indien. La carte était vaste, le choix difficile. Il s’est avéré d’autant plus compliqué que le serveur me demande au moment de la commande un complément d’information qui pouvait  faire toute la différence : “Spicy, very spicy, very very spicy, very very very spicy or very very very very spicy ?”

J’ai prudemment choisi l’option sans “very” et, toujours dans mes souvenirs, le plat fut suffisamment épicé à mon goût.

Je ne sais pas si depuis l’époque la liste s’est allongée ou si le niveau d’épice de base a pu évoluer, mais j’ai lu récemment le livre “Souffrance au travail : l’urgence d’une médiation vivante” de Marie Claude Ayensa. Ce livre qui fait référence à un sigle “TTU”, m’a fait voyager quelques années en arrière… jusqu’à Singapour comme vous l’avez constaté.

“TTU” signifie “Très très urgent”. L’auteure fait référence à l’inflation dans les mentions d’urgence dans les emails. L’urgence étant devenu la norme, il fallait bien créer un niveau supplémentaire pour l’exceptionnel. Mais le TTU se banalisant, je ne vois pas d’autres solutions que de passer au TTTU. Et en anticipant un peu, le TTTTU n’est pas loin. La question devenant maintenant selon quelle loi, TTTnU ouvrira le chemin à un TTTn+1U ? La question restant totalement ouverte, je vous propose d’économiser mon temps en faisant l’impasse sur cette question et d’utiliser le temps ainsi gagné à deux considérations : la distinction entre importance et niveau d’urgence d’une part et l’idée de la déflation de l’urgence d’autre part.

Importance et urgence

Les formations et sensibilisations à la gestion du temps s’intéressent souvent à la distinction entre importance et niveau d’urgence d’un événement ou d’une tâche. Il est vrai en effet que de plus en plus avec l’inflation de l’urgence il y a confusion entre importance et niveau d’urgence ; confusion dans le sens où tout ce que est urgent est considéré comme important. De ce fait, si on ne se donne pas le moyen de hiérarchiser l’importance, il y a menace de crouler sous l’urgence et d’oublier l’important qui ne serait pas urgent.

Une dérive est aussi à remarquer : la force de l’implicite. Non seulement, nous recevons tous des sollicitations exprimées comme urgentes, mais la norme étant devenue l’urgence, certains considèrent que c’est même inutile de le préciser.

“Je t’ai envoyé un email il y a 2 heures, et tu n’as toujours pas répondu !” réaction indignée au téléphone d’une personne qui relance ne pouvant pas imaginer que la réponse ne lui revienne pas dans l’immédiateté la plus absolue … allez, on vous laisse tout juste le temps de la frappe sur votre clavier, et encore, peut-être serait-il temps que vous preniez des cours de frappe pour augmenter votre vitesse.

Déflation de l’urgence

Un de mes précédents articles s’intitule “choisir ou subir ». Je le conclus en précisant que je veux me donner les moyens de choisir et ne pas subir.

Face à la tyrannie du temps et de l’urgence, peut-on agir ou réagir ?

A l’instar de la qualité de vie au travail, cette question est à considérer en conjuguant une approche individuelle et collective.

Une bonne organisation de son temps passant par une analyse des formes de sollicitations que l’on reçoit et le temps passé dans chacune des sphères de sa vie (professionnelle, familiale, loisirs, sociale) est une responsabilité individuelle. Cette action individuelle mérite d’être réalisée en lien avec ceux avec qui on interagit dans les différentes sphères de sa vie.

L’approche collective doit permettre à l’organisation dans laquelle on travaille de s’engager collectivement et de manière participative à la déflation de l’urgence dans ses pratiques de gestion. Cela en dialogue avec les différentes parties prenantes, y compris les acteurs externes (clients, fournisseurs, partenaires, …).

La déflation de l’urgence est bel et bien un enjeu pour l’amélioration de la qualité de la vie au travail et de la qualité de vie en général. Pour ne pas rester dans le constat de la tyrannie de l’urgence, il faut se donner le temps d’y réfléchir, d’échanger et d’agir. On comprend bien la difficulté de cette déflation : pour sortir de l’urgence, il faut commencer par sortir de l’urgence maintenant, pour réfléchir.

Je me demande s’il n’est pas devenu très très urgent que je mette un point final à cet article ?

photo sous licence creative commons – auteur : Greg Marshall

Olivier Hoeffel

Responsable éditorial de laqvt.fr Auteur des blogs lesverbesdubonheur.fr et autourdelabienveillance.fr

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