4 Dimensions de bienveillance pour aborder la QVT
Alors que s’achève cette année 2020 si particulière et pour certaines personnes si chaotique, je reviens sur laqvt.fr après quelques rares brèves pour présenter une partie de ma modélisation d’une Société et de Territoires de la Bienveillance. Un élément de modélisation relatif à 4 dimensions de la bienveillance qui permettent de considérer à la fois la Qualité de Vie au Travail (QVT), la qualité de vie, la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE), la qualité, la fraternité, la responsabilité, …
4 dimensions indissociables et réplicables
Le modèle à 4 dimensions sur lequel j’ai travaillé depuis début 2019 s’appuie notamment sur le concept de “holon” (même racine que “holistique”).
Où il est question de “Holon”
Un holon est une entité qui est à la fois un tout, et fait partie d’un tout. Schématiquement, je le représente par deux liens de verticalité :
- un lien vertical vers le haut : en tant qu’entité (individu ou collectif ou communauté) je fais partie d’un tout, et en généralisant, de plusieurs “tout”.
- un lien vertical vers le bas : en tant qu’entité (individu ou collectif ou communauté) je suis un tout avec des constituants qui sont eux-mêmes des holons (sauf au niveau le plus élémentaire quand la sous-entité n’est plus décomposable).
Distinguons deux grands cas :
- l’entité est un individu : il a plusieurs “tout” qu’il peut lister en parcourant ses sphères de vie : son couple, sa cellule familiale, sa famille au sens large, l’équipe de travail à laquelle il appartient, l’organisation à laquelle il appartient, … L’individu peut s’impliquer plus ou moins dans chacun des “tout” et développer un sentiment d’appartenance différent selon les “tout”. Bien entendu, nous nous intéressons ici à la sphère professionnelle, mais une vision holistique nous invite naturellement à prendre en considération les différents “tout” et à ne pas nous limiter à la sphère professionnelle.
L’individu est également un “tout”. Quels sont ses constituants ? En considérant l’individu comme un écosystème, il y a ses organes et ses microbiotes. Sachant que ses organes peuvent être eux-mêmes décomposés successivement, mais en l’occurrence ma modélisation s’arrête au niveau le plus bas avec l’individu et sa responsabilité de prendre soin de ses organes et de ses microbiotes. - l’entité est un collectif ou une communauté : un collectif appartient à plusieurs “tout”. Je prends le cas d’une entreprise. Elle peut faire partie d’un groupe. Elle fait partie d’un territoire. Elle fait partie d’une branche professionnelle. Elle contribue à la République, notamment par les impôts et charges qu’elle paye. En même temps, l’entreprise est un tout : c’est un ensemble d’individus avec des fonctions, des métiers, des statuts différents. En raisonnant au-delà de l’humain, l’entreprise peut être aussi un tout comportant d’autres qu’humains, notamment dans les entreprises d’élevage, les zoos, les entreprises de surveillance, … Il y a notamment une obligation légale, engageant la responsabilité pénale du dirigeant, de préserver la sécurité et la santé des salariés. La responsabilité de l’entreprise en matière de QVT et de santé au travail se trouve clairement dans cette dimension descendante de bienveillance.
2 dimensions verticales et 2 dimensions horizontales
La notion de “holon” constitue la verticalité de mon modèle à 4 dimensions. La relation verticale vers le haut est intitulée “Moi dans des Nous”. La relation verticale vers le bas est appelée “Vous en moi”.
Les deux dimensions horizontales ont trait d’une part à la relation à soi “Moi, je” (lien vers la droite) et d’autre part à la relation à autrui “Toi et moi” (lien vers la gauche).
Puisque j’ai dit quelques mots sur la verticalité dans la partie “Holon”, voici une petite description pour les deux dimensions horizontales :
La dimension “Moi, je” fait référence au besoin de singularité de l’entité (que ce soit un collectif ou un individu). Au niveau collectif, cela fait référence à la raison d’être, à son instinct de survie et de bien portance, à sa culture. Si je reprends l’exemple d’une entreprise, elle prend soin d’elle-même. Au niveau d’un individu, il s’agit qu’il prenne soin de ses aspirations les plus profondes, qu’il puisse se reconnaître dans ce qu’il fait, qu’il puisse jouer sa propre partition et faire reconnaître sa singularité. A noter qu’il faut bien considérer le côté indissociable entre les 4 dimensions qui font que la QVT qui se joue sur la dimension “Vous en moi” de l’entreprise est étroitement liée à la bonne santé de l’entreprise (pas seulement financière). Autrement dit, et j’ai eu l’occasion de le promouvoir à plusieurs reprises sur laqvt.fr, et notamment en direction du secteur de l’Economie Sociale et Solidaire (ESS) : la bien portance d’un collectif (“Moi, je”) passe par la bien portance des individus qui le composent (“Vous en moi”).
La dimension “Toi et moi” investit la qualité des relations interpersonnelles (pour un individu) et la qualité des relations entre collectifs, y compris entre ceux qui se voient comme concurrents. Des relations empreintes de respect, de solidarité, de fraternité. Un des enjeux étant de faciliter la proximité car la bienveillance se développe beaucoup plus facilement quand on connaît l’autre, sa réalité, ses perceptions, ses aspirations et attentes (les 3 dimensions de l’Attention Réciproque).
On aboutit ainsi au schéma suivant :
Une caractéristique essentielle de ce modèle est la considération des 4 dimensions de manière indissociable. Elles ne le sont pas par construction du modèle mais comme principe de bon sens et principe éthique à mettre en œuvre. C’est bien l’harmonie entre ces 4 niveaux de bienveillance qui produira l’effet gagnant-gagnant recherché. Tout sous-investissement de telle ou telle dimension peut créer soit de l’absence de bienveillance soit de la malveillance par dommage collatéral (ne pas assez considérer une dimension fait prendre le risque d’un acte malveillant non intentionnel).
Je veux prendre un cas en particulier : le surengagement d’un individu dans sa sphère professionnelle qui lui fera prendre des risques sur sa santé et possiblement le conduire au burn-out. Et si en plus, le collectif auquel il appartient n’a pas suffisamment investi sa dimension “Vous en moi”, le burnout sera d’autant plus facilité qu’il aura été la conséquence d’une double sous-bienveillance : de l’individu envers lui-même et sa santé, et du collectif envers lui.
2 strates interconnectées : moi et mon collectif de travail
J’ai déjà expliqué que ce modèle est réplicable puisque j’ai considéré deux grands niveaux d’échelle : l’échelle individuelle et l’échelle collective. Je viens également d’appuyer sur le caractère indissociable des 4 dimensions indissociables.
J’en viens maintenant à une troisième caractéristique de ce modèle : les niveaux sont interconnectés et je vais m’intéresser particulièrement à un niveau d’interconnexion : celui entre l’individu et le collectif de travail auquel il appartient. Je prends le cas où un individu appartient à un seul collectif de travail pour simplifier, car c’est le plus courant.
Je commence cette fois-ci par donner le schéma et je poursuis avec quelques mots d’explication et de généralisation :
Ce schéma met en évidence plusieurs façons d’adresser de la bienveillance à un individu, d’investir sa QVT :
- l’individu prend soin de sa propre santé physique, psychique et sociale, notamment par son hygiène de vie (individu –> “Vous en moi”)
- l’individu est attentif à pouvoir réaliser ses aspirations profondes et à pouvoir se reconnaître dans ce qu’il fait (individu –> “Moi, je”)
- l’individu est attentif à ces collègues, qui eux-mêmes prennent soin de lui ; je n’ai pas fait figurer sur ce schéma un niveau d’interconnexion entre l’individu et chacun des collègues. Il s’agit d’une réciprocité structurelle au modèle mais qui se cultive (individu –> “Toi et moi”)
- pour investir sa propre QVT, l’individu contribue à la réflexion collective et aux actions collectives liées à l’amélioration de la QVT (individu –> “Moi dans des nous”)
- le collectif prend soin de l’individu, de sa santé (obligation de préservation de la santé et de la sécurité par le dirigeant). Il s’assure que les objectifs sont tenables (le mieux pour cela étant de les co-construire), qu’il a les bons outils, le bon soutien, la bonne formation, … (collectif –> “Vous en moi”)
Et il y a une dernière façon qui me fait revenir au caractère indissociable des 4 dimensions : l’individu fait jouer à plein une juste articulation de ses sphères de vie car il a d’autres “Nous” dans sa vie : vie amoureuse, famille, amis, loisirs, engagements associatifs, syndicaux, politiques, sociétaux, … vie spirituelle, …
Et la planète dans tout ça ?
Pour celles et ceux qui savent l’intérêt que je porte à l’emballement climatique et aux atteintes à la biodiversité, vous pouvez peut-être vous demander où se trouvent les enjeux environnementaux dans mon modèle alors que j’ai associé très régulièrement la QVT à la RSE dans la vision de la QVT que nous promouvons depuis 2011 ?
En réalité, le premier modèle à 4 dimensions que j’ai conçu autour de la bienveillance comportait une dimension spécifique pour la planète vue comme partie prenante essentielle et distincte. Seulement, ce modèle, s’il consacrait la planète, avait l’inconvénient de continuer à faire une séparation entre l’humain et la nature.
Dans le modèle que je vous ai présenté, la nature est en filigrane dans les 4 dimensions :
- “Moi dans des Nous” : les “Nous” sont aussi bien les écosystèmes humains que les écosystèmes naturels
- “Toi et moi” : sont considérés aussi bien les humains que les autres qu’humains (chacun ayant sa propre sensibilité et sa propre hiérarchie de bienveillance : animaux domestiques, animaux d’élevage, animaux sauvages inoffensifs ou dangereux, nuisibles, …,, avec une implication sur le mode d’alimentation)
- “Vous en moi” : au niveau individuel, une personne est nature et est composé d’organismes de la nature (dans ses organes et dans ses microbiotes)
- “Moi, je” : une aspiration profonde à une (re)connexion à la nature, à ne faire qu’un avec la nature. Une aspiration qui mérite d’être investie individuellement et collectivement (notamment à travers la raison d’être et des prises de décision respectant les écosystèmes naturels)
D’autres éléments de modélisation sont présentés sur mon blog lesverbesdubonheur.fr, en particulier par la porte d’entrée spécifique que j’ai créée pour une Société et des Territoires de la Bienveillance.
J’ai notamment contribué récemment à une chronique de Jean-Michel Cornu sur la bienveillance dans un groupe dans lequel je me suis intéressé à un autre élément de modélisation : une échelle de bienveillance.
Je me suis aussi intéressé aux 4 dimensions par rapport à la sphère familiale.
Intéressante perspective ! J’aime que vous abordiez les questions environnementales dans votre réflexion sur la bienveillance. Bonne journée !
Merci pour votre signe de reconnaissance et d’autant plus que le fait de ne pas avoir mis la planète comme dimension particulière la rend moins visible dans cette modélisation. Mais comme vous l’avez compris, elle n’en est pas moins importante puisqu’elle est en filigrane et en enjeu vital.
Cordialement.
Olivier Hoeffel
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