Par quel bout prendre la QVT en cette rentrée ?
Essayez d’aller interroger sur la QVT dans la rue ou dans une organisation : “C’est quoi ?”. D’accord, vous avez raison, c’est un sigle et dans la jungle des sigles, pas facile de s’y retrouver. Alors, je précise, nous parlons de Qualité de Vie au Travail. “Ah, d’accord, mais fallait le dire tout de suite ! La QVT, bien sûr … mais en y réfléchissant bien … c’est quoi ?” Ou alors, on vous fera comprendre clairement ou à mots voilés qu’on ne se sait pas par quel bout prendre ce sujet. Nous vous éviterons dans cet article d’autres formes de réponses évoquées dans l’article A-t-on besoin de la QVT ?. En cette rentrée de septembre 2015, nous vous proposons quelques pistes d’actions pour répondre à la question évoquée dans le titre de cet article.
Au préalable, pourquoi se pose-t-on cette question ?
Rappelons qu’il y a encore 3 ans (donc hier), le concept de Qualité de Vie au Travail n’existait pas en France. C’était essentiellement l’appellation donnée par L’Agence Nationale pour l’Amélioration des Conditions de Travail (Anact) depuis une dizaine d’années à une semaine qu’elle organisait et qu’elle continue à organiser (1) sur les conditions de travail “La semaine de la Qualité de Vie au Travail”. La même Anact avait commencé à donner 6 facteurs clés de la QVT dans le numéro de mai/juin 2007 de son magazine “Travail et changement”. Je vous renvoie à l’historique développé dans le livre blanc que nous avons réalisé au sein de Novéquilibres.
Les partenaires sociaux se sont emparés de l’appellation et ont travaillé à sa formalisation avec l’Anact pour aboutir à l’Accord National Interprofessionnel vers une politique d’amélioration de la QVT et de l’Egalité Professionnelle du 19 juin 2013.
Donc le concept est récent, l’ANI également. Juste avant le début de la dernière semaine de la QVT (15 au 19 juin 2015) Hervé Lanouzière, Directeur Général de l’Anact, constatait « Il reste encore un gros travail pour rendre opérationnelle la qualité de vie au travail.»
Méconnaissance de l’appellation, méconnaissance de l’ANI, crainte des DRH de voir débarquer un dossier supplémentaire sur leur bureau, ce n’est pas toujours la mauvaise volonté qui fait obstacle au déploiement de la QVT, nonobstant les freins de principe de certaines et certains à dépenser pour le bien-être des salariés (voire même pour l’amélioration de leurs conditions de travail).
On pose aussi cette question car il existe une crainte d’impacter négativement la performance court terme (voire la performance moyen et long terme) malgré le contenu très clair du préambule de l’ANI indiquant que le bien-être des salariés participe à la performance. Encore faut-il évidemment avoir lu cet ANI qui, rappelons-le, est issu d’un travail et d’une négociation des partenaires sociaux, y compris donc des représentants des employeurs.
D’où le choix de l’illustration de cet article : la question du “par quel bout le prendre ?” renvoie à deux aspects :
- le côté multidimensionnel : la QVT étant très vaste, par quoi commencer ;
- le côté enjeu : si on commence à évoquer ce sujet, on risque de perturber le travail et la performance; et puis attention aux dégâts collatéraux.
L’articulation des responsabilités en commençant par moi
A la question “Par quel bout”, nous vous proposons un premier fragment de réponse en répondant à une autre question “Qui prend un bout ?”.
Les fidèles lectrices et lecteurs de laqvt.fr voient régulièrement évoquée dans nos articles l’idée d’interpeller à la fois la responsabilité individuelle et les responsabilités collectives.
Articulez !
Notre credo est donc bien que chacune et chacun peut déjà investir sa propre responsabilité sans forcément attendre que la responsabilité collective ait été activée à un niveau ou à un autre. Le principe d’appropriation constituant un des 3 préalables que nous avons mis en avant dans notre article du 4 novembre 2014 Les préalables à l’amélioration de la QVT : MA responsabilité.
En tant qu’individu, citoyen.ne et responsable de ses actes, chacun.e peut activer ce qui est à sa portée pour être acteur.trice à la fois de notre QVT, de notre qualité de vie et de notre bonheur. Voici quelques grands domaines d’action qui nous semblent déterminants :
- prendre soin de notre santé physique et psychique dans nos habitudes de vie : sommeil, alimentation, activité physique, détente musculaire et mentale ;
- déployer et développer nos capacités à la juste conscience pour nous assurer au maximum d’avoir une prise sur la vie au travail et que notre travail ait un sens ;
- adopter la déconnect attitude dans un contexte où les frontières entre la sphère professionnelle et les autres sphères de vie se brouillent, voire explosent (phénomène de blurring), avec un temps quotidien considérable d’utilisation des emails (5,4 heures par jour pour les cadres français) et plus globalement des nouvelles technologies ;
- pratiquer l’attention réciproque : l’amélioration de la QVT sera d’autant plus facilement activable avec efficacité si on est en capacité de coopérer. Cela démarre par l’adoption d’une posture permettant de s’intéresser et de comprendre les conditions de travail d’autrui ; ce qui nécessite de la bienveillance, une valeur qui, pratiquée au quotidien, change radicalement ce quotidien et les relations interpersonnelles.
Bien entendu,l’organisation est coresponsable de l’efficacité de la plupart de ces actions. Mais nous réinsistons sur l’idée que l’impulsion peut aussi venir de l’individu en espérant de potentiels phénomènes d’entrainement et de contagion.
Le principe de base de l’impulsion individuelle étant qu’il est plus efficace et motivant d’agir sur ce qui est à notre portée plutôt que d’attendre hypothétiquement des améliorations issues de la responsabilité collective. La pire des positions étant, de notre point de vue, celle de placer l’individu – ou que l’individu se place lui-même – en tant que consommateur de meilleures conditions de travail à lui fournir par le dirigeant, la fonction RH et à négocier par les IRP. A ce sujet, l’ANI invite à une posture qui va dans le bon sens puisqu’il est question de faire participer les salariés au diagnostic et à l’amélioration de la QVT. Cependant, dans le cas de l’ANI, qui résulte de la négociation entre les partenaires sociaux, la logique d’impulsion est avant tout celle de l’institutionnalisation.
Nous allons donc plus loin sur laqvt.fr (2) pour appeler chacune et chacun dans l’organisation à s’emparer du sujet sans attendre une hypothétique institutionnalisation en local qui, il faut bien le constater, tarde à se manifester.
Nous avons mis en ligne le 27 mai dernier la publication “Ma QVT, voilà comment j’en prends soin !” issu des réponses au questionnaire permanent de notre site. Une belle source dans laquelle puiser pour envisager son propre rôle en matière de QVT !
L’expérimentation
Une des idées fortes de l’ANI est l’expérimentation. Evidemment, l’expérimentation réintroduit un principe que l’on a tendance à vouloir effacer dans le monde moderne : celui du droit à l’erreur. Comme déjà indiqué dans le présent article, la QVT est un concept complexe et il est illusoire de penser que l’on pourra améliorer la QVT de manière uniforme sur les sujets et sur les populations, et ceci de manière généralisée dans un processus préconçu et inscrit dans le marbre.
… pardon, j’expérimente !
Dans la mesure où la QVT se heurte à des freins multiples, la technique des petits pas parait la plus astucieuse. Ce qui ne veut pas dire que les pas se font de manière désordonnée et sans coordination. Au-delà des expérimentations qui peuvent être lancées et suivies par les instances appropriées (par exemple un observatoire de la QVT), il faut aussi laisser la place aux expérimentations naissant dans de petits collectifs à l’initiative du manager de proximité ou encore mieux du collectif lui-même.
A l’instar de l’appropriation individuelle, un collectif peut se mobiliser de manière coopérative pour agir sur telle(s) ou telle(s) dimension(s) de la QVT. Il peut aussi faire entrer la QVT dans l’ADN de l’équipe, à savoir introduire l’objectif de QVT dans les décisions opérationnelles.
Appeler Molière et Monsieur Jourdain à la rescousse
Si la QVT est un concept récent, beaucoup d’organisations ne sont pas vierges d’actions visant à favoriser le bien-être de l’individu au travail en conjugaison de la performance ; et ce depuis de nombreuses années. Seulement, elles ne sont pas labellisées “QVT”.
On en faisait déjà de la QVT ! Dingue, non ?
Alors, déjà, il peut être intéressant de recenser les bonnes pratiques au sein de l’organisation, de l’équipe ; ce qui constitue le gros avantage de remettre dans la conscience certaines pratiques tellement ancrées dans les habitudes qu’on ne les voit plus ; ce qui fait dire à certain.e.s DRH que les salariés de leur organisation sont des enfants gâtés.
Pour expliquer cela, nous avons présenté le mécanisme d’adaptation hédonique (enseignement de la psychologie positive) en janvier 2013.
Recenser les bonnes pratiques est une action en soi qui permet d’aiguiser nos capacités à l’appréciation et de réévaluer à la hausse notre ressenti de QVT. Ce recensement au présent peut être étendu au passé pour faire resurgir des bonnes pratiques passées qui pourraient à nouveau donner toute leur efficacité si on les remettait au goût du jour
Alors, que fait-on en cette rentrée?
En cette rentrée, nous vous invitons, qui que vous soyez, quelle que soit votre fonction, à vous saisir de la QVT, de votre QVT, de la QVT dans votre équipe et votre organisation, de la QVT en France et de la QVT en lien avec la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE) dans un esprit gagnant-gagnant.
Le déploiement de l’ANI sur la QVT et l’Egalité Professionnelle peine manifestement. Et si tout simplement, c’est votre contribution individuelle ajoutée à tous les autres pionniers de la QVT qui faisaient la différence ? Et déjà, ce sera votre différence : la QVT vous la prenez à pleine main, et vous n’en êtes pas le seul bénéficiaire !
(1) avec les agences régionales (Aract)
(2) et ce depuis la création du site en 2011
photo sous licence creative commons – auteur : Novéquilibres