(Ré)apprendre le B.A.-BA au coeur de la vie au travail

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Après avoir évoqué dans la première partie le B.A.-BA que nous pourrions avoir à (ré)apprendre pour les fonctions vitales, voici maintenant une question qui touche le cœur de la vie au travail : aurions-nous aussi des B.A.-BA à apprendre ou à réapprendre dans la vie au travail ? Nous en sommes convaincus. Nous évoquons brièvement ci-dessous quelques sujets qui mériteraient le développement d’un article pour chacun.

La bienveillance et l’attention

Combien de réunions, d’ateliers, de séances d’intelligence collective, de formations s’ouvrent-ils par jour par la co construction ou l’imposition d’un cadre ? C’est probablement très fréquent. Invariablement, le mot “Bienveillance” apparaît en belle place dans le cadre. Mais s’entend-on sur ce que ce mot recouvre ? Nous vous laissons vous référer à votre propre expérience.

Notre expérience nous fait constater que la bienveillance est entendue de bien des manières sur un continuum allant de : l’intention de ne pas être malveillant jusqu’à la compréhension du mot “bienveillance” en deux partie “bien” et “veillance”. Le mot “bienveillance” écrit sur un paperboard semble faire consensus, alors qu’en réalité la suite de l’événement risque de ne pas fleurer du tout la bienveillance pour certains participants et totalement pour d’autres.

L’idée de “bienveillance” mérite vraiment de s’y arrêter, de partager les représentations, de la conceptualiser collectivement, de la mettre en musique (avec des inévitables tâtonnements), de s’entendre sur les façons de réagir aux dépassements des limites de la bienveillance et de prendre du recul périodiquement pour réajuster la conception. Et puis, comme il y a diversité des conceptions, il faut apprendre, voire réapprendre la conception partagée, ses déclinaisons dans le quotidien, à la cultiver individuellement et collectivement.

Un autre sujet voisin est l’attention et en particulier l’attention portée à autrui (individu ou collectif), à la planète et à soi. L’accélération des rythmes, la dictature de l’urgence, la focalisation exacerbée sur l’atteinte des objectifs, laminent l’attention. Or, l’attention nécessite de prendre du temps et de se placer dans une perspective moyen/long terme. C’est un sujet sur lequel nous avons besoin collectivement et individuellement de (ré)apprendre. Une vision particulière de l’attention est celle que nous développons depuis juin 2017 sur laqvt.fr : l’Attention Réciproque qui invite à l’attention mutuelle, entre individus et entre collectifs. L’AR étant vu comme un préalable et un levier pour la coopération et la mise en oeuvre d’approches gagnant-gagnant.

La gratitude

Pour un certain nombre d’entre nous (voire un nombre certain), la gratitude nous a été inculquée par nos parents, grand-parents et les adultes comme une pratique en premier lieu de politesse, de justice et de conscience juste de l’interdépendance.
La psychologie positive présente la gratitude en tant qu’émotion. Quand elle n’est pas entendue comme une obligation, quand elle est sincère, la gratitude peut être vécue d’abord comme une émotion positive pour soi-même avant d’être exprimée. L’expression de la gratitude portant potentiellement la capacité à donner une émotion positive au bénéficiaire et aussi à l’émetteur ; d’autant plus quand le bénéficiaire accueille positivement et explicitement la gratitude.
En résumé : quand on remercie autrui, on commence déjà par se faire du bien. Nous sommes convaincus qu’il y a de quoi (ré)apprendre avec l’idée de gratitude dans le monde du travail.

L’assertivité (affirmation de soi)

“Ni hérisson, ni paillasson” : voici comment expliquer en quelques mots l’essence de l’assertivité. L’assertivité est peu développée dans le monde du travail. C’est difficile en effet dans un contexte général de chômage, où une culture de la peur de la perte d’emploi existe. Une culture qui se traduit par des comportements explicites de chantage mais aussi par des comportements où l’individu s’impose de lui-même une restriction à sa liberté d’expression et de réaction face à des situations qui ne le satisfont pas, voire qui le mettent en difficulté (en particulier en matière de santé physique, psychique et/ou sociale). Bref, objectif “profil bas” et “ne pas faire de vague”.
L’assertivité est essentielle face à un enjeu crucial en matière de QVT : la fixation des objectifs. Que la décision soit imposée ou qu’elle soit co-construite (c’est bien mieux), l’assertivité permet à l’individu concerné par la décision de se positionner. Elle permet de nourrir la prise de décision en amont quand elle est co-construite et de donner un feedback quand la décision est imposée.

En résumé, l’assertivité permet de dire “Non” (opposition), “Oui, mais” (négociation) et “Oui, et” (feedback constructif). Elle permet aussi d’exprimer un “Oui” car le silence est rarement d’or.

Le déficit d’assertivité fait porter des risques sur la santé psychique de l’individu, notamment parce qu’il peut conduire à l’impuissance solitaire.

Selon nous, l’amélioration significative, généralisée et durable de la QVT se doit de passer par une culture de l’assertivité. Pour nous relier avec le premier fil tiré dans cette section, nous promouvons l’idée de “affirmation de soi bienveillante” permettant d’assurer une double connexion : à soi et à autrui. C’est à la fois un enjeu de QVT mais aussi un enjeu de performance durable afin que les actions et les prises de décision puissent être nourries avec les connaissances, les compétences, les expériences, les perceptions et les aspirations de toutes les actrices et tous les acteurs concernés. La performance durable permettant de répondre au 3ème niveau de connexion : la connexion à la planète. Nous développerons prochainement le sujet de l’assertivité dans un article dédié.

Quelques autres fils tirés brièvement

  • La confiance. Ne nous le cachons pas : nous vivons dans une société de la défiance où caméras, géolocalisation, contrôles, contrôle de gestion se chargent de nous faire rester dans le droit chemin puisque l’idéologie de base dit qu’il n’est possible de faire autrement. Peu importe que des statistiques montrent que les “tricheurs” seraient une très petite minorité. Puisque la confiance n’est pas possible avec quelques individus, notre société adopte la défiance vis-à-vis de tout le monde. La confiance, le droit à l’erreur, l’expérimentation, l’indulgence … et la bienveillance sont un ensemble de valeurs et de pratiques qu’il faut conjuguer pour améliorer la QVT. De quoi (ré)apprendre au niveau collectif et individuel
  • La gentillesse. Il y a déjà de quoi apprendre à ne pas assimiler “gentil” avec “trop gentil” ou “naïf” ou “manque d’autorité” ou carrément “idiot”. Certains pensent que la gentillesse n’a pas de place dans le travail. Nous disons en boutade peu gentille que pour le coup : penser que la gentillesse n’a pas droit de cité est une idiotie. La gentillesse nous fait voir la vie plus belle, les autres plus beaux, nous rend plus beaux et rend les interactions plus saines, plus paisibles avec des impacts positifs sur l’efficacité individuelle et collective.
  • La coopération et l’approche gagnant-gagnant. La coopération s’apprend. Il ne suffit pas de travailler dans une coopérative pour être en coopération. Il ne suffit pas de créer un collectif en arborant le mot “coopération” pour qu’une coopération vive efficacement, respectueuse de chaque individu, de sa réalité, de ses perceptions et de ses aspirations. Une coopération où le projet social et économique ne prenne pas le pas sur la QVT des individus qui y sont engagés.
  • La démocratie. En tant que citoyens français, nous vivons dans un état démocratique et on peut imaginer que beaucoup d’entre-nous sont dans l’ambivalence : d’une part, le sentiment de chance et de fierté d’être citoyen dans une démocratie ; d’autre part, le sentiment que la façon de jouer la démocratie est insatisfaisante, en particulier parce que des élites, souvent loin de la réalité de la vie, décident pour toutes et tous. Combien de citoyens relèvent ce que nous considérons comme une anomalie : pourquoi le monde du travail est-il aussi peu démocratique (à l’exception de l’Economie Sociale et Solidaire, secteur qui aurait cependant des choses à apprendre et nous préciserons notre propos dans la suite de cet article) ? Pourquoi les valeurs de la République Liberté-Egalité-Fraternité se déclinent-elles aussi peu dans le monde du travail ? L’amélioration de la QVT, comme tendance lourde de notre société, ne doit-elle pas passer par plus de démocratie et plus d’apprentissage de la démocratie dans nos organisations ?
  • Les nouvelles technologies de la communication. Au coeur de la vie au travail et des autres sphères, n’oublions pas d’évoquer quantité de dispositifs électroniques et d’outils pour lesquels souvent nous apprenons sur le tas. Un auto-apprentissage à tâtons, plus focalisé sur les dimensions techniques et pragmatiques que sur les aspects méthodologiques, avec une impasse sur les enjeux et les risques.

Nous abordons dans la troisième et dernière partie les types de situations où l’apprentissage se fait ressentir, deux idées fortes de la QVT et la situation particulière du secteur de l’Economie Sociale et Solidaire (ESS)

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