De l’impuissance solitaire à la puissance coopérative – Partie 2

Novéquilibres : De l'impuissance solitaire à la puissance coopérative : Partie 2 - laqvt.fr QVT Qualité de Vie au Travail
Le sentiment d’impuissance dans la sphère du travail d’un individu est dévastateur pour sa santé physique, psychique et sociale. Elle pèse négativement aussi sur la performance de l’organisation qui l’emploie et en terme de santé publique. Améliorer la Qualité de Vie au Travail pose comme enjeu de (re)créer le sentiment de puissance, dans le sens : se sentir à sa place, efficace, à la fois dans une attitude de coopération et d’autodétermination. Cette deuxième partie est consacrée à l’impuissance au travail.

Dans une première partie, nous avons évoqué les concepts d’inhibition de l’action, d’impuissance apprise et de théorie de manque d’espoir ou de désespoir.

L’impuissance facteur de dégradation sur plusieurs plans

Compte-tenu des éléments décrits précédemment sur l’inhibition de l’action, sur l’impuissance apprise et sur la théorie de manque d’espoir et de désespoir, il y a de quoi prendre conscience des dégâts occasionnés par le sentiment d’impuissance chronique dans la vie au travail sur la santé physique, psychique et sociale.

Les impacts sont aussi sur l’efficacité dans le travail. L’impuissance aura d’autant plus d’impact négatif sur l’efficacité qu’elle donne lieu à une forte activité cognitive de focalisation sur l’état d’impuissance (pensées négatives) qui perturbent l’action et peut conduire à un épuisement cognitif.

L’inhibition de l’action face à une situation délétère au travail (harcèlement, impossibilité de réaliser ses objectifs, …) sera d’autant plus forte que la fuite sera difficilement concevable (peur du chômage, orgueil, sens du devoir vis-à-vis des bénéficiaires et clients, …).

Le modèle de Karasek utilisé pour le stress au travail met en évidence le job strain, une configuration de conditions de travail où le niveau d’exigences est élevé et le niveau d’autonomie est faible. Une configuration propice au développement de l’impuissance. Elle aggravée avec un déficit de soutien social, ce qui constitue une transition avec la section suivante.

Facteur aggravant dans l’impuissance : la solitude

L’impuissance sera d’autant plus impactante qu’elle est vécue dans la solitude. En reprenant la théorie de manque d’espoir et de désespoir, il apparaît comme facteur aggravant que la personne se sente la seule en difficulté, alors que dans bon nombre de cas, aussi bien pour les situations de harcèlement que pour les situations de difficultés à atteindre les objectifs assignés, elles ne sont pas isolées dans l’organisation. Loin d’être des cas isolés, ce sont bien des causes structurelles à interroger.

Voici quelques facteurs qui conduisent à la solitude dans l’impuissance :

  • l’accélération des rythmes qui crée un déficit d’attention à autrui
  • le déficit des mécanismes de solidarité (compétition, individualisation des objectifs, poids moins fort des syndicats, …)
  • le contexte de l’emploi défavorable aux salariés et la peur de perdre son emploi
  • la solitude de l’orgueil (ne pas vouloir demander parce qu’on pense pouvoir/devoir se débrouiller et s’en sortir tout seul)
  • la solitude instrumentalisée par le management pour créer la soumission

Henri Laborit a aussi traité le sujet de la dominance et de la soumission. Malheureusement, dans certaines organisations, dans certains modèles de management, on a tendance à penser que l’efficacité s’obtient en ayant des salariés les plus soumis possible. Il est largement temps de comprendre que cette idée de relier performance et soumission est une aberration. Nul doute que dans un contexte économique de plein emploi où les salariés auraient toute facilité à fuir des situations de management par la soumission, ces modes de management disparaîtraient très rapidement.
Au contraire, les organisations qui conçoivent les individus comme des chances, qui prennent soin d’eux, de leur santé, de leurs aspirations seraient attirantes.

Une lutte contre ce qui conduit à l’impuissance

Alors n’attendons pas – en étant optimiste – le plein emploi pour se débarrasser de modèles qui mettent les individus dans l’impuissance, avec toutes les impacts négatifs sur leur santé, et qui sont contre productifs pour l’efficacité.

N’attendons pas pour nous lever le plus nombreux possible face aux modes de management et aux comportements qui créent de l’impuissance, pour les considérer et les déclarer intolérables, pour les bannir.. Il s’agit entre autres :

  • du management par la pression
  • des comportements qualifiables de harcèlement moral, quel qu’en soit l’auteur, sa position et sa performance dans l’organisation
  • du management qui impose les objectifs sans concertation, sans donner les moyens et ne donnant aucune autonomie (sachant que bien souvent dans ce type de contexte, les objectifs sont irréalistes)

Il est aussi nécessaire d’avoir la plus grande vigilance sur les situations où le travail bien fait est empêché. Il s’agit du sujet de la qualité du travail porté depuis quelques années par Yves Clot. Il y a aussi une vigilance pour les contextes où l’accélération des rythmes provoque un déficit d’attention à autrui sans pour autant que le type de management soit délétère. L’Attention Réciproque est une dynamique qui permet de prévenir et de prendre en charge les cas d’impuissance solitaire.

L’enjeu essentiel et vital pour l’individu est de sortir de son isolement quand il est confronté à l’impuissance. C’est une quintuple responsabilité : celle de l’individu dans l’impuissance (et vous comprenez bien que ça lui est difficile, voire impossible s’il n’est pas aidé), celle des personnes qui l’entourent dans ses différentes sphères de vie quand elles prennent attention aux symptômes, celle de l’organisation, celle des consommateurs ou bénéficiaires quand ils ont connaissance du caractère délétère des conditions de travail et des politiques pour concevoir une société et réglementer dans un sens qui protège l’individu et assure son épanouissement au travail.

En se rappelant les enseignements des expériences d’Henri Laborit : les deux réactions les plus protectrices pour l’individu sont la fuite ou le combat.

La troisième et dernière partie de cet article est consacrée à la puissance coopérative.

(1) en notant que la réaction agressive préserve la santé même si elle ne permet pas d’éliminer la cause de la souffrance et si elle ne soustrait pas à l’événement délétère répétitif

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