Coopération et Compétition
DEUZE !!! Je rebondis sur le propos de notre précédent article PREMS, dans l’optique de rapprocher la notion de compétition de celle de coopération, comme nous l’avions déjà fait avec la QVT et la confiance (voir nos articles Coopération et QVT, et Coopération et confiance). Ces notions sont-elles antinomiques ou bien se nourrissent-elles d’une certaine façon ?
Contexte compétitif
Chantal Petitclerc, athlète paralytique, s’exprimant sur le bonheur sur Radio Canada, se dit très compétitive dans le sens où elle a l’objectif d’aller au bout de sa passion et de son potentiel. Elle explique qu’elle recherche le dépassement de soi, pas des autres. Si un classement est systématiquement fait dans la compétition sportive, qu’elle soit la meilleure n’est pas sa finalité. Elle est une parfaite illustration de la théorie de Mihaly Csikszentmihalyi sur l’état de flux(1).
Néanmoins, même si l’on en reste au potentiel physique, on peut penser que le fait de mesurer son effort à l’aune des capacités d’autrui renforce la stimulation résultant du dépassement de sa propre résistance.
Contexte coopératif
De même que dans un contexte compétitif, si la bienveillance est de mise, un esprit de compétition peut être positivement stimulant. La coopération n’encourage-t-elle pas une part de compétition (dans le sens où chaque coopérant cherche à donner le meilleur de lui-même pour participer à la production collective), associée à la capacité de s’effacer au profit d’un autre pour le bénéfice de la finalité de la coopération ? Joël de Rosnay partant de la complexité du monde dans lequel nous évoluons évoque la société du “et” avec la nécessité de la complémentarité, d’où la notion de coopétition, une coopération compétitive entre organisations où on se respecte mutuellement. Or, il faut reconnaître que bien souvent nous sommes dans une société du “et”, où le clonage de ce qui se vend bien ou des profils classiquement performants rassure.
Compétition et compétitivité
Bienveillance et respect sont alors en effet des prérequis indispensables pour que la compétition conserve sa qualité de saine émulation. La compétition devient au contraire décourageante, voire néfaste lorsqu’elle est acharnée. En ce cas, plutôt que de chercher à prendre le pouvoir, mieux vaut innover au lieu de s’escrimer à se surpasser dans un domaine où l’on ne fait pas autorité. Autrement dit, mieux vaut faire autre chose plutôt que faire davantage de la même chose dans une course effrénée au superlatif.
Dans la théorie anthropologique de René Girard, l’homme va naturellement vers une rivalité mimétique, mais son besoin de différenciation et d’équilibre social induit une violence victimaire(2). Voilà qui donne à réfléchir sur le bien-fondé de l’encouragement à la compétition, qu’il soit implicite ou explicite, et que ce soit à l’école, dans les organisations ou à l’échelle d’une nation.
Quant à innover, facile à dire me direz-vous, lorsque toute une stratégie est lancée à bloc et que le changement de cap ébranle les fragilités. Une certaine souplesse est pourtant de rigueur pour faire face à l’incertitude ambiante dont tous les facteurs ne sont pas maîtrisables. À quel moment la persévérance doit elle laisser la place au changement de cap ? Probablement lorsque le changement de cap est lui-même synonyme de persévérance. En ce cas, le changement de type 2(3) décrit par Paul Watzlawick est bien nécessaire. Et pour viser la qualité de vie au travail, la dynamique entre responsabilité individuelle et collective est encore de mise afin que l’évolution nécessaire du contexte soit rendue possible dans l’organisation.
Coopérer pour changer…
… et pourquoi pas pour être compétitif !
À partir du moment où il y a du collectif, il y a de l’autre, et chacun a à faire avec cet autre. Est-ce le fait d’être meilleur que l’autre qui prime ? Vaut-il mieux être seul au sommet ou avoir des interactions avec d’autres en vue d’atteindre un objectif ? Que fait-on du haut de son excellence(4) ? Interagir se résume-t-il à se contredire, ou bien de prendre conscience du bénéfice des différences ? Les cultiver, les utiliser produit de l’assurance. Les confronter dans un esprit d’ouverture produit du travail, de la créativité, une ouverture au changement, celui qui est susceptible de mener à des solutions. Dans un groupe de codéveloppement professionnel(5) par exemple, la singularité de chaque situation exposée est bien claire (la compétition n’est pas en jeu), et c’est bien la divergence des points de vue qui importe (enjeu de la coopération). La promotion de la qualité de vie au travail alliée à une performance durable passe par celle de la coopération !
(1) … où l’engagement et la performance maximum sont au service d’un défi (néanmoins compatible à son niveau d’aptitude)
(2) … où une catégorie sociale est sacrifiée pour maintenir l’unité de l’ensemble.
(3) … où c’est le système de référence que l’on change pour réellement innover
(4) cf notre article J’exècre l’excellence
(5) cf notre article Le groupe de codéveloppement professionnel au service de la qvt
photo sous licence creative commons – auteur : Klearchos Kapoutsis