Le petit bonheur de Colchique
Dans la rubrique des petits bonheurs au travail, Colchique nous fait part d’une expérience de travail d’équipe pourvoyeuse de qualité de vie au travail, tant quant au contenu de son travail que sur les interactions avec son environnement (dont son environnement humain mais pas seulement).
Un projet stimulant
Je travaillais dans une société de services informatiques. Au début des années 90, j’ai été détachée avec trois collègues sur le site d’un client en région parisienne pour concevoir une application. Un forfait de plusieurs mois avait été négocié pour ce projet. Pour compléter l’équipe, nous avions eu recours à deux intervenants extérieurs expérimentés, les contraintes matérielles et ergonomiques imposées promettant un beau travail de recherche.
Nous étions très confortablement installés pour travailler, rassemblés dans un grand bureau dont un pan vitré révélait l’emplacement exceptionnel du bâtiment situé dans un parc. Nous avions une vue directe sur un environnement naturel, une verdure abondante, une petite mare où se retrouvaient régulièrement les oiseaux du bois, et il me semble des lapins… mais je brode peut-être un peu en reconstituant mes souvenirs !
Très vite, nous nous sommes organisés selon notre degré de connivence professionnelle et relationnelle.
L’un des intervenants extérieurs, Zébulon, a pris naturellement les commandes de la partie la plus délicate, la conception générale pilotant la programmation du recueil, de l’organisation puis de la mise à jour des données. Il avait beaucoup d’expérience, de créativité, beaucoup d’humour et aussi la capacité et l’envie de dialoguer professionnellement. Etant la deuxième plus experte de l’équipe, j’ai très vite trouvé ma place en lui proposant d’explorer les possibilités techniques du logiciel et des pistes de conception évoquées par l’un d’entre nous. Parfois j’explorais par curiosité une fonctionnalité que je ne connaissais pas, et elle nous révélait – ou non – une nouvelle perspective dans la conception du produit.
Lorsque je creusais une piste, je plongeais dans la documentation du logiciel réputé innovant à l’époque, pour tricoter avec les fonctionnalités avancées proposées. Nous poussions parfois les capacités du logiciel dans ses limites puisque certaines fonctionnalités se révélaient inutilisables en pratique. D’autre part, je retrouvais un peu la même sensation que certains de mes travaux scolaires bien antérieurs, lorsque je voyageais dans le dictionnaire encyclopédique familial (vingt volumes) pour creuser un sujet.
Nos choix avaient des conséquences sur le travail de l’autre partie de l’équipe qui prenait plutôt en charge la consultation des données par les différents futurs utilisateurs. Nous en avions le souci. Et c’était très pratique d’être dans la même pièce car tout le monde participait à l’évolution du projet, était en capacité d’évoquer une contrainte, celle-ci remettant en question la piste choisie initialement, ou étant elle-même remise en question évoluant vers une autre solution. C’était possible car s’il y avait des niveaux de compétence différents, les liens hiérarchiques s’étaient aplanis. Aucune arrogance n’était présente, pas de chasse gardée non plus, des apprentissages mutuels incessants, une bonne ambiance entre nous. Je me souviens d’un moment de déception collective lorsque Zébulon et moi avons décidé d’abandonner une piste. Toute l’équipe est allée chercher un café et nous avons silencieusement profité de la vue de notre bureau, avant de nous jeter des regards d’autodérision et de reprendre notre bâton de “geek” !
De fil en aiguille, on est venu à bout de ce projet, assez fiers de nous-mêmes et satisfaits d’avoir élevé notre niveau d’expertise en terme technique comme en terme de fonctionnement d’équipe. Cela fait partie de mes très bons souvenirs professionnels.
Bonheur du travail vivant
En évoquant ce souvenir, Colchique a souligné l’importance du travail humain. Celui qui consiste à se frotter à la réalité du terrain, à rechercher l’outil adéquat, à prendre des initiatives qui paraissent prometteuses, quitte à les remettre en question.
Elle souligne aussi les bénéfices incontestables de la bienveillance d’une équipe soudée, stimulante et sécurisante à la fois. Grâce à cette intelligence relationnelle collective, elle a apprécié d’avoir pu user, en confiance, d’une liberté à la hauteur de sa compétence. Le souci prégnant de partager la compréhension dans l’équipe a permis à chacun d’évoluer par rapport à son niveau antérieur.
Son environnement de travail a sûrement joué un rôle favorable. Elle souligne l’intérêt de la proximité physique de ses collègues, dans un bureau spacieux avec une vue clairement propice à la pause méditation ressourçante. Précisons qu’à l’époque (il y a 20 ans), les smartphones n’existaient pas, et même l’usage de la messagerie électronique restait confidentiel… voilà qui laissait la place au dialogue sur un même sujet en continu !
Finalement Colchique éprouve encore aujourd’hui un sentiment de satisfaction quant au travail réalisé par elle-même comme par l’équipe, et ce sur la durée du projet. Plutôt que de focaliser sur l’objectif final, profiter du chemin est primordial dans la recherche du bonheur (qui n’est pas interdit au travail !).
photo sous licence creative commons – auteur : Martin Sharman