Notre pratique de la QVT dans les décisions stratégiques et opérationnelles

Novéquilibres : Notre pratique de la QVT dans les décisions stratégiques et opérationnelles
laqvt.fr est actuellement associé à l’élaboration d’un manifeste sur la Qualité de Vie au Travail (nous consacrerons prochainement un article à ce manifeste quand il sera finalisé). Nous nous saisissons de l’opportunité d’un événément ou plutôt d’un non événement de la semaine dernière pour illustrer un élément central de ce manifeste : placer la QVT en priorité dans les décisions stratégiques et opérationnelles.

Le point de départ, à la fois un événement et un non événement

Voici probablement ce qui constituera la section la plus courte de tous les articles publiés à ce jour sur laqvt.fr : nous n’avons pas publié d’article de fond la semaine dernière.

La pratique de la QVT dans une décision opérationnelle

Mardi dernier avait lieu la réunion du comité éditorial de laqvt.fr
Nous avons constaté que l’article prévu pour publication le lendemain n’était pas prêt. Nous avons envisagé pendant une minute (presque montre en main) le scénario d’une publication décalée de deux jours. Mais très rapidement, nous avons activé un automatisme qui est assez peu courant dans le monde du travail : nous avons lâché l’objectif pour ne pas mettre une pression inutile sur les personnes concernées à savoir : la personne qui rédige, celle qui relit, celle qui publie et relaie sur les réseaux sociaux.

Souvent, il suffit d’amener sur la table l’idée de lâcher un objectif pour qu’elle devienne l’évidence

J’insiste sur la notion d’automatisme car, pour l’avoir acquis depuis plusieurs années dans mes différentes sphères de vie, j’ai pu constater à de maintes reprises dans des décisions collectives auxquelles j’ai été associé qu’il n’est pas répandu. Il m’a suffit d’évoquer l’alternative consistant à lâcher l’objectif opérationnel du moment, de débattre des impacts réels pour que la décision devienne évidence. Et je précise que très souvent les débats n’ont pas été longs. J’ai constaté dans la plupart des cas que l’idée de lâcher l’objectif ne venant pas spontanément sur la table, il suffisait de l’amener pour qu’elle rallie à elle toutes les personnes présentes.

Les rares fois où il y a eu besoin de convaincre, j’ai appliqué une technique qui m’a été inspirée des thérapies comportementales et cognitives (TCC) : la technique de la flèche descendante. Il s’agit de dérouler le scénario des potentielles conséquences négatives. Il peut être intéressant d’aller explorer le scénario du pire.

Appliquons-le à la décision de ne pas publier un article la semaine dernière : quelles sont les conséquences négatives ? Les abonné·e·s de laqvt.fr ne verront pas de courrier électronique arriver dans leur boite cette semaine. D’abord, vont-ils s’en apercevoir ? Probablement pas. Est-ce que ça va leur manquer ? Bien sûr que non. En réalité, nous ne pouvons pas imaginer une seule seconde que l’absence de publication pendant une semaine d’un article puisse avoir cet effet.

Je vous imagine dire à la lecture de cet exemple qu’il est facile de prendre une telle décision parce que l’enjeu n’est pas d’importance et que dans le monde du travail, en moyenne, les enjeux sont beaucoup plus importants. C’est à raison de le dire car effectivement il y a des décisions opérationnelles qui concernent des enjeux d’importance, voire vitaux.
Néanmoins, il est incontestable que nous pouvons constater fréquemment autour de nous des situations où l’on surjoue les enjeux, que l’on soit le décideur ou un acteur d’une décision prise par autrui. Je donne quelques exemples :

  • mon chef – ma cheffe – m’a demandé de boucler d’urgence (une urgence de plus) un dossier et de lui déposer sur son bureau avant la fin de la journée. J’ai dû partir plus tard et il a fallu que je trouve une solution d’urgence (là-aussi) pour que mes enfants puissent être récupérés à l’école. C’était il y a deux jours et il·elle n’a toujours pas touché au dossier qui est maintenant en-dessous d’une pile.
  • Je me suis fixé l’objectif de répondre par email à mon client dans la journée. Il est 23 heures et je viens de l’envoyer. Ca lui montre que je suis réactif. Je vais manger quelques chips devant la télé avant d’aller me coucher. Il me rappelle 3 jours après en me faisant une réflexion mi-figue mi-raisin à propos de l’heure tardive d’envoi de mon email.
  • Je suis malade, j’ai la grippe. Mais je dois aller au boulot parce que j’ai plusieurs dossiers sur le feu. Et j’ai peur d’être mal vu. J’ai tenu deux jours, un peu comme un zombie et finalement j’ai dû être arrêté pendant une semaine. A mon retour des collègues m’ont fait des remarques acerbes me reprochant de les avoir contaminés.
  • Je suis en vacances. Un de mes collègues m’appelle pour un coup de main. Ca se reproduit plusieurs fois. Au bout d’un moment, mon conjoint me fixe un ultimatum : éteindre le téléphone ou le divorce. Au début, c’est un peu dur. Et puis j’oublie mes collègues. J’oublie que je suis indispensable. Il s’avère que mon collègue, plutôt que de prendre un peu de temps pour chercher les informations qui lui manquent trouve plus facile de me les demander par téléphone. A partir du moment où j’ai été aux abonnés absents, il a pris le temps nécessaire pour les trouver en toute autonomie.
Intégrer la QVT dans les enjeux

Le conseil est donc, quelle que soit l’importance de la décision, de se poser la question :
Ne suis-je (sommes-nous) pas en train de surjouer les enjeux ?».

Pour ne pas surjouer les enjeux, il faut y intégrer la QVT des personnes concernées par la décision.

Voici comment décliner ce principe :

  • je prends une décision vis-à-vis de mon client (le fameux client-roi) : c’est quoi l’impact sur ma QVT ? C’est quoi l’impact sur les autres personnes que cette décision engage ? Est-ce qu’il n’y a pas un peu d’orgueil mal placé dans mes motivations à l’action ? Suis-je dans le juste ou dans le trop ? Suis-je en train d’appliquer les deux principes qui étaient inscrits sur le temple de Delphes : “Connais-toi toi même” et “Rien de trop” ?
  • nous prenons une décision collective : Quelle est la réalité du travail de chacun·e en ce moment et la charge à venir ? Quel est l’état de santé de chacun·e ? Comment chacun·e perçoit sa réalité ? Quelles sont les aspirations de chacun·e ? Quels pourraient être les impacts de la décision sur la QVT de chacun·e ? Je signale que les quatre premières questions constituent le cœur de l’Attention Réciproque.

La pratique de la QVT dans une décision stratégique

Dans l’histoire de laqvt.fr nous avons été amenés à prendre une décision stratégique portant sur le même type de considération que celle évoquée en illustration de la décision opérationnelle.

“Se donner les moyens de ses ambitions”, un principe clé de la QVT

Après plus de deux ans de publication sur laqvt.fr, à raison de deux articles de fond par semaine, nous avons constaté que nous commencions à avoir des difficultés à assurer le rythme de publication. Nous aurions pu continuer encore quelques mois à ce rythme. Mais, congruence et Attention Réciproque obligent, nous avons mis ce sujet sur la table dés lors que ce constat a été fait. Je précise que c’est notre culture propre de la QVT qui nous a permis d’avoir cette juste conscience à partir de signaux faibles et de nous saisir alors immédiatement du sujet.
S’offraient alors à nous deux stratégies découlant d’un principe inscrit dans l’ADN de laqvt.fr : “Se donner les moyens de ses ambitions” :

  • La première consiste à maintenir notre ambition de deux articles de fond par semaine et de trouver des moyens supplémentaires. Soit solliciter d’autres rédacteurs bénévoles pour enrichir notre équipe, elle-même bénévole ; soit, trouver des moyens financiers qui nous permettraient de rémunérer en partie l’équipe et aussi de nouveaux rédacteurs.
  • L’autre stratégie est de réduire les ambitions : nous avons envisagé de passer à une publication d’article de fond par semaine au lieu de deux, ce qui n’est pas une mince décision non plus.

Nous avons choisi la deuxième option, très tranquillement, là aussi en essayant de ne pas surjouer les enjeux sur les réactions que pourraient avoir nos abonnés à cette baisse de fréquence des publications. J’ajoute en passant qu’une fois la décision prise, nous n’avons pas eu de réactions négatives tout au long des semaines qui ont suivi. Nous n’avons pas non plus communiqué sur ce changement parce que nous avons considéré que cela ne constituait pas un changement majeur pour les abonnés (en rappelant que les contenus ne sont pas payants, ce qui constitue bien évidemment un élément important dans la prise de décision).

Il est possible que la décision de réduire une ambition vous semble une solution de facilité, la manifestation d’un manque d’ambition, d’un manque de persévérance ou d’une tendance à la procrastination ? En fait, il s’agit d’une question de récurrence : s’il s’agit à toute occasion de réviser les ambitions à la baisse, effectivement il y a peut-être un tel phénomène sous-jacent. S’il s’agit d’une exception à la règle, c’est une stratégie dans sa boite à outils des stratégies possibles face à une prise de décision.
Réduire une ambition s’avère largement plus intéressante que de maintenir une ambition dont tout le monde sait qu’elle est irréaliste, créant surengagement et/ou sous-engagement, pour au bout du compte ne pas la concrétiser et mettre chaque personne impliquée dans le constat d’un échec. Un échec pour lequel il sera peut-être question alors d’aller rechercher des responsables voire des coupables. A contrario, réduire l’ambition, la rendre atteignable et l’atteindre donnera capacité à se sentir fier de son travail et à avoir su adapter intelligemment l’objectif à temps, sans mettre en surpression inutile les personnes concernées.

Par ces deux illustrations, nous voulons montrer que mettre la QVT dans les décisions est à la fois simple et compliqué :

  • Elle est simple car une fois qu’elle devient un automatisme, on s’aperçoit qu’elle apporte de la fluidité et qu’elle fait apparaître des solutions évidentes qui ne viennent pas à l’esprit quand l’enjeu ne considère pas les individus impliqués dans la réalisation de la décision.
  • Elle est compliquée car elle n’est pas naturelle dans le monde du travail d’aujourd’hui; d’où le besoin d’en faire l’apprentissage avec persévérance avant que cela devienne un automatisme qui s’avère servir des décisions gagnant-gagnant, dans le sens où tous les acteurs concernés par la décision font l’objet d’une attention, et dans le sens où elle apporte bien-être psychique et efficacité durable.

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(1) j’occulte une troisième non QVT qui aurait été de reculer une décision

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Olivier Hoeffel

Responsable éditorial de laqvt.fr Auteur des blogs lesverbesdubonheur.fr et autourdelabienveillance.fr

Une réflexion sur “Notre pratique de la QVT dans les décisions stratégiques et opérationnelles

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