La QVT des sous-traitants

Novéquilibres : La QVT des sous-traitants

A l’occasion du séminaire de l’Observatoire des Cadres (ODC) intitulé “Manager en toute connaissance d’impacts” le 20 avril dernier, j’ai pu approfondir des aspects systémiques et panoramiques concernant la qualité de vie au travail (QVT) et la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Le Journal Officiel a publié fin mars une loi sur laquelle on peut désormais s’appuyer pour éviter la dilution des responsabilités sociétales dans la justification d’une performance économique des maisons mères et donneuses d’ordre. 

 

Responsabilités

Le lien entre la qualité de vie au travail (QVT) et la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) existe à plusieurs niveaux :

  • Au niveau de l’organisation stricto sensu : la QVT des salariés résulte de la combinaison de la responsabilité des salariés (individuellement et collectivement) et celle de l’organisation.
  • Au niveau des parties prenantes de l’organisation : la QVT des fournisseurs, sous-traitants, partenaires articule les responsabilités des individus et de chacune de ces organisations. La responsabilité de l’organisation donneuse d’ordre n’est pas en reste dans ce domaine non plus. La QVT des clients ou usagers est aussi à considérer : par exemple une entreprise de transport qui entretient les moyens de transport comme la QVT de ses salariés, influe positivement sur la QVT des usagers.

Rappelons que le lien entre QVT et RSE est explicite dans l’article 1 de l’ANI vers une politique d’amélioration de la Qualité de Vie au Travail et de l’Egalité Professionnelle puisqu’il définit la QVT comme “un des éléments constitutifs d’une responsabilité sociale d’entreprise assumée”. Assumons !

 

Devoir de vigilance

Institué par la loi du 21 février 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre, le devoir de vigilance concerne les entreprises de plus de 5000 salariés (filiales comprises) dont le siège est en France, et celles de plus de 10 000 salariés dont le siège est à l’étranger. Elles doivent établir, mettre en œuvre et rendre public un plan de vigilance :

“… Le plan comporte les mesures de vigilance raisonnable propres à identifier les risques et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l’environnement, résultant des activités de la société et de celles des sociétés qu’elle contrôle au sens du II de l’article L. 233-16, directement ou indirectement, ainsi que des activités des sous-traitants ou fournisseurs avec lesquels est entretenue une relation commerciale établie, lorsque ces activités sont rattachées à cette relation…”

Les obligations comportent également une cartographie initiale, des évaluations régulières, les actions d’atténuation et de prévention, un mécanisme d’alerte et de signalement des risques, le suivi et l’évaluation d’efficacité des mesures mises en œuvre. Un juge peut être saisi en cas de manquements à ces obligations.

Magali Benoit, secrétaire générale FGMM-CFDT et forte notamment de son expérience auprès de sous-traitants dans le secteur nucléaire, a exposé lors du séminaire de l’ODC l’initiative du projet “sous-traitance responsable” qu’elle a mené en faveur de salariés “qui participent à la même production et ne bénéficient pas des mêmes droits” (par exemple pas d’accès aux salles de repos, plus grande exposition et moindre protection aux risques liés au conditions de travail ou à l’emploi,…). Elle énonce les caractéristiques du dialogue social issues de son expérience sur ce sujet :

Les principaux leviers d’action :

  • La loi relative au devoir de vigilance oblige les uns (et donne l’idée aux autres) d’élaborer des plans de vigilance incluant pour les sous-traitants une rémunération juste, des horaires décents, des conditions de travail sécurisées, le respect du droit syndical local, la lutte contre la corruption, …
  • L’accès de la Base de Données Economiques et Sociales (BDES) aux instances représentatives, et la consultation obligatoire du CE par l’employeur sur les questions d’orientation stratégiques et leurs conséquences (loi Rebsamen) permettent également d’aborder la sous-traitance.
  • la présence de représentants des salariés au Conseil d’Administration (loi sur la sécurisation de l’emploi) permet aussi d’intervenir dans cet organe stratégique.
  • Négocier des accords de sous-traitance responsable en statuant sur le respect des droits des salariés sous-traitants (suivi médical, garantie sur la reconnaissance de la pénibilité,…)
  • Intégrer des clauses sociales et responsables dans les accords commerciaux et suivre les achats(*).

Les principaux freins rencontrés :

  • la sous-traitance en cascade
  • le turnover élevé
  • les cadres jusqu’ici témoins et impuissants (70% des cadres répondants à l’enquête “Parlons travail” disent souffrir d’un manque d’autonomie et d’une marge de manœuvre faible). laqvt.fr a consacré une brève à cette enquête.

Stratégie d’action :

  • Obtenir des engagements au moins sur 3 ans pour pallier les effets du turnover
  • Agir en coopération sur le territoire (la loi Travail permet de négocier des accords inter-entreprises).
  • Créer une coordination syndicale de site (donneur d’ordre + sous-traitants) pour créer du lien et de la solidarité entre les salariés
  • Articuler les revendications entre le territoire et la filière par des accords inter-branches

Santé, bien vivre, bien travailler ensemble, en sécurité, ressentir du respect, de la reconnaissance, avoir des liens de qualité et décloisonnés avec ses collègues, une autonomie et une capacité d’agir, sont autant de critères de qualité de vie au travail à mettre en œuvre de façon panoramique.

Dans un prochain article, je développerai la vision de la performance qui permet d’intégrer des éléments de RSE et de QVT de façon panoramique et systémique.
(*) Cf norme ISO 24000 sur les achats responsables
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photo sous licence creative commons – auteur : Dos Manos

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