A corps perdu, accord perdu…

Novéquilibres : A corps perdu, accord perdu…
Que représente le corps dans le monde du travail ? La structure physique du salarié, une image, le bien être, un outil de production, un élément dans un groupe, une place occupée dans un bureau… Autant de déclinaisons d’un corps objet bien loin de la dimension corporelle.

Le corps parfait

La société actuelle nous impose de donner une image parfaite du corps, et la posture digne au travail est le dos raide et l’abdomen rentré. Ken et Barbie (j’en parle déjà dans : Faire du sport au boulot !) sont les modèles de référence avec la colonne droite et le ventre plat, sauf que ce sont des figurines en plastique et que l’être humain lui a une colonne vertébrale avec des creux des courbes et des voûtes. L’apparence physique est l’un des motifs de discrimination les plus fréquents, et cependant les moins dénoncés. Pourtant il est puni par la loi du 16 septembre 2001. Il vaut mieux être beau, mais pas trop non plus, plutôt svelte et grand :

  • Beau ou moche : Hélène Garner-Moyer, chercheuse en sciences de gestion de la diversité à l’Université Paris I, a fait le test. Elle a envoyé 700 CV, dont la moitié accompagnés d’une photo disgracieuse. A compétences égales, la candidate la moins gâtée par la nature a reçu 16% de réponses positives contre 42% pour la jolie candidate. Être trop beau peut aussi désavantager, une femme sera assimilée à la blonde futile, et l’homme perçu comme dangereux.
  • Svelte ou gros : Une étude nationale d’un chercheur toulousain Jean-Pierre Poulain, dénonce la discrimination à l’embauche des personnes obèses. Un phénomène parfaitement connu aux États-Unis où l’obésité frappe près d’un adulte sur trois, mais beaucoup plus récent en France. Quelque soit le pays, plus on grossit, plus la chance de réussir maigrit. La sveltesse est synonyme de santé et rassure.
  • Grand ou petit : Un article publié dans la revue de l’Insee « Economie et statistiques » montre que les cadres sont plus grands. On leur donne plus de responsabilités parce qu’ils dominent la foule et se font mieux entendre. Le salaire serait même supérieur de 6% lorsqu’un homme mesure plus de 1,80 m. Pourtant Napoléon ne s’en est pas mal sorti sur le plan de l’autorité et il n’était pas bien grand…

Le corps contraint

Soumis au jugement social, c’est l’aliénation du corps dans le travail et dans le sport qui domine.

  • Au travail le corps maîtrisé permet à certains d’affirmer leur toute puissance, alors que d’autres sont transformés en puissance de rendement et deviennent des machines à faire des opérations automatisées commandé par l’émission et la réception des messages. L’humain robotisé a des gestes mécanisés et répétitifs qui conduisent aux TMS (Troubles Musculo Squelettiques) et sont responsables de nombreux arrêts de travail. L’accélération des rythmes, le manque de temps et la surcharge de travail vont augmenter les risques de tensions corporelles (Olivier Hoeffel nous alerte sur le danger de se perdre de vue dans son article du plaisir au burnout).
  • Le sport en haute compétition contribue à renforcer ce fonctionnement avec l’exploitation des attitudes psychomotrices pour une performance maximale. Le sportif du dimanche ne va pas dans ces extrêmes, mais il est conditionné à aller dans une culture du corps exacerbée.

Au travail comme au sport c’est le même schéma avec comme point commun la compétitivité et l’importance du bien-être par la force.

Corps en accords

La dimension corporelle va beaucoup plus loin que le corps lui même, ce n’est pas seulement s’assurer une maîtrise ou affirmer sa puissance, c’est la conscience même de l’unité corps/mental.

Vivre son corps, c’est s’en servir comme indicateur pour découvrir ses messages, ses faiblesses ou découvrir sa servitude pour rester bienveillant envers lui sans aller au delà de ses limites. C’est en lui et par lui que l’on peut sentir, désirer, agir, s’exprimer et créer, et nous ouvrir à la présence corporelle d’autrui, du monde pour être présent à soi-même et aux autres.

Céline Bou Sejean dans son article la danse du travail nous parle de la création du chorégraphe Philippe Jamet qui propose par le corps dansant une exploration culturelle, artistique, poétique et humaine sur le travail. Le corps en accord pour un mieux vivre est indissociable de la QVT (Qualité de Vie au Travail), et comme a dit Alfred de Musset :

« Je n’appartiens à personne ; quand la pensée veut être libre, le corps doit l’être aussi. »

photo sous licence creative commons – auteur : ezu

Caroline Rome

Caroline ROME est spécialisée dans le sommeil et la vigilance, les rythmes, membre du comité éditorial de laqvt.fr, associée de Novéquilibres, attachée au Centre du Sommeil de l’Hôtel-Dieu à Paris, membre de l'Institut National du Sommeil et de la Vigilance

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