La culture de l’assertivité pour améliorer la QVT (Partie 1)

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Dans l’article récent en 3 parties sur des B.A.-BA à (ré)apprendre, j’ai commencé à évoquer le sujet de l’assertivité (affirmation de soi). En finalisant le dit article avec Caroline Rome, je me suis étonné de ne pas avoir écrit plus tôt sur ce sujet que je trouve tellement central pour l’amélioration de la QVT. Je consacre donc le présent article à argumenter à propos des vertus de l’assertivité (1) pour la QVT et pour l’efficacité individuelle et collective.

AVERTISSEMENT : Cette publication est un article de fond qui nécessite un certain temps pour le lire. Pour celles et ceux qui n’ont que très peu de temps, vous pouvez directement accéder à une infographie résumant mon propos. Accéder à l’infographie sur la culture de l’Assertivité pour améliorer la QVT.

L’assertivité est peu développée dans le monde du travail. C’est difficile en effet dans un contexte général de chômage où une culture de la peur de la perte d’emploi existe. Une culture qui se traduit par des comportements explicites de chantage et par des comportements où l’individu s’impose de lui-même une restriction à sa liberté d’expression et de réaction face à des situations qui ne le satisfont pas, voire qui le mettent en difficulté (en particulier en matière de santé physique, psychique et/ou sociale). Bref, objectif “profil bas” et “ne pas faire de vague”.

“Ni hérisson, ni paillasson” et autre forme de déficit d’assertivité

Une façon de présenter l’assertivité est de l’aborder via son antithèse. Classiquement, on évoque l’idée du “Ni hérisson, ni paillasson”. Il s’agit de mettre en évidence une forme de tempérance qui éloigne de deux tendances extrêmes :

  • l’attitude égocentrée et revendicative qui se manifeste de manière colérique, énervée, agacée, … et expose sa position, ses attentes, ses exigences exagérément sans considération pour autrui
  • à l’autre bout : l’attitude qui consiste à ne pas vouloir faire de vague qui peut confiner dans certains cas à une forme de lâcheté

Il faut noter que la deuxième attitude peut conduire quelques fois à la première selon le principe bien connu de la goutte d’eau qui fait déborder le vase, ou selon un concept moins connu qui nous vient de l’Analyse Transactionnelle : la collection de timbres. Une réaction qui se joue très souvent de manière disproportionnée par rapport à l’événement.

Au-delà de ces deux tendances opposées, il faut ajouter une troisième forme de non-assertivité : la manipulation. Ce qui me fait compléter le “Ni hérisson, ni paillasson” par “ni renard”.

Assertivité et fixation des objectifs

L’assertivité est essentielle face à un enjeu crucial en matière de QVT : la fixation des objectifs. Que la décision soit imposée ou qu’elle soit co-construite (c’est bien mieux), l’assertivité permet à l’individu concerné par la décision de se positionner. Il s’agit de nourrir la prise de décision en amont quand elle est co-construite ou de donner un feedback quand la décision est imposée. L’assertivité, c’est le pouvoir de dire selon les cas :

  • “Ça n’est pas possible dans ces conditions, et voilà pourquoi … »
  • Il me faut plus de temps (ou de l’aide ou des meilleurs outils ou des moyens financiers ou de la formation) pour réaliser l’objectif »
  • C’est contre mon éthique »
  • Selon moi, on ne va pas dans la bonne direction »
  • Je n’ai plus l’envie qui m’animait avant »
  • Ce n’est pas équitable ! »
  • “Ça menace ma (notre) QVT et on doit au minimum en discuter »
  • Et pour celles et ceux qui sont familiers avec l’acronyme suivant : “L‘objectif n’est pas SMARTe ! »
  • “… »

Les risques du manque d’assertivité sur la santé de l’individu

Le déficit d’assertivité peut conduire à l’impuissance solitaire. Le premier article en référence décrit une diversité de dégâts sur la santé que provoque l’impuissance. C’est clairement un enjeu de santé publique.
Individuellement et collectivement, nous devrions prendre conscience que tout un chacun devrait pouvoir s’exprimer librement ET avec bienveillance à propos de son travail, sur son lieu de travail. C’est un enjeu de santé dans ses trois dimensions : physique, psychique et sociale.

Cultiver l’assertivité ne provoque pas le chaos

L’assertivité permet de dire “Non” (opposition), “Oui, mais” (négociation) et “Oui, et” (feedback constructif). Elle permet aussi d’exprimer un “Oui” car le silence est rarement d’or.
Autant de cas de figure pour lesquels nos organisations devraient cultiver l’assertivité dans une logique gagnant-gagnant, sous peine de multiples risques :

  • par manque d’opposition, le risque de parties prenantes qui abusent de leur pouvoir, qui se mettent à distance de la réalité
  • par manque de négociation, le risque de parties prenantes qui raisonnent selon le principe “La fin justifie les moyens” et selon leur seul intérêt propre
  • par manque de feedbacks constructifs et par excès de visions binaires, le risque de figer des positions, de les présenter comme incompatibles alors qu’elles pourraient s’enrichir mutuellement, de créer des tensions, …

Pour en revenir au sujet des visions binaires, considérer que l’assertivité pourrait provoquer le chaos participe justement à une vision en noir et blanc : soit cadenasser l’expression soit ouvrir la boite de Pandore.

L’ANI du 19 juin 2013 vers une politique d’amélioration de la QVT et de l’Egalité Professionnelle promeut la mise en place d’espaces de discussion et l’expression des salariés sur leurs conditions de travail. On peut y voir une forme d’appel à l’assertivité.

L’assertivité en mode individuel et collectif

L’assertivité et ses deux contraires ne se jouent non seulement dans le cadre de relations interpersonnelles, mais aussi entre :

  • individu et collectif : l’enjeu pour l’individu est de ne pas être oublié par rapport aux attentes du collectif
  • collectif et individu : l’enjeu pour un collectif est de ne pas être oublié par rapport aux exigences d’un individu (par exemple : le dirigeant, le responsable d’équipe)
  • collectif et collectif : un collectif doit une relation suffisamment équilibrée avec un autre collectif dans les cas de relations asymétriques : je pense en particulier à la relation client/fournisseur

Ces différents niveaux d’assertivité sont à la base de la construction d’une coopération juste et durable dans une approche gagnant-gagnant. Elle va de pair avec la culture de l’Attention Réciproque.

L’affirmation de soi bienveillante et une triple reconnexion

Selon nous, l’amélioration de la QVT doit passer notamment par une culture de l’assertivité. Nous promouvons l’idée d’ “affirmation de soi bienveillante” permettant d’assurer une double connexion : à soi et à autrui. La connexion à autrui passe par une Attention Réciproque (dossier phare sur laqvt.fr). C’est un enjeu de QVT et un enjeu de performance durable, afin que les actions et les prises de décision puissent être nourries avec les connaissances, les compétences, les expériences, les perceptions et les aspirations de toutes les actrices et tous les acteurs concernés. La performance durable permet de répondre au 3ème niveau de connexion : la connexion à la planète.

La connexion à soi vise deux objectifs :

  • l’authenticité et le besoin d’être unifié. Dans son livre Eloge du carburateur Matthew Crawford promeut l’idée d’une vision de la vie au travail dite “intégrée”, a contrario d’une vie aux sphères privée et professionnelles co-dépendantes. Dans la vie intégrée, l’individu au travail est lui-même, authentique. Il est dans la cohérence : il dit ce qu’il pense, il fait ce qu’il dit. Il réalise ses vraies aspirations. Il se réalise dans son travail et dans sa vie.
  • la juste conscience de ses besoins physiologiques, psychiques et sociaux. Je pense en particulier à la conscience des comportements en matière d’hygiène de vie (sommeil, rythmes, alimentation, activité physique, détente). Tout cela pour éviter un engagement dans le travail qui se fasse dans l’oubli de soi corporellement et de ses autres sphères de vie (notamment les sphères familiale et amicale). J’y reviendrai en fin de la deuxième partie de l’article

Lien vers la partie 2 de cet article sur l’assertivité. Cette deuxième partie se termine par une infographie de ma conception qui résume mon propos.

(1) L’assertivité expliquée dans wikipedia

Olivier Hoeffel

Responsable éditorial de laqvt.fr Auteur des blogs lesverbesdubonheur.fr et autourdelabienveillance.fr

4 réflexions sur “La culture de l’assertivité pour améliorer la QVT (Partie 1)

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