Fonction Publique : les idées fortes du projet d’accord-cadre sur la QVT

Novéquilibres : L'ANI sur la QVT et l'Egalité Professionnelle
Le projet d’Accord-Cadre sur la Qualité de Vie au Travail (QVT) dans la Fonction Publique daté du 12 janvier 2015 est soumis à la signature des organisations syndicales. Je vous propose quelques idées clés sur ce texte.

Historique

La Qualité de Vie au Travail a été consacrée en France par les partenaires sociaux au niveau national à travers l’Accord National Interprofessionnel vers une politique d’amélioration de la QVT et de l’Egalité Professionnelle du 19 juin 2013.

Dans la Fonction Publique, la QVT a été évoquée en septembre 2013 dans le projet d’accord-cadre sur la prévention des risques psychosociaux. Cet accord-cadre étant présenté comme :

la première étape d’une réflexion plus large et plus approfondie portant sur l’amélioration des conditions de travail et la qualité de vie au travail, …

Les négociations sur la QVT au sein de la Fonction Publique ont démarré le 2 octobre 2014 pour aboutir au projet d’accord-cadre du 12 janvier 2015.

Pour plus de précisions sur l’historique, consultez notre dossier dédié.

Le constat posé dans l’accord-cadre

Voici le constat tel qu’il est exposé en préambule du texte :
Les conditions d’exercice des missions des agents publics, leurs métiers et l’organisation des services ont beaucoup évolué en l’espace d’une décennie. Ces changements, qui découlent du développement de nouvelles technologies, des évolutions des attentes des usagers, de contraintes croissantes (juridiques, budgétaires,…) ont conduit à des pertes de repères et au sentiment d’un éloignement des valeurs fondamentales du service public.
Dans ce contexte, les conditions quotidiennes de travail des agents de la fonction publique sont devenues plus difficiles. Elles se caractérisent par une individualisation croissante du travail, voire un isolement au détriment d’un fonctionnement reposant sur la confiance dans l’expertise des agents et sur la dimension collective du travail au sein des services.”
La question de la confiance y est mentionnée et fera l’objet d’une des idées fortes que je développerai par la suite.

Définition de la QVT

Du point du vue des rédacteurs, dans la mesure où il n’existe pas de définition unique et partagée, une définition de la QVT a été élaborée :

La notion de qualité de vie au travail renvoie à des éléments multiples, qui touchent les agents individuellement comme collectivement et permettent, à travers le choix des modalités de mise en œuvre de l’organisation du travail, de concilier la qualité des conditions de vie et de travail des agents et la qualité du service public.
L’amélioration de la qualité de vie au travail est une démarche qui regroupe toutes les actions permettant d’assurer cette conciliation. Il s’agit d’un processus social concerté permettant d’agir
sur le travail (contenu, organisation, conditions, contexte) à des fins de développement des personnes et des services.”

On retrouve dans cette définition une idée commune avec d’autres textes : la QVT est en effet multiforme. Il s’agit de concilier bien-être et performance.

Cette définition considère l’amélioration de la QVT en tant que processus reposant sur le dialogue social qui touche au cœur du travail.

Quelques idées fortes

Je vous propose de considérer les éléments saillants du projet d’accord-cadre sur la QVT dans la Fonction Publique, de mon point de vue :

Novéquilibres : Quelques idées fortes sur l'ANI QVT EP

  • La QVT n’est pas qu’une question collective. Elle touche les agents à la fois individuellement et collectivement. Nous appuyons évidemment cette idée sur laqvt.fr et au sein de Novéquilibres avec l’idée de la bonne articulation entre la responsabilité individuelle et les responsabilités collectives
  • Incontestablement, améliorer efficacement la QVT s’appuie NECESSAIREMENT sur des attitudes vertueuses (dans le sens où elles créent des cercles vertueux). Le projet d’accord-cadre en souligne deux : la confiance et le respect. A noter que ces deux valeurs ne sont pas à considérer de manière univoque : il faut envisager non seulement la confiance et le respect qui sont dus et attendus, mais aussi la confiance et le respect que l’on doit et que l’on peut donner. Des valeurs à comprendre et à vivre dans la réciprocité
  • De nouveaux droits sont consacrés aux individus au travail :
    • la reconnaissance de l’agent comme acteur de l’organisation de son travail
    • le droit d’expression directe des agents sur le contenu et l’organisation de leur travail
    • le droit au respect de la séparation entre vie personnelle et vie professionnelle
    • le « droit à la déconnexion » de tout moyen de communication et d’information en dehors des heures de service
    • le droit de recours en cas de refus de l’autorisation d’exercer en télétravail
    • le « droit de remords » (possibilité de mettre fin au télétravail à tout moment, sur demande de l’agent ou à l’initiative de l’employeur, sous réserve d’un délai de prévenance)
    • les droits du télétravailleur (les agents télétravailleurs bénéficient des mêmes droits que les agents exerçant leurs fonctions dans les locaux de leur administration)
    • l’accord reconnait le droit à un bon niveau de QVT aussi pour l’encadrement (cf intitulé du thème I.2) consacrant une autre idée que nous promouvons depuis la création du site laqvt.fr : la QVT pour toutes et pour tous
  • L’organisation du travail ne doit pas être l’affaire de quelques uns qui décident, les autres ayant à suivre leurs prescriptions. Le projet d’accord-cadre place l’individu au travail comme acteur de plein droit de l’organisation du travail et de son évolution. Par ailleurs, il doit être reconnu pour cela.
  • Pour pouvoir jouer ce rôle, l’individu au travail doit pouvoir s’exprimer et agir sur son travail. D’où le développement de l’expression directe, sous des formes diverses, y compris celle pouvant préserver l’anonymat. Il ne s’agit pas seulement de développer les espaces d’expression, mais le projet d’accord-cadre demande aussi qu’un écho soit rendu à cette expression.
  • En lien avec le droit d’expression, les agents sont invités sur la base du volontariat à participer à la réflexion et aux évolutions relatives à l’organisation du travail. Il s’agit donc clairement de mettre en place des démarches participatives (Mesure 2).
  • L’axe 2 du texte est consacré aux outils pour mieux articuler vie personnelle et vie professionnelle. Trois leviers sont considérés :
    • Elaboration d’une charte des temps
    • Prise en compte des impacts de l’usage des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC), en introduisant notamment un “droit à la déconnexion” (nous attirons l’attention sur une idée que nous avons développée sur laqvt.fr “la déconnect attitude” qui couple au droit à la déconnexion, le devoir de déconnexion qui renvoie à la part de responsabilité individuelle). Mais il ne s’agit pas d’interroger les TIC seulement par rapport à leurs impacts sur l’articulation des temps; il s’agit aussi de considérer les impacts des TIC sur les conditions d’exercices de la fonction
    • Le télétravail à déployer sous réserve que son organisation puisse être pertinente (posant la question des activités éligibles)
  • La deuxième partie de l’axe 1 consacre deux idées à propos de l’encadrement à travers les deux dimensions de devoir et de droit  :
    • Devoir : les agents en position d’encadrement (quel que soit le niveau dans la hiérarchie) jouent un rôle central dans le développement de la QVT; de ce fait, le texte appelle les employeurs à modifier la culture managériale en conséquence. Il s’agit bel est bien de promouvoir un management respectueux des principes de la QVT, tels qu’ils sont énoncés dans ce texte. (Mesures 6 et 7)
    • Droit : les personnes en position d’encadrement sont aussi bénéficiaires de l’amélioration de leur propre QVT
  • La mesure 8 prévoit l’accompagnement des agents en position d’encadrement (formation, échanges entre pairs et tout dispositif participant au développement des compétences)
  • Le texte renforce les dispositifs permettant d’anticiper les situations de tension  et de soutenir les agents en situation d’agression ou exposés à des risques dans le cadre de relation avec le public (Mesure 4)
  • Le principe du réalisme des objectifs est évoqué à plusieurs reprises dans ce texte et il me parait essentiel de le mettre en évidence puisqu’il ne constitue pas en soi une mesure. Le réalisme apparaît indirectement dans la Mesure 3 – Anticiper les évolutions de l’organisation des services et les accompagner dans son 2ème paragraphe “Cette nouvelle culture repose sur la conduite de projets nécessitant … une connaissance fine des métiers et du fonctionnement des services»; cela constitue en effet un moyen de réduire l’écart délétère entre le travail prescrit et la réalité du travail. Il est évoqué également dans la Mesure 5 relative à l’entretien professionnel :”définition en commun d’objectifs réalistes tenant compte du contexte dans lequel ils devront être atteints». On voit bien les deux clés du succès de ce réalisme : la prise en compte du contexte et la co construction des objectifs.
  • Le texte propose un agenda qui fait espérer qu’il ne s’agit pas d’une opération d’affichage

L’agenda annoncé

Le projet d’accord-cadre inscrit les différentes actions dans un agenda reconstitué ici chronologiquement :

D’ici la fin du premier trimestre 2015 :

  • Liste d’exemples d’indicateurs
  • Groupe de travail sur l’encadrement juridique du télétravail dans la Fonction Publique

D’ici la fin du premier semestre 2015 :

  • Circulaire du Premier Ministre : demande de la mise en place d’espace d’expression, nouveaux droits pour les comités techniques, promotion de dispositifs de soutien aux agents, liste de dispositifs permettant le développement de compétences d’encadrement
  • Référencement et diffusion des pratiques en matière d’expression
  • Guide méthodologique d’évaluation de la QVT
  • Référentiels de formation à l’évaluation et la mise en oeuvre d’un plan d’actions
  • Concernant le télétravail : décret d’application de l’article 133 de la loi n°2012-347 du 12 mars 2012

D’ici la fin de l’année 2015 :

  • Mise en place dans chaque service d’une charte des temps (discutée et négociée au plus près des agents)

Tous les deux ans :

  • Bilan de la charte des temps par le comité technique

Liste des mesures, en bref

Axe I : LE TRAVAIL ET SON ORGANISATION REPOSANT SUR UNE CULTURE DU COLLECTIF DE TRAVAIL

Thème I.1 : Améliorer l’organisation collective du travail en s’appuyant sur l’expertise de tous les agents, y compris les agents en position d’encadrement et reconnaître l’agent comme acteur de l’organisation de son travail

  • Mesure 1 : Définir les modalités de déclinaison de l’accord-cadre et d’évaluation de la qualité de vie au travail
  • Mesure 2 : Mettre en place une démarche participative sur l’organisation collective du travail et organiser l’expression directe des agents sur le contenu et l’organisation du travail
  • Mesure 3 : Anticiper les évolutions de l’organisation des services et les accompagner
  • Mesure 4 : Favoriser la mise en place de dispositifs de prévention des situations de tension en appuyant les cadres de proximité et en réaffirmant le soutien que l’administration doit apporter à ses agents
  • Mesure 5 : Faire de l’entretien professionnel un moment privilégié d’échanges

Thème I.2 : Mieux accompagner les agents en position d’encadrement  pour leur permettre de promouvoir la qualité de vie au travail et d’en bénéficier

  • Mesure 6 : Clarifier la notion d’agent en position d’encadrement
  • Mesure 7 : Clarifier les missions, les objectifs et les priorités des agents en position d’encadrement en leur donnant les marges de manœuvre  nécessaires à l’exercice de leurs responsabilités
  • Mesure 8 : Mettre en place, pour les agents en position d’encadrement, des parcours de formation, des échanges entre pairs et tout dispositif permettant de développer les compétences d’encadrement

Axe II : DES OUTILS POUR MIEUX ARTICULER VIE PERSONNELLE ET VIE PROFESSIONNELLE
Thème II.1 : Elaborer des chartes de gestion du temps et des TIC

  • Mesure 9 : Elaborer, à chaque niveau approprié, une charte de gestion du temps, examinée en comité technique de proximité et en CHSCT, comprenant les sujets TIC et suivre sa mise en œuvre pour fixer et appliquer les principes de gestion des temps

Thème II.2 : Encadrer les modalités particulières d’organisation du télétravail et y recourir quand cette organisation est pertinente

  • Mesure 10 : Encadrer les modalités particulières d’organisation du télétravail pour répondre à un objectif de mieux-être compatible avec les nécessités du service

Retrouvez nos brèves et articles sur la QVT dans la Fonction Publique.

photo sous licence creative commons – auteur : Novéquilibres

Olivier Hoeffel

Responsable éditorial de laqvt.fr Auteur des blogs lesverbesdubonheur.fr et autourdelabienveillance.fr

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