Une rentrée en pleine lumière de la QVT
L’été se termine et toute l’équipe éditoriale de laqvt.fr souhaite qu’il vous ait été profitable pour une rentrée avec tout à la fois la pêche et la banane.
Une excellente nouvelle nous est venue des partenaires sociaux au tout début de l’été puisque le texte de l’ANI (Accord National Interprofessionnel) vers une politique d’amélioration de la QVT (Qualité de Vie Professionnelle) et de l’EG (Egalité Professionnelle) du 19 juin 2013 a été validé le 8 juillet 2013 (du fait de la décision de la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC de le signer).
Après vous avoir présenté quelques idées clés à propos de cet accord dans mon article du 16 juillet “L’ANI sur la QVT et l’Egalité Professionnelle », je vous propose d’évoquer en quoi cet accord a capacité à faire évoluer positivement la QVT en France.
Je rappelle en préambule que cet accord a été construit par les partenaires sociaux à leur seule initiative contrairement aux accords précédents sur le stress d’une part, et le harcèlement et la violence d’autre part pour lesquels ces mêmes partenaires sociaux avaient été invités à décliner au niveau national des accords conclus au niveau européen.
Je rappelle également que les partenaires sociaux se sont saisis du concept de QVT qui jusqu’à alors était flou en France et leur travail commun a aussi permis de mieux en définir les contours.
Invitation à sortir des postures et des fausses idées
Je vous propose deux extraits de l’accord qui donnent bien le ton et les enjeux :
“La compétitivité des entreprises passe notamment par leur capacité à investir et à placer leur confiance dans l’intelligence individuelle et collective pour une efficacité et une qualité du travail. Elle dépend aussi de leur aptitude à conjuguer performances individuelles et collectives dans le cadre du dialogue social. La qualité de vie au travail contribue à cette compétitivité.”
Extrait du préambule, page 1
“Traiter de la qualité de vie au travail et de la conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle, éléments incontournables pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, est un enjeu majeur de progrès social et de performance économique pour les entreprises”
Extrait de l’article 3, page 4
Jusqu’à peu dans les esprits au niveau du management, qualité de vie au travail et performance n’allaient pas de paire, bien au contraire : plus de qualité de vie au travail nuisait à la performance … économique, puisque l’amélioration de la QVT était assimilée à une augmentation des coûts.
Plus de QVT, c’est aussi passer du temps à tous les niveaux pour de la réflexivité sur le travail. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’accélération des rythmes ces dernières années est carrément défavorable à cette réflexivité.
Et pourtant, un vrai tournant est en train de se produire dans la fuite en avant actuelle du “toujours plus, toujours plus vite avec toujours moins” et l’idée selon laquelle la pression sur les salariés les rendrait plus performants.
Non seulement le déficit de niveau de QVT impacte négativement la performance durable (à moyen et long terme), mais il détériore aussi la performance à court terme à travers des coûts qui sont bien souvent masqués (cf mon article du 26 février 2013 “Coup de projecteur sur les coûts de la QVT »). Dans bien des cas, l’organisation cherche à gagner de l’ordre de la décimale dans ses coûts directs alors qu’elle passe à côté de marges de performance très importantes du fait du désengagement des salariés provoqué par un déficit de niveau de QVT.
L’affichage par les partenaires sociaux (dont les représentants des dirigeants) que non seulement la QVT ne se fait pas au détriment de la performance, mais qu’elle y contribue et que c’est un enjeu majeur, constitue donc ce tournant que nous appelions de nos voeux sur laqvt.fr depuis la création du site.
Mais, il ne faut pas s’y tromper : c’est le début du tournant et il faudra du temps pour cette conviction soit partagée au niveau des instances dirigeantes de toutes les organisations, des conseils d’administration et des analystes financiers.
Tu veux ou tu veux pas ?
Cet accord est expérimental pour une durée de 3 ans. Par ailleurs, il ne sera pas fait obligation aux organisations de l’appliquer.
Il est fort compréhensible que certains puissent voir dans ce cadre trop de souplesse et donc considérer cet accord insatisfaisant, incomplet, …
Mon avis est tout autre et n’est pas seulement inspiré par de l’esprit positif : ce cadre souple peut être une chance dans le déploiement réussi de cet accord.
En effet, nous avons bien constaté en quoi les ANI sur le stress d’une part et le harcèlement et la violence d’autre part ont été très peu appliqués par les organisations en France et avec quelles difficultés et tensions entre les parties prenantes.
Ce que sous-tend le présent accord, c’est aussi une nouvelle conception du dialogue social : plus d’expression directe, plus de coopération, plus de confiance. Il me semble que nous pouvons considérer qu’il s’agit de prendre le contre-pied de l’état d’esprit avec lequel les précédents accords ont été abordés dans de nombreux cas : évitement, temporisation, méfiance, stigmatisation et jeu de gagne-terrain.
J’ajoute une dimension essentielle qui commençait à disparaître du paysage du monde du travail : le droit à l’erreur en lien avec la confiance. Il y est fait référence dans l’article 1 : “… un droit à l’erreur accordé à chacun”. A relier à cette question, je signale que cet accord fait la part belle à l’expérimentation, ce qui est par essence, entre autres, une reconnaissance du droit à l’erreur. C’est accepter de ne pas aboutir du premier coup à une solution cohérente et complète pour tout le monde. C’est aussi reconnaître que des sujets peuvent être complexes et qu’ils nécessitent des processus itératifs et participatifs qui assurent au bout du compte des mises en oeuvre plus efficaces, plus adaptés et adaptables avec une meilleure appropriation par chacune et chacun. L’expérimentation est une chance donc pour la QVT en prenant garde de ne pas se réfugier derrière le terme : ce sont les conditions de l’expérimentation et les conditions d’évaluation et de déploiement qui seront prépondérantes.
Il me semble que la question de la QVT a tout intérêt à se traiter de manière apaisée, convaincue et enthousiaste au sein d’une organisation.
Il y aura des pionniers en la matière et ces pionniers donneront envie à d’autres de suivre l’exemple. Ce sera l’objet de mon point suivant : la contagion.
Bienvenue à la contagion
Dans la mesure où cet accord ne sera pas à décliner de manière obligatoire dans les organisations, il est clair que ce qui peut être considéré comme un frein au déploiement doit être compensé par un ensemble de mécanismes alternatifs, où la contagion des bonnes pratiques tiendra un rôle décisif.
Dans son article N°22 page 16, l’accord indique que les organisations signataires mettront en place une base de données des expérimentations fin 2013. Un comité de suivi de l’accord analysera les expérimentations dans le cadre de l’évaluation de la mise en oeuvre de l’accord.
On peut espérer que cette base de données ou des éléments de cette base de données pourront faire l’objet d’un accès large pour la promotion des bonnes pratiques en matière de QVT et susciter des initiatives d’autres organisations pour s’engager dans le déploiement de l’accord localement.
La communication de témoignages de la mise en oeuvre et des résultats de démarches QVT peut aussi participer à la contagion. Bien entendu, laqvt.fr est un espace où des témoignages pourront s’exprimer ou être relayés.
J’ajoute que la montée en puissance des réseaux sociaux depuis quelques années participera sans doute à la contagion.
S’il est indispensable que les démarches QVT soient portées fortement par les dirigeants, toutes les parties prenantes peuvent être aussi à l’initiative du mouvement d’amélioration de la QVT. La contagion s’adresse donc à toutes et à tous.
je vous invite à prendre votre part !
Articles en lien sur laqvt.fr sur le droit à l’erreur et la confiance : Cherchez l’erreur !, Faites-moi confiance ! et Coopération et confiance
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