Coup de projecteur sur les coûts de la QVT
La Qualité de Vie au Travail, combien ça coûte ? Combien ça rapporte ? Quand on en vient à se poser cette question, c’est déjà une bonne nouvelle : on a déjà dépassé l’idée fausse en première intention que la QVT ça coûte cher et que ce sera préjudiciable à la performance financière.
Mais comment aborder cette question des coûts en ne restant pas dans la seule logique de l’argent qui serait à sortir du porte-monnaie ?
Après la présentation d’un parallèle avec les coûts de la qualité, j’évoquerai les coûts de la non QVT.
La proximité (de la QVT avec le concept) des concepts de QVTet de Qualité
A plusieurs reprises dans des articles – en particulier sur laqvt.fr – et à l’occasion de conférences, j’ai mis en évidence la proximité du concept de QVT avec le concept de “Qualité”. Et ce n’est pas seulement parce que le mot “qualité” est contenu dans le terme “qualité de vie au travail”.
Qualité et QVT ont entre autres points communs :
- une composante certaine de subjectivité à mettre en regard d’éléments objectifs,
- une tendance à les évaluer à tort en noir ou blanc (qualité ou mauvaise qualité),
- il est question de répondre à des besoins exprimés et implicites,
- ce sont des sujets qui doivent être pris à bras le corps par le dirigeant,
- ce sont des sujets dont tout le monde peut s’emparer, car ils touchent au coeur du travail et au rapport de l’individu au travail,
- les parties prenantes sont à considérer à la fois en interne et en externe à l’organisation,
- …
Le sujet du jour me permet d’éclairer un autre point commun : celui de la compréhension des coûts.
Les coûts de la Qualité
Je vous propose d’évoquer les coûts de la qualité, sujet qui sera peut-être familier pour certains.
Le concept de coût de qualité est un peu particulier car il intègre son contraire. Je m’explique :
coûts de la qualité = coûts d’investissement pour améliorer la qualité + coûts de la non qualité (1)
En prenant conscience d’un aspect essentiel :
- les coûts d’investissement sont des coûts choisis et prévisibles,
- les coûts de la non qualité sont subis avec un fort caractère aléatoire.
Améliorer le niveau de la qualité dans une organisation, consiste à investir dans des actions pour améliorer la qualité, ce qui se traduira par une baisse des coûts de la non qualité. En reprenant l’équation précédente, on comprend que la baisse des coûts de la qualité s’obtient en investissant, ce qui permettra de réduire les coûts de non qualité d’un montant supérieur à celui de l’investissement.
Pour la qualité de vie au travail, il s’agit de la même logique.
Les coûts de la non QVT
Les organisations ont à faire face à des coûts de non QVT.
Ces coûts de non QVT intègrent les coûts des RPS.
A l’instar de la non qualité, la non QVT se traduit par des coûts mesurés (absentéisme, turnover, …), mais aussi des coûts masqués (démotivation, présentéisme, …). Certains représentent ces deux niveaux de coûts par un iceberg, la face immergée de l’iceberg (coûts masqués) étant plus importante que la face émergée (coûts mesurés).
La spécificité de la non QVT est qu’une partie importante de ses coûts est imputée à toute la société.
Si l’on prend les impacts des RPS sur la santé mentale, une partie non négligeable des coûts est prise en charge par le régime général de l’assurance maladie. Ce qui donne un aspect tout à faire particulier des politiques d’amélioration de la QVT dans les organisations : non seulement, elles permettent de réduire le coût de la non QVT, et donc de la QVT dans l’entreprise, mais elles ont aussi un impact sur les comptes du régime général de l’assurance maladie.
Sur cette dimension sociétale, on peut aller au-delà : dans la mesure où elle a aussi un impact sur la vie personnelle, la non QVT se répercute par de la non Qualité de Vie, la non Qualité de Vie d’un individu ayant un impact de non Qualité de Vie sur son entourage immédiat.
La non QVT est également contagieuse au sein de l’entreprise, et cela de deux manières :
- elle met plus de pression sur les personnes présentes qui se voient attribuer de la charge supplémentaire du fait de l’absence ou de la moindre performance de ceux qui sont touchés par la non QVT
- la non QVT se traduit souvent par de la démotivation et la démotivation finit toujours par atteindre les plus motivés quand elle est récurrente.
La non QVT est donc contagieuse. Inversement, la QVT est contagieuse.
La formule des coûts de la QVT
Je vous propose donc la formule des coûts de la QVT inspirée de celle des coûts de la Qualité :
coûts de la QVT = coûts d’investissement pour améliorer la QVT + coûts de la non QVT
La diminution de ce coût global passe par le choix d’un investissement dans l’amélioration de la QVT qui aura un effet de diminution des coûts de non QVT, ces coûts étant subis. Le retour sur investissement attendu étant ici un gain de rentabilité; mais le retour sur investissement va bien au-delà de l’impact financier; il est multiforme : économique, social et sociétal.
J’ai utilisé le terme “investissement”, et il n’est pas innocent : Guillaume Pepy, Président de la SNCF, invité à la rencontre organisée le 29 janvier dernier par l’ANACT, le Club QVT et RDS, a expliqué que les actions d’amélioration en terme de QVT lancées au sein de la SNCF sont en effet comptabilisées en tant qu’investissement et non en tant que charge d’exploitation.
Améliorer la QVT, ça coûte forcément de l’argent ?
J’ai évoqué le terme investissement, et donc il ne faut pas être irréaliste : améliorer la QVT nécessite un budget .
Mais je m’empresse d’ajouter immédiatement que certaines actions toutes simples ne coûtent rien : dire bonjour, serrer des mains avec cordialité, dire bravo, dire merci, sourire, blaguer, donner un petit coup de main, …
Il faut prendre conscience que tous ces petits gestes prennent un peu de temps. Donc, sauf si vous êtes adeptes du principe “le temps, c’est de l’argent”, vous me répondrez qu’ils coûtent. Et je surenchérirai, en disant qu’ils comptent.
L’amélioration de la QVT passe aussi par des actions gratuites qui sont essentielles. Elles sont à articuler avec des actions qui touchent aussi au coeur du travail.
Dans un prochain article, j’aborderai quelques fausses idées qui font sous-estimer les coûts de non QVT, ce qui constitue un frein à la décision de la mise en action d’amélioration de la QVT.
(1) La non Qualité: Écart mesuré entre la qualité souhaitée et celle obtenue réellement
(2) Observatoire européen des risques professionnels (décembre 2009).
Photo sous licence creative commons – auteur : Rita Willaert