Productivité et Qualité dans les activités de service
La tendance à vouloir absolument appliquer la même logique, les mêmes critères, les mêmes systèmes de mesures de la productivité entre des activités de production matérielle et les activités de service est un vrai sujet de réflexion.
Voici un lien vers un article qui traite de ce sujet sur le site Le cercle des Echos.
Thomas Zeroual, Enseignant Chercheur à l’ESCE, dans son article “La productivité : un indicateur inadapté aux services » du 10 mars 2011 sur le site Le cercle des Echos, pose la question de la l’évaluation de la productivité dans les activités de services, en particulier en terme d’indicateur et de lien de causalité avec la qualité de service.
L’article en question réagit à celui de Yann Rousseau, correspondant du journal Les échos à Tokyo, intitulé “Au Japon, le culte du service va devoir être réinventé” et daté du 28 février 2011.
Le souci de la qualité de service et tous les efforts qui sont déployés au Japon dans ce sens sont remis en question du fait que la productivité ne serait pas suffisante. Nous nous rapprochons de l’idée développée fréquemment, y compris dans l’industrie, selon laquelle la sur qualité constituerait un manque à gagner en terme de productivité et de rentabilité.
De plus en plus, on peut se demander si la sur qualité en question s’identifie non à travers un écart avec un niveau de qualité recherché mais par rapport à un niveau de productivité qui ne serait pas jugé suffisant, voire des délais de réalisation qui ne seraient pas respectés.
Autrement dit, la sur qualité se décréterait du seul fait que la productivité serait jugée ne pas être au rendez-vous.
“- Vous êtes en train de faire de la sur qualité !
– Je fais trop bien mon travail, chef ?
– C’est pas la question ! On est en retard
et on explose le budget !”
Comme l’analyse Thomas Zeroual dans son article, la productivité pour les activités de service mérite d’être réfléchie autrement, d’autant plus quand elle est co produite entre le salarié et le client ou usager.
Par ailleurs, qui dit “productivité”, dit “évaluation”, et qui dit “évaluation” dit par déformation assez généralisée “mesure”.
Les activités de service se prêtant difficilement à la mesure, on mesure quelque chose qui n’est pas représentatif de l’activité. Donc non seulement, l’évaluation ne prend pas en compte la réalité de l’activité et du travail des salariés mais en plus elle peut conduire à une stigmatisation du secteur d’activité et des individus qui contribuent aux services délivrés aux clients ou usagers.
La stigmatisation, en terme de vocabulaire, variant de “pas assez productif”, “pas rentable”, “sur qualité”, “fonctionnaire” et autres expressions qui restent au travers de la gorge d’individus très souvent fortement engagés dans leur travail et dans l’attention qu’ils portent aux clients et usagers.
Productivité et qualité, des injonctions qui restent contradictoires et dont on demande souvent aux salariés d’assurer eux-mêmes l’arbitrage sur le terrain, arbitrage forcément contesté a posteriori au niveau du gestionnaire :
- le salarié aura privilégié la productivité au détriment de la qualité et sera rendu responsable des plaintes sur la qualité
- le salarié aura privilégié la qualité au détriment de la productivité et sera rendu responsable du déficit de rentabilité
Un jeu où bon nombre de salariés sont perdants quelles que soient les stratégies qu’ils adoptent pour s’adapter.
L’articulation entre la productivité et la qualité étant un enjeu important pour l’amélioration de la qualité de vie au travail. Enjeu qui dépasse largement le secteur des activités de services.
photo sous licence creative commons – auteur : vpickering