Zone de confort et QVT

Novéquilibres : Zone de confort et QVT - laqvt.fr QVT Qualité de Vie au Travail
“Sortir de sa zone de confort”. Voilà un leitmotiv fort à la mode employé dans toutes les sphères de vie et en toutes occasions. La présente chronique est de la même nature que celle que j’ai publiée il y a quelques années sur l’Excellence (1), à savoir : la conjugaison d’un ras le bol et d’un appel à une juste de conscience des enjeux. En cette 16ème semaine de la Qualité de Vie au Travail dont le thème est “vous avez dit performance(s) ?”, il me semble opportun de mettre en évidence que l’injonction à sortir de sa zone de confort est souvent révélateur d’une mauvaise conciliation entre QVT et performance.

“Sortir de sa zone de confort” : le must

Le mot “must” peut être entendu différemment :

  • “sortir de sa zone de confort” sonne comme une mode
  • souvent, la pression étant forte, “sortir de sa zone de confort” est perçu comme une obligation.

Prenons trois exemples de situation où l’on exprime l’idée d’avoir à sortir de sa zone de confort :

  • on attend plus de flexibilité de la part d’un salarié ; par exemple, on demande à un·e infirmier·e d’un service de médecine générale de venir faire des heures dans un service de cardiologie. Si la personne s’y oppose ou tente d’argumenter, on lui renvoie alors son incapacité ou sa mauvaise volonté de sortir de ses habitudes ; alors qu’en réalité, la personne se pose des questions de compétence, d’efficacité, de qualité et/ou de sécurité ; surtout, la personne ne devrait pas être la seule à se poser la question ; le collectif devrait aussi se poser la question : est-ce bien raisonnable de penser que les professionnels de santé sont interchangeables sous prétexte qu’ils ont le même diplôme ou/et intitulé de fonction sur la fiche de salaire ?
  • dans les processus de transformation dans la Fonction Publique, toute personne qui n’est pas prompte à accepter sans piper mot une transformation est menacée d’entendre la référence à sa zone de trop grand confort ; d’ailleurs, toutes les personnes du privé sont bien d’accord dans leur fauteuil devant la télé que le gros problème avec les fonctionnaires, c’est qu’ils sont tellement dans leur zone de confort qu’il faudrait un tremblement de terre pour les en faire bouger ; avec l’omniprésence des stéréotypes sur les fonctionnaires qui renforcent ces discours sur les zones de confort
  • Dans un monde où les objectifs individuels sont réévalués à la hausse chaque année, voire avec une fréquence plus rapide, porter des réserves sur le réalisme de nouveaux objectifs à la hausse fait prendre le risque de se voir opposer l’image que l’on se comporte comme un petit joueur et que l’on ne veut pas mouiller la chemise

C’est de TA responsabilité !

Faire référence à la zone de confort de quelqu’un est bien pratique dans les collectifs de travail où le management est sourd à la dimension humaine  : on renvoie uniquement à la responsabilité individuelle. Utiliser à tour de bras l’invitation, voire l’obligation, pour autrui de sortir de sa zone de confort crée un double impact négatif :

  • cela peut peser exagérément sur les épaules de l’individu et sur son bien-être alors même que la problématique est en réalité organisationnelle (impact négatif sur la QVT)
  • la mise sous pression de l’individu ne règle pas les problématiques (impact négatif sur la performance).

Je ne réfute pas que l’enjeu de sortir de sa zone de confort ne puisse pas être pertinent dans certains cas. Ce que je réfute, c’est la systématisation d’un renvoi à la responsabilité individuelle, à la supposée mauvaise volonté ou/et insuffisance d’ambition et/ou insuffisance d’engagement de l’individu au travail.

Cela montre une mauvaise conscience de l’enjeu de la QVT et également de l’enjeu d’efficacité individuelle et collective : il est indispensable d’articuler judicieusement la responsabilité individuelle et les responsabilités collectives, en interne et avec les parties prenantes.

Pour revenir à cet emploi abusif de “sortir de sa zone de confort”, et pour être très clair : ça m’est insupportable !

Le vrai enjeu : (re)trouver des zones de confort

Ca m’est d’autant plus insupportable, que selon moi, le véritable enjeu dans le monde du travail aujourd’hui est au contraire de (re)donner du confort dans la vie au travail, d’autant plus quand la vie peut être aussi inconfortable dans les autres sphères de vie. Un confort qui englobe plusieurs dimensions :

  • le sentiment d’être le·la bienvenu·e
  • le sentiment de la confiance (celle que l’on reçoit et celle qu’on donne)
  • le sentiment d’avoir le temps de bien faire les choses
  • une bonne ambiance de travail avec les collègues, la hiérarchie, les clients/usagers
  • le confort de son poste de travail avec des bons outils
  • le sentiment de l’autoefficacité et de la compétence
  • le sentiment de la stabilité de l’emploi

Ménager des zones de confort dans notre travail est un des enjeux de la Qualité de Vie au Travail. Le confort, tel que caractérisé précédemment n’est pas la cerise sur le gâteau, ce doit être le gâteau.
Alors mettons la réalisation de ce gâteau au programme de cette 16ème semaine de la QVT. Fêtez-la dignement !

Une question impertinente pour finir : faudrait-il sortir de sa zone de confort pour investir la QVT dans nos organisations ?

Je vous rappelle mon article de la semaine dernière consacrée à la performance : Trop de performance tue la performance … la QVT, notre société et la planète

(1) Article J’exècre l’excellence du 1er mars 2012

Olivier Hoeffel

Responsable éditorial de laqvt.fr Auteur des blogs lesverbesdubonheur.fr et autourdelabienveillance.fr

3 réflexions sur “Zone de confort et QVT

  • 20 juin 2019 à 13 h 01 min
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    bonjour Olivier
    J’aime beaucoup vos articles et votre recul sur le sujet QVT. J’admire la pertinence de vos actions et réactions
    Au titre du developpement personnel, j’expliquais hier en atelier avec des personnes volontaires le modele de la zone de confort dans l’esprit d’un choix que chacun peut faire d’explorer hors du connu quand cela devient routinier.
    Au titre de mon role d’intervenante en RPS et QVT, je ne me permettrai pas d’utiliser ce modele car en effet on glisse allegrement de stimuler les personnes, à challenger les personnes à culpabiliser les personnes !
    quand on utilise les modeles de la psychologie pour culpabiliser les agents ou salariés au lieu de les utiliser pour soi-même afin de se développer, on rajoute une injonction de plus dans un monde professionnel qui en est déjà saturé !
    au plaisir de vous lire
    Pascale

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  • 20 juin 2019 à 14 h 18 min
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    Bonjour Pascale.
    Merci beaucoup pour votre commentaire et la bonne dose de reconnaissance qui me fait bien plaisir (et qui, en passant, contribue à ma QVT).
    J’apprécie beaucoup la double posture que vous évoquez avec le vigilance à ne pas transférer abusivement la responsabilité à l’individu, ce qui peut le mettre dans des situations d’échec, d’impuissance car bien entendu tout n’est pas à la portée indépendamment d’une situation, de moyens donnés (ou pas), du niveau de réalisme des objectifs, …
    Je vous remercie aussi de votre compréhension de ma motivation qui était non pas de délégitimer l’enjeu de sortir de la zone de confort, mais bien de contester l’effet de mode et le côté manipulatoire que l’on peut y trouver de ci de là.
    Olivier

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