La reconnaissance, dimension centrale du don 3D
Dans un premier article du 27 février 2014 Le don 3D pour contribuer à la QVT et la performance, je vous ai présenté le don 3D (Dynamique Durable du Don) un concept pour valoriser et promouvoir une forme de don. La reconnaissance est une dimension centrale de ce concept. L’objet de cet article est de présenter les enjeux de la reconnaissance dans une dynamique de don au travail. Le don 3D, ayant un impact positif sur la Qualité de Vie au Travail (QVT).
Je rappelle la séquence type liée à la reconnaissance dans le don 3D, vu du bénéficiaire du don :
- Je reçois.
- J’en prend conscience et j’apprécie.
- Je ressens de la gratitude (sachant que la gratitude est une émotion positive, alors autant en profiter).
- J’exprime de la reconnaissance.
Dans le don 3D, la reconnaissance constitue le retour explicite du bénéficiaire au donneur. C’est la reconnaissance qui assure la dynamique.
En quoi est-ce un enjeu central pour cette dynamique ?
Voici quelques éléments qui entrent en jeu de mon point de vue :
- l’adaptation hédonique
- le besoin de feedback
- le besoin d’un ratio suffisant de stimulations positives par rapport aux stimulations négatives
1/ L’adaptation hédonique
Je vous ai présenté l’adaptation hédonique (modèle développé en psychologie positive) dans l’article du 17 janvier 2013 Impacts de l’adaptation hédonique sur le bonheur et la QVT.
En quelques mots, il s’agit d’un processus d’habituation aux événements qui surviennent. S’ils sont agréables, leur effet positif sur notre état de bonheur décroît plus ou moins rapidement pour finir par s’envoler. Symétriquement, face à un événement désagréable, l’impact négatif baisse d’intensité et finit par disparaître.
Elle conduit à une forme d’habituation d’autant plus forte quand l’appréciation et la gratitude ne sont pas (plus) de la partie. Le don devient alors une forme de dû du point de vue du bénéficiaire ce qui constitue bien entendu un frein à la dynamique. En effet, il y a forcément un moment où le donneur s’essouffle et remet en cause son élan du don.
Systématiser la reconnaissance dans le don 3D permet de mettre l’appréciation et la gratitude en jeu à la réception du don. Cela constitue une parade tout à fait intéressante à l’adaptation hédonique et permet au bénéficiaire de prendre conscience du don, de s’en nourrir (le plus longtemps possible) et d’apporter la juste reconnaissance au donneur.
2/ Le besoin de feedback
Céline Bou Séjean a évoqué le feedback dans son article du 18 avril 2013 du même nom.
Le don est une action. Une action attend un feedback (une rétroaction).
Imaginons le cas de figure où le don est un service rendu et qu’il y a des signes manifestes pour le donneur que ce service a été productif. Ces signes constituent un feedback. Et très probablement, cela apportera au donneur de la satisfaction.
Maintenant, que se passe-t-il s’il n’y a pas de signes manifestes sur le résultat du service donné ? Le risque est bel et bien que le donneur se retrouve en absence de feedback.
Mais, si le bénéficiaire remercie le donneur, son signe de reconnaissance constituera un feedback.
L’expression de la reconnaissance dans le don 3D garantit donc un feedback, sachant que d’autres pourront s’ajouter à travers les signes que le donneur pourra percevoir de l’utilité de son don.
3/ Le besoin d’un ratio suffisant de stimulations positives par rapport aux stimulations négatives
Connaissez-vous la ligne de Losada ? Elle a été mentionnée par plusieurs auteurs de livres de psychologie positive(1).
Marcial Losada, psychologue chilien, a posé un modèle mathématique(2) (que des mathématiciens contestent) lié à l’impact sur la performance d’une équipe du ratio entre stimulations positives et stimulations négatives. Selon lui, une équipe commence à être performante quand ce ratio s’élève à 3 (2,9013 pour être précis). Elle atteint de hauts niveaux de performance avec un ratio de 6.
Concrètement : si vous voulez que ça se passe bien dans votre équipe, il faut que le nombre de compliments qui circulent entre vous soient au moins 3 fois supérieur au nombre de critiques négatives.
On pourrait inviter les médias à nous annoncer 3 fois plus de bonnes nouvelles que de mauvaises nouvelles pour nous remonter le moral, mais c’est un autre sujet qui mériterait débat.
A noter que John Gottman, psychologue de Washington, spécialiste des relations conjugales a étudié le ratio stimulations positives/négatives pour les couples. Selon lui, un couple harmonieux échange 5 fois plus de stimulations positives que de stimulations négatives.
Pour en revenir au travail, bien évidemment, il ne s’agit pas de faire de la comptabilité, d’inciter à produire une nouvelle ligne dans les tableaux de bord et de développer des actions artificielles de stimulation pour atteindre la ratio attendu (voire exigé).
L’idée, c’est surtout de prendre conscience de l’importance d’échanger des stimulations positives, d’autant plus que la culture actuelle ne nous y incite pas, entre l’urgence d’un côté qui nous fait zapper les actes qui ne sont pas directement productifs et la tendance à chercher des responsables/coupables en cas de problèmes, ce qui pousse plutôt aux stimulations négatives.
Prendre conscience, c’est une chose, cultiver la reconnaissance en est une autre.
Il est maintenant très entendu que la reconnaissance est une dimension essentielle de la QVT et que le mal-être au travail se nourrit d’un déficit de reconnaissance. Au vu de ce ratio, on en comprend mieux aussi l’enjeu, puisque les signes de reconnaissance sont des stimulations positives.
Les signes de reconnaissance cultivés dans le don 3D participent à alourdir le plateau des stimulations positives de la balance de Losada, qui, vous l’avez bien compris, se doit de donner plus de poids au positif. Donc non seulement, la reconnaissance assure la dynamique du don 3D, mais elle participe aussi à la QVT des personnes de l’équipe et à la performance collective.
Sur le sujet de la reconnaissance, je vous renvoie à notre dossier et particulièrement sur l’article La reconnaissance au travail … dans le bon sens
(1) Notamment “Merci !” Robert Emmons (page 91), “Comment devenir un optimiste contagieux” Shawn Achor (page 94)
(2) Travaux communs sur le sujet avec Barbara Fredrickson
photo sous licence creative commons – auteur : Novéquilibres