Une bonne résolution de la rentrée à concrétiser en priorité : prenons soin de nous !

Novéquilibres : Une bonne résolution de la rentrée à concrétiser en priorité : prenons soin de nous ! - laqvt.fr QVT Qualité de Vie au Travail
A l’occasion de cette rentrée scolaire, à une période où l’on a l’habitude d’envisager, de parler, voir d’essayer de concrétiser de bonnes résolutions, je lance un appel à vous lectrices et lecteurs de laqvt.fr. Un appel à relayer auprès de vos proches, de vos collègues, des collectifs auxquels vous appartenez (professionnellement et bénévolement). Il vise à mettre en juste conscience les enjeux de la santé au travail et en particulier les impacts dévastateurs du stress chronique – en l’occurrence au travail – sur les organismes. Je pèse mes mots, et je m’en expliquerai dans cet article. Je relance également un appel aux acteurs d’un secteur qui pourrait/devrait être particulièrement en pointe en matière de Qualité de Vie au Travail (QVT) et qui ne l’est manifestement pas : l’Economie Sociale et Solidaire

La santé, de quoi parlons-nous vraiment ?

Etre en bonne santé a très longtemps été confondu avec ne pas être malade. Cette vision des choses reste d’ailleurs très ancrée dans la population.

En 1946, à l’occasion de la création de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), a été donnée par cette institution une définition qui change la donne et qui élargit en particulier les enjeux de santé publique :

On peut relever deux notions centrales pour la suite de mon propos :

  • la santé ne se limite pas à la dimension physique ; il faut prendre en compte également les dimensions mentale et sociale. On peut noter que, bien souvent, la santé mentale est sous-valorisée dans la société et en particulier dans la sphère professionnelle. La prévention des risques physiques est entrée depuis longtemps dans la culture des entreprises (au moins pour les grandes). C’est beaucoup moins le cas pour les risques psychosociaux qui peinent à susciter le même niveau d’attention. A noter l’enjeu important de ne pas compartimenter ces 3 niveaux de santé et de les appréhender de manière holistique avec des influences mutuelles potentiellement fortes.
  • travailler sur la santé ne concerne pas seulement la prévention et le traitement des maladies. Il s’agit aussi de s’intéresser aux facteurs de bien-être et de développer des actions de santé autour de ces facteurs.

Mettons les points sur les I en matière de stress (au travail)

Si la souffrance au travail n’est pas l’objet premier de notre site, en revanche nous disons clairement qu’un des enjeux centraux de la QVT est d’augmenter le bien-être et de diminuer le mal-être de l’individu.


Pourquoi nous semble-t-il important de mettre les points sur le I en matière de stress (au travail) ? Parce que le stress chronique doit être considéré véritablement comme un poison pour l’organisme et un élément important contribuant aux comportements néfastes (dits comportements à risque) à la santé. Cela met en évidence des impacts directs et indirects du stress chronique sur la santé :

  • impacts directs du fait de la réaction biologique du stress sur le métabolisme
  • impacts indirects du fait du lien entre stress et comportements à risques pour la santé

Impacts directs du stress chronique sur la santé

Depuis quelques années les effets du stress sur la santé sont reconnus de manière assez unanimes par les autorités de santé et les partenaires sociaux.

L’Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS)(1) s’intéresse notamment au sujet du stress au travail et consacre un dossier dédié sur son site internet. Il relève un lien de causalité entre le stress chronique et plusieurs types de pathologie :

  • le syndrome métabolique consécutif à l’hypersécrétion prolongée de catécholamines (adrénaline, noradrélaline, dopamine) et de glucocorticoïdes (notamment le cortisol). Selon l’INRS, “Il associe hypertension artérielle, obésité abdominale, résistance à l’insuline et perturbations du métabolisme des lipides sanguins (cholestérol, triglycérides…) »
  • les maladies cardiovasculaires(2) (favorisées en particulier dans les cas de situations de travail avec le cocktail suivant : peu de marge de manœuvre, peu de soutien et des exigences fortes de productivité).
  • les Troubles MusculoSquelettiques (TMS) ; le stress chronique constituant un parmi plusieurs facteurs de risque qui se combinent pour aboutir à ce type de pathologie (un autre facteur étant notamment la répétitivité de gestes)
  • la dépression et les troubles anxieux
  • d’autres conséquences : les impacts des accident de travail ou de trajet dont le risque est augmenté par le stress chronique. L’INRS évoque également “l’apparition ou l’aggravation de troubles hormonaux, de troubles de la fertilité et de certaines pathologies de la grossesse »

Par ailleurs, une question se pose : le stress chronique favorise-t-il, voire déclenche-t-il le cancer ? Les cancérologues répondent par la négative de manière assez catégorique tout en évoquant des “études contradictoires”(3) (4). C’est bien un sujet controversé et j’ai le sentiment que l’analyse éminemment complexe de la potentialité d’un lien de causalité entre stress chronique et cancer pourrait donner des enseignements différents à l’avenir. Pour les animaux, la causalité a été démontrée mais les résultats seraient difficilement transposables à l’être humain. Je vous renvoie aux effets de l’impuissance et de l’inhibition de l’action sur la santé que j’ai évoqués dans l’article De l’impuissance solitaire à la puissance coopérative

Un des éléments qui rend difficile la recherche d’une éventuelle causalité est l’effet cercle vicieux entre pathologie et stress : le stress peut contribuer à la pathologie, pathologie qui met potentiellement en stress ou amplifie le stress du malade. Si donc cette causalité est controversée, ce qui ne l’est pas c’est le lien de causalité entre stress et risque de récidive de cancer. Et pour le coup, les cancérologues savent s’entourer de psychologues pour aider les malades à aborder leur cancer de la manière la moins stressante. On peut penser que le pas à franchir ne semble pas si important entre d’une part le lien de causalité avéré en stress et risque de récidive de cancer, et d’autre part le lien de causalité entre stress et apparition ou contribution au cancer. Ces deux questions partageant le même constat : le stress chronique affaiblit le système immunitaire.

J’ajoute que le stress n’est pas seulement à évoquer dans sa dimension chronique. Le stress aigu a aussi des impacts négatifs sur la santé et il peut survenir dans la sphère professionnelle en situation par exemple de violence (clients, usagers, ou collègues), de harcèlement (dont le harcèlement sexuel), d’accident, …

Stress et comportements de santé

Au-delà des impacts directs sur la santé, l’INRS et d’autres acteurs ont identifié des impacts indirects sur la santé du fait des réactions comportementales au stress chronique. En effet, l’individu en proie au stress chronique adopte des stratégies pour faire face à trois types de symptômes perçus :

  • les symptômes physiques : fatigue, douleur, troubles du sommeil, de l’appétit, de la digestion, du rythme cardiaque, sueurs, tension musculaire, oppression, éruption cutanée, …
  • les symptômes émotionnels : nervosité, angoisse, tristesse, colère, sensation de mal-être et de souffrance psychologique, …
  • les symptômes intellectuels : problèmes de concentration, fatigue mentale, manque de motivation et de prise d’initiative, …

En réaction à ces symptômes, l’individu peut être amené à initier ou à amplifier des comportements à risques, éventuellement combinés : café, tabac, alcool, stupéfiants, médicaments, trop de sucre, trop de matières grasses, trop de sel, anarchie des rythmes de vie, … La baisse de l’envie de la vie peut lui faire abandonner des activités sociales. Un des impacts que l’on voit souvent également concerne la désertion des activités physiques. Autant de comportements qui représentent des risques pour la santé et des impacts négatifs sur les relations avec l’entourage familial, amical au-delà des conséquences négatives sur la vie au travail.

Il faut activer le principe de précaution

Il est donc clair que le stress chronique au travail (et au-delà du travail) constitue un facteur très sérieux de diminution de l’espérance de vie et de l’espérance de vie en bonne santé. Ce devrait être un enjeu capital pour l’individu, pour toutes les activités (qu’elles soient économiques ou non) et pour la société. Sauf que nous considérons que ce n’est pas le cas pour chacun de ces niveaux. La récente démission de Nicolas Hulot me donne l’opportunité de faire un parallèle entre le déficit de conscience des enjeux de santé et celui des enjeux de l’écologie, les deux sujets étant par ailleurs étroitement couplés.

Une Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE) assumée de manière pleine et entière prend en compte ces deux types d’enjeux reliés.

Les entreprises ont obligation de préserver la santé et la sécurité des salariés (en réalité, nous préconisons qu’il soit entendu pour tous les individus de l’organisation quel que soit leur statut, y compris les dirigeants). C’est une obligation qui engage la responsabilité pénale des dirigeants. Le Document Unique d’Evaluation des Risques Professionnels (DUERP) doit prendre en compte les risques psychiques et donc les risques de stress chronique. Je ne ferai pas injure aux organisations en France pour constater que les DUERP et les pratiques au quotidien sont en moyenne loin du compte pour préserver la santé psychique, dont le stress chronique (avec des impacts sur la santé physique, sociale et psychique).

La France sait être très présente sur certains risques avec le bien connu principe de précaution. Je dis ici haut et fort que le principe de précaution concernant le stress chronique au travail est bien peu affirmé, compte tenu de la connaissance de nombreux risques assez unanimement reconnus et ceux controversés (notamment le cancer).

Comment entendre “Prenons soin de nous !” ?

Il y donc dans notre esprit sur laqvt.fr une priorité (voire une urgence, mais n’ajoutons pas des urgences qui mettent en stress chronique) à prendre sérieusement en compte l’enjeu de la santé dans ses 3 composantes (physique, psychique et sociale) dans les organisations qu’elles soient économiques ou non (je pense notamment au cas des bénévoles dans les associations).

Prendre la santé en compte veut tout simplement dire : inclure le sujet de la santé dans les éléments de décision stratégique et opérationnelle; avec la vigilance à examiner les impacts moyen et long terme et pas seulement le court terme, et ceci au même titre que les impacts sur l’environnement.

“Prenons soin de nous !” invite à 3 niveaux de mobilisation :

  • Une mobilisation individuelle “Je veux prendre soin de moi et je le fais !»
  • Une mobilisation interpersonnelle “Prenons soin de nous mutuellement toi et moi ! ». Une mobilisation que je mets en lien avec le concept d’Attention Réciproque que j’ai développé depuis juin 2017 sur laqvt.fr
  • Une mobilisation collective “Prenons soin de nous dans notre collectif, notre société, notre métier, … ! » qui donc en réalité prend la forme de plusieurs niveaux de mobilisation aux différentes strates de la société (équipe, entité économique ou non, branche professionnelle, territoire, niveau national, niveau international).

J’invite à considérer le “Prenons soin de nous !” en mode opportunité, plaisir, enthousiasme, challenge, concret … plutôt qu’en mode obligation, punition, culpabilisation, affichage …

Y a pas que celles et ceux qui travaillent beaucoup ou celles et ceux qui travaillent, tout court !

Depuis deux à trois ans, la question du burnout est très présente dans les médias. Elle s’intéresse au surengagement. Nous soutenons les actions menant à la prise en compte et la reconnaissance du burnout. Il faut considérer également les personnes qui sont en sous-activité, notamment celles ayant une activité en indépendant (micro entreprise, EIRL, SASU, au sein d’une coopérative d’activité et d’emploi, via une société de portage, …). En effet, elles stressent quelques fois non seulement parce que le compteur du chiffre d’affaires n’avance pas assez – voire pas du tout – mais aussi parce qu’en même temps celui des charges continue à tourner inexorablement avec des relances des fournisseurs et des appels incessants du partenaire bancaire (pas tellement dans un mode partenaire si vous voyez ce que je veux dire).

Il y a aussi les personnes dont on ne parle jamais en matière de santé au travail et pour cause : elles n’ont pas de travail. Ou plus exactement, elles ont un travail atypique : chercher un travail. Sachant qu’il y a une intersection non nulle entre cette population et la population précédente. Des chercheurs d’emploi dont on cherche particulièrement à prendre soin … qu’ils soient réellement en recherche active. Par contre, vous conviendrez probablement facilement avec moi que la santé physique, psychique et sociale du chercheur d’emploi est rarement un sujet au journal de 20 heures à la télévision (contrairement au sujet de la chasse aux profiteurs et aux fainéants du chômage).

La question de la santé au travail doit être très inclusive et non exclusive.

Cultivons-nous notre QVT dans l’ESS ? !

Cela fait plusieurs mois que je m’exprime dans des événements publics, sur laqvt.fr, et directement auprès d’acteurs de l’Economie Sociale et Solidaire pour inviter à cultiver délibérément la QVT (et dont la santé psychologique au travail) dans ce secteur. Le fait que l’ESS soit aussi peu exemplaire en matière d’attention portée à la santé de celles et ceux qui portent cette économie (à quelque niveau qu’ils soient) est de l’ordre de l’anomalie dans ma façon de voir les choses. Ce manque d’attention a non seulement un impact négatif sur la santé des individus mais aussi sur la vitalité du secteur. Cela rejoint ainsi une idée forte du concept de QVT : le double enjeu de la santé de l’individu et de la performance économique. Ce manque d’attention est d’autant plus préjudiciable pour l’image du secteur et pour la santé psychique que cela crée de la dissonance (entre valeurs affichées et pratiques au quotidien).

J’appelle donc particulièrement les lectrices et lecteurs issus de l’ESS à promouvoir l’idée de la culture de la QVT au sein de leur(s) collectif(s) car je suis convaincu que le terreau semble en moyenne plus propice que dans d’autres secteurs de l’économie auxquels il manque une dimension centrale pour la santé psychologique : la possibilité de participer aux décisions. Je précise toutefois que participer aux décisions peut prendre des tournures et des saveurs différentes selon le type de démocratie. C’est d’ailleurs à l’instar de la République Française : le citoyen participe aux décisions de choix de représentants (présidentielles, législatives, cantonales, municipales, européennes) ce qui n’est pas le gage en soi d’en ressortir avec un sentiment de participer aux décisions. L’enjeu étant de mettre plus de démocratie réellement participative (pas seulement pour demander un avis que l’on demande sans vouloir en tenir compte).

On se lance !

Puisque c’est une bonne résolution à laquelle je vous invite, je vous suggère de l’appréhender à travers le double mouvement que nous avons évoqué à plusieurs reprises sur laqvt.fr, et notamment en activant celui qui part de soi, qui continue par les interactions interpersonnelles et prend de l’ampleur à travers l’action collective.

Comme pour les conjugaisons, il s’agit de s’entraîner, alors :

BONNE RENTRÉE EN PRENANT SOIN DE VOUS !

Si l’enjeu vous semble aussi important que nous l’exprimons ici et que vous appréciez cet article, nous vous invitons à le partager autant que possible sur les réseaux sociaux et autour de vous.
 
 
 

(1) Créé en 1947, l’INRS est une association loi 1901. Il est géré par un Conseil d’administration paritaire constitué de représentants des organisations des employeurs et des salariés. Organisme généraliste en santé et sécurité au travail, l’INRS intervient en lien avec les autres acteurs institutionnels de la prévention des risques professionnels.
(2) CŒUR ET STRESS, brochure de la fédération française de cardiologie
(3) STRESS ET CANCER : La fin d’un mythe sur le site internet de La ligue contre le cancer
(4) Stress et cancer sur le site internet de Cancer Environnement

Olivier Hoeffel

Responsable éditorial de laqvt.fr Auteur des blogs lesverbesdubonheur.fr et autourdelabienveillance.fr

3 réflexions sur “Une bonne résolution de la rentrée à concrétiser en priorité : prenons soin de nous !

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