Le droit à la déconnexion fait couler de l’encre

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laqvt.fr s’intéresse à la question de la déconnexion depuis sa création en juin 2011 et a lancé son initiative la déconnect attitude en mars 2012. Nous y avons évoqué la double responsabilité correspondant au droit à la déconnexion et au devoir de déconnexion. Nous avons lancé une 2ème initiative plus large en décembre 2013 : le temps sur la table.
Une actualité particulièrement riche en la matière nous amène à vous proposer un point sur ce qui bouge depuis quelques mois et ce qui va bouger en matière de droit et devoir de déconnexion.


L’annonce de la signature par le patronat des sociétés d’ingénierie et de conseil et des bureaux d’études (Syntec et Cinov), la CFDT et la CGC, d’un avenant à l’accord de 1999 a fait couler beaucoup d’encre, y compris de l’autre côté de la Manche, avec un certain nombre de contre-vérités et de railleries qui ont circulé – particulièrement chez ceux qui maîtrisent mal notre langue et qui ont dû faire forcément une mauvaise interprétation comme on peut bien l’imaginer. Vous voyez une autre raison, vous ? Ou alors une date de signature probablement mal choisie : le 1er avril 2014 ?
Qu’annoncent donc certains médias anglais ? Un méli mélo de “le travail sera désormais illégal en France après 18 heures”, “il faudra éteindre son téléphone professionnel après 18 heures”, “un millions de cadres sont concernés”, …

De quoi s’agit-il en réalité ?

Le droit à la déconnexion va concerner une partie des cadres de cette branche : ceux qui sont sous le régime du forfait jour.

Pour accéder à la version pdf.

Pour être clair : ce n’est pas une mesure générale pour tous les cadres en France, mais un droit octroyé à une partie des cadres de la branche couverte par la convention collective Syntec-Cinov, ceux qui sont soumis au forfait jour. Selon un article du site slate.fr, cette mesure concernerait environ 250 000 cadres et non 1 million (cet article en profite pour rétablir la vérité sur quelques fausses informations données en particulier par certains médias anglo-saxons).

L’article 4.8.1 de cet avenant intitulé “Temps de repos et obligation de déconnexion” prévoit que l’effectivité du respect des durées minimales de repos implique pour le cadre une obligation de déconnexion.

Pour résumer, voici les rôles respectifs de l’employeur et du cadre tels que nous les comprenons dans cet avenant :

  • pour le cadre :
    • le devoir de se déconnecter, qui renvoie à la responsabilité du cadre de gérer son temps (l’articulation entre vie personnelle et professionnelle) et de ne pas surréagir face à une sollicitation (résister à l’automaticité de l’immédiateté qui fait réagir dans la seconde alors que ce n’est pas une urgence).
    • le devoir de prévenir son/sa responsable hiérarchique des accroissements de sa charge de travail qui menacent sa conciliation vie personnelle-vie professionnelle (article 4.8.2).
  • pour l’employeur :
    • le devoir de s’assurer des dispositions nécessaires permettant au cadre de se déconnecter des outils de communications à distance.
    • la mise en place d’un outil de suivi pour assurer le respect des temps de repos quotidien et hebdomadaire.
    • le devoir de trouver une solution alternative dès lors qu’un cadre prévient son/sa responsable hiérarchique ou utilise son droit d’alerte sur son incapacité à pouvoir respecter les durées minimales de repos ou que le dispositif de suivi déclenche l’alerte.
    • le devoir de recevoir le cadre dans les 8 jours si celui-ci a utilisé son droit d’alerte, et de lui formuler par écrit les mesures alternatives pour préserver sa conciliation vie personnelle-vie professionnelle.

Ce qui est un droit de déconnexion ne constitue pas toutefois une obligation pour l’employeur de fermer les robinets des flux numériques qui parviennent aux cadres.
Et c’est là que notre initiative la déconnect attitude prend tout son sens : pour que ces avancées en terme de Qualité de Vie au Travail (QVT) soient effectives, il faut aussi que le bénéficiaire se saisisse de son devoir de déconnexion.
Bien entendu, les employeurs peuvent mettre en place des mesures pour fermer les robinets comme l’a fait récemment l’assureur Réunica, mais il y a bien aussi la responsabilité individuelle à interpeller sur le sujet de la déconnexion.

La charte « 15 engagements pour l’équilibre des temps de vie »

En décembre 2013, la ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, a annoncé la signature par 16 organisations de la nouvelle charte intitulée « 15 engagements pour l’équilibre des temps de vie ». Nous avons consacré un article à cette initiative à laquelle est associé l’Observatoire de l’Equilibre des Temps et de la Parentalité en Entreprise (ex OPE).
Cette charte invite particulièrement à la déconnexion dans ses points :

  • 6 – Éviter de solliciter les collaborateurs le week-end, le soir ou pendant les congés sauf à titre exceptionnel.
  • 14 – Limiter les envois de mails hors des heures de bureau ou le week-end.

Demandez le programme !

Après l’accord Syntec-Cinov, dans leur élan, les partenaires sociaux devraient négocier dans les mois qui viennent pour d’autres branches d’activité.

Nous avons annoncé dans une récente brève que les partenaires sociaux de la fonction publique vont démarrer une négociation sur la QVT. On imagine mal que le sujet de la déconnexion ne soit pas sur la table également pour la Fonction publique.

La 11ème semaine de la Qualité de Vie au Travail organisée par le réseau Anact, sera évidemment une bonne opportunité d’aborder le sujet de la déconnexion, en tant que levier important (voire crucial) de la préservation de la conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle.

photo sous licence creative commons – auteur : Sten Dueland

Olivier Hoeffel

Responsable éditorial de laqvt.fr Auteur des blogs lesverbesdubonheur.fr et autourdelabienveillance.fr

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